Comment travaille… la social media manager d’Airbnb?
Retrouvez l’avis de Jérémie Mani, PDG de Netino à la fin du portrait.
Sophie de Kepper est en charge du social media chez AirBnb, le nouvel acteur incontournable de la location de logements entre particuliers. Alors que la société est présente dans 190 pays, Sophie de Kepper est coordinatrice des contenus et des réseaux sociaux de la marque en France et en Europe. Elle assure la fonction de «community manager», mais, cas particulier, pas uniquement. Chez Airbnb, elle est «coordinatrice marketing – médias sociaux et contenu».
Côté formation Sophie de Kepper est une ancienne journaliste de la PQR, formée à l’IPJ (Institut Pratique de Journalisme). En 2008, elle vit à Vancouver où elle est pigiste puis rédactrice en chef du journal francophone L’Express du Pacifique. De retour en France, elle travaille dans le Web content chez Groupon, avant d’être recrutée en janvier 2012 par Airbnb au moment de l’ouverture du bureau français.
Frenchweb : Quand avez-vous créé vos comptes Twitter, Facebook et LinkedIn, racontez-nous ce moment?
Sophie de Kepper : J’ai commencé par Facebook, certainement le plus séduisant de prime abord quand on se lance sur les réseaux sociaux car il est d’une facilité déconcertante – lorsqu’on ne gratte pas la surface. J’ai ouvert mon compte en 2007, alors que j’étais en école de journalisme. J’avais pas mal de réserves quant aux questions de confidentialité auquel faisait -et fait toujours face, Facebook. Puis j’ai abordé les choses différemment quand je suis partie au Canada, où je l’ai utilisé comme un journal de mes aventures et album photos de mes voyages. Cela permettait de montrer à mes proches en France tout ce que je faisais à l’étranger. Twitter est venu plus tard, en 2009, mais est resté pour moi un canal de communication de l’actualité. Je ne suis donc pas personnellement une twitteuse de l’extrême. Quant à LinkedIn, j’ai ouvert mon compte en 2012, lorsque j’ai intégré Airbnb. Travailler avec une entreprise américaine, qui plus est de la Silicon Valley, vous incite à vous mettre à la page et suivre les tendances. Avant cela, j’étais sur Viadeo que j’ai délaissé au profit de LinkedIn.
Depuis combien de temps êtes-vous CM? Comment cela a-t-il commencé pour vous?
J’ai fait mes premiers pas professionnels sur les réseaux sociaux au desk de Midi Libre, à Montpellier, à mon retour du Canada en 2010. Ma mission consistait à animer quotidiennement la page Facebook et le fil Twitter du journal avec les actus qui tombaient au cours de la journée. Il fallait également assurer la modération des commentaires et l’engagement avec les lecteurs. Plus globalement, je travaillais au sein d’une équipe dédiée à l’écriture, la mise en ligne, la «priorisation» et la programmation de l’actualité sur le site Web et les réseaux sociaux de Midi Libre.
Quelle est la qualité principale d’un community manager ?
Cela dépend de l’entreprise dans laquelle vous travaillez, de ses dirigeants, et des objectifs qu’ils se sont fixés sur les réseaux. Pour ma part, c’est l’organisation au quotidien compte tenu des nombreuses tâches que recouvre mon poste en plus du community management. Mais je sais que pour d’autres, ça sera la réactivité. Ou encore la capacité à créer un contenu extrêmement «sharable». Je pense qu’on a dépassé depuis longtemps la quête effrénée des fans, complètement dépassée à mon sens. Cela n’est en rien gage de qualité ou de clics, encore moins d’achat ou de trafic sur un site. Mais ce n’est que mon avis !
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Twittou multitâches. Jongleuse de mots et de Google Docs, gardienne du contenu et du bon ton Airbnb, fidèle alliée des CM d’Airbnb Europe.
Pourquoi chez Airbnb, le poste de CM est-il élargi et enrichi à d’autres fonctions ?
Je pense que c’est lié aux valeurs d’Airbnb. «Cereal entrepreneur» (lorsque les fondateurs ont créé des boîtes de céréales Cap’n McCain’s et Obama O’s en 2008 au moment des élections) et «Embrace the adventure» sont deux valeurs fondamentales et résultent de l’esprit qui règne chez Airbnb. J’ai été embauchée à l’ouverture des bureaux à Paris en janvier 2012, il y avait tout à construire. J’avais donc une multiple casquette : CM, traductrice, relectrice, rédactrice, point de contact pour les blogueurs… Je participais aussi, comme le reste de l’équipe, aux meetups, ces rencontres que nous faisons régulièrement avec nos utilisateurs pour rester en contact direct avec eux et garder les pieds sur terre quant à leurs interrogations et leurs suggestions. Bref, le poste est né comme ça, et je conserve aujourd’hui une grande partie de toutes ces fonctions qui font de moi la garante du ton et du style Airbnb pour la France.
Quelles sont les tâches que vous avez en plus par rapport à un CM traditionnel?
Au-dela de ça, j’ai désormais une casquette Europe en étant depuis plus d’un an Coordinatrice marketing EMEA. Dans les faits, je coordonne l’équipe des community managers, le social media et le contenu en Europe sur divers points : le calendrier de contenu Europe, que ce soit sur les réseaux ou le blog ; la rédaction et la traduction de ces contenus en temps et en heure ; la mise en place des diverses campagnes sur les réseaux, qu’elles viennent du siège, d’Europe ou de France, où il faut valider budget, ciblage, contenu, traduction. Le dernier exemple en date est notre campagne #NightAt aux Catacombes de Paris. Après validation des budgets, je travaille avec notre agence sur sa répartition en fonction des marchés ainsi que sur les ciblages d’audiences, puis coordonne la rédaction et la traduction des posts et tweets avec notre équipe de CM en Europe, voire dans le monde selon la portée de la campagne.
Quelles sont vos priorités en tant que «super CM»?
Ma première priorité est de juger si oui ou non un contenu se rattache bien à notre communauté, d’une manière ou d’une autre. S’il sert nos objectifs de marque et répond à notre mission «Belong Anywhere». S’il se différencie de tous les contenus qui existent déjà. Nous recevons beaucoup de propositions externes visant simplement à faire du buzz, à augmenter nos nombres de fans, ou relater un voyage. Si bien que l’on pousse beaucoup nos partenaires dans leurs retranchements. L’organisation est aussi un must pour mon rôle de coordinateur : pour garder à l’esprit tout ce qui est live sur nos réseaux en Europe et les campagnes qui vont être programmées, savoir où aller trouver l’information et les outils pour aider mes collègues, mon cerveau doit être connecté à tous les départements nécessaires à la bonne exécution de mon travail.
Quel est l’accomplissement dont vous êtes le plus fier?
Mes collègues m’ont toujours dit : «Si tu arrives à rentrer au CM Hall of Fame, tu n’as plus rien à prouver.» C’est chose faite avec ce tweet qui nous aura valu l’engagement le plus fort depuis la création des réseaux sociaux d’Airbnb France en janvier 2012.
Quelle est la plus grosse erreur que vous ayez commise en tant que CM? Une anecdote en particulier ?
Très honnêtement, rien qui nous ait valu une exécution en place publique. Au départ, lorsque nous n’avions qu’une page Facebook Airbnb pour tous les marchés, il est arrivé qu’on oublie de cibler nos pays. Les Etats-Unis, qui géraient la page globale, se retrouvaient avec des posts italiens, espagnols, français… Après, les gens sont toujours prompts à vous rappeler les règles de grammaire ou d’orthographe. Nous pouvons être irréprochables dans 99 % des cas, vous pouvez être assuré que quelqu’un sera là pour vous signaler le 1% d’erreur. D’une manière générale, dans des cas sensibles, il est rare que nos utilisateurs veuillent en faire état publiquement, il y a une certaine pudeur. Ca limite aussi les risques.
Quel est votre premier geste de connexion?
J’ouvre notre outil Engagor pour suivre les conversations sur nos réseaux en France, de manière égale entre Twitter et Facebook, puis observe les réactions et engagements autour des contenus que j’ai programmés. Je m’assure que toutes les questions posées et situations à résoudre ont bien été traitées par notre équipe médias sociaux du service uti lisateurs.
Quel est votre réseau social préféré ?
A ce jour, je pense qu’Instagram a mes faveurs. Tout simplement car c’est le réseau qui exprime le mieux ce que nous avons à offrir : des expériences humaines et des logements uniques, dans l’unique but de permettre à tous de se sentir chez soi, partout dans le monde. C’est aussi le réseau le plus en phase avec notre communauté, pilier de notre marque, puisque nous utilisons essentiellement du UGC (user generated content) proposé par nos utilisateurs.
Quel est le réseau social que vous appréciez le moins?
Pour Airbnb, et certainement pour beaucoup de marques, Facebook est peut-être le plus difficile. D’abord à cause de son algorithme qui rogne année après année la portée de nos publications sur nos fans. Il est presque devenu inutile de créer une page Facebook pour son entreprise s’il n’y a pas un budget annuel prévu pour amplifier vos posts, car personne ne les verra, à moins d’aller de manière pro-active sur votre page. D’où la nécessité d’avoir une stratégie de contenu extrêmement attrayante, sans tomber dans la course aux clics avec des titres tapageurs. D’autre part, Facebook est devenu un canal de plaintes parfois nauséabond car sans limite de caractères, les mécontents et cyniques peuvent s’en donner à coeur joie. Heureusement, nos utilisateurs sont aussi là pour rappeler à l’ordre certains qui abusent allègrement d’affirmations trompeuses à l’emporte-pièce.
Comment vous tenez-vous à jour des dernières évolutions en matière de partage social?
Nous avons la chance d’être dans une entreprise où l’esprit d’équipe est encouragé et mis à l’honneur. Les social media managers chez Airbnb sont donc dans le partage de connaissances et chacun apporte sa pierre à l’édifice en faisant part de ses dernières lectures sur les nouveautés relatives aux médias sociaux, et de manière plus globale sur le marketing.
Quel est le plus grand défi pour votre marque ?
Pour moi il y en a deux. Le premier est de faire comprendre ce qu’est Airbnb au grand public : nous ne sommes pas un nouveau Couchsurfing, nous ne sommes pas un service d’échange de maisons, et nous ne sommes pas comme à l’hôtel. Le deuxième est de montrer les effets positifs que notre activité peut avoir sur une économie locale et dans l’industrie du tourisme. Parce qu’on peut y trouver tous les prix, Airbnb permet à de nombreux utilisateurs de voyager alors qu’ils ne l’avaient pas forcément envisagé, de rester plus longtemps sur place et de ce fait dépenser davantage dans le quartier où ils se trouvent. De même, Airbnb permet aux hôtes de toucher un complément de revenus. Pour les classes moyennes, pour ceux qui doivent rembourser un emprunt, pour ceux qui souhaitent monter leur activité, pour se faire plaisir, c’est loin d’être négligeable.
Comment voyez-vous l’avenir de votre profession ?
J’imagine le community manager évoluer avec son temps, confronté à l’arrivée de nouvelles technologies et de nouveaux réseaux. Etre précurseur d’usages sur le web. Etre un reporter de marque sur le terrain pour relater l’expérience des utilisateurs. Etre une voix et une figure reconnaissable, plus qu’un promoteur stricto sensu de l’entreprise pour laquelle il travaille. Etre multi-canaux et multi-média. Et indiscutablement, le community manager devra revenir vers la base de ses succès ou échecs, sa communauté, en levant le nez de ses écrans pour retrouver un échange humain et réel.
Si l’on vous observait toutes les deux heures, quelle est votre journée type ?
Elle n’est jamais pareille et je fais en 2 heures chez Airbnb ce qu’il m’aurait sûrement pris 4 heures ailleurs ! C’est à dire que je jongle avec le quotidien centré sur la création et coordination de contenu auprès des autres community managers. Puis je vais m’assurer du bon ciblage et répartition de budget de ma future campagne sur les réseaux. Avant de définir quels sujets voyage on peut traiter avec un blogueur. Pour finir par la mise à jour du calendrier social media de l’Airbnb Open, notre plus gros événement qui rassemblera 6 000 hôtes à Paris en novembre. Mais ça peut changer le lendemain bien sûr !
Un échange insolite que vous auriez eu avec un follower et que vous pourriez ici nous retranscrire?
Comme dans toute grande entreprise, je dois suivre certaines lignes directrices en matière d’engagement et de style. Mais parfois, ça fait du bien aussi de se lâcher. Il y a eu cette courte conversation sur Twitter où Airbnb France et certains utilisateurs se «kiffaient» mutuellement, les gens s’invitaient tout en partageant le «mutuel kif». Ca fait plaisir !
Comment gérez-vous le «bad buzz»?
Jusque-là, nous avons été relativement épargnés. L’une des principales raisons est que nous avons sur les réseaux une équipe incroyable qui répond en moyenne en une heure aux questions et cas soulevés par notre communauté (aux heures du jour pour les réponses en français). Cela permet à nos fans et followers d’être rassurés en peu de temps lorsqu’ils ont un problème. Si on prend l’exemple du rebrand en 2014, notre logo a été assimilé à plein de choses très créatives. Nous avons répondu par une infographie qui reprenait tous les détournements les plus originaux. Par ailleurs, il arrive bien sûr des situations auxquelles nous ne sommes pas préparés. Dans ce cas, nous nous consultons entre nous pour définir la meilleure réponse qui puisse satisfaire notre utilisateur sans dévoiler ce qui doit rester privé. Dans certains cas, il nous arrive aussi de recevoir les gens au bureau, de manière à échanger et à comprendre quels sont les réels soucis évoqués en premier lieu sur nos réseaux. «Etre un hôte» est une valeur qui ne s’applique pas seulement à notre communauté mais à tous nos employés, en ligne et hors ligne.
Quel est le Community Manager dont vous enviez le plus la place ?
Bonne question! Je n’ai pas de noms précis en tête mais je pense aux community managers qui n’ont rien à vendre. Par conséquent, des CM qui ont pour mission d’offrir à leur communauté une bonne journée grâce à leurs contenus, qu’il laisse rêveur ou qu’il fasse sourire. Quoi de plus chouette de donner la banane aux gens gratuitement? Ou simplement le CM de la SNCF, qui me fait souvent rire grâce à sa liberté de ton et de répartie.
L'avis de Jérémie Mani
Jérémie Mani (PDG de Netino, société spécialisée dans la modération sur le Web et les réseaux sociaux) :
Etre Community Manager pour AirBnB doit être particulièrement passionnant ! D’une part, parce qu’il s’agit d’une marque « communautaire », dont le principe même est de mettre en relation des gens. Il n’y aura pas à convaincre la hiérarchie de ce que les réseaux sociaux peuvent apporter dans ce contexte ! D’autre part, parce que les challenges ne manquent pas. L’un des principaux consiste à s’adresser aussi bien aux hôtes qu’aux locataires. Convaincre les uns de rendre leur appartement/maison/chalet/autre plus souvent disponible sur AirBnB. Et rester en « top of mind » des locataires pour qu’ils privilégient AirBnB à tout autre type de location quand ils partent en WE ou en vacances. Elles ne sont pas nombreuses les marques à avoir deux cibles bien distinctes.
Par ailleurs, AirBnB a depuis très tôt alimenté un blog à succès. La transition vers les réseaux sociaux s’est faite naturellement et souvent avec beaucoup de créativité.
Si vous n’avez jamais entendu parler du #OneLessStranger (on en a peu parlé en France), allez vite faire un tour sur Google. Reste à voir quelle latitude a l’équipe française pour adapter ces dispositifs au marché national.
[Contenu proposé par Netino]
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