Congrats & Good luck President Macron!
Les élections présidentielles françaises viennent de rendre leur verdict. Emmanuel Macron, brillant jeune homme de 39 ans étiqueté «social-libéral», vient d’accomplir une performance assez inouïe: être élu Président de la République sans avoir le support d’un parti politique établi et sans jamais avoir été élu précédemment. Le monde des start-up ne peut qu’être qu’admiratif et respectueux de ce tour de force! Chapeau et bravo à vous Président Macron!
Lors de ce second tour, il est plus que probable qu’une immense majorité des acteurs de l’écosystème Tech vous ait apporté son suffrage. Les thèses nationalistes – au sens large – portées par Marine Le Pen sont, en effet, totalement orthogonales à ce qui rassemble notre écosystème. Il n’en a pas été ainsi lors du premier tour. Vous avez dû y faire un très bon score mais beaucoup avaient, malgré les affaires, exprimé leur préférence pour Fillon, la clarté et le classicisme de son programme économique tandis que beaucoup, notamment parmi les plus jeunes, semblaient subjugués par le «bagou» et les hologrammes de Mélenchon au point de voter et de recommander de voter pour lui.
Vous avez été notre interlocuteur à l’Elysée durant l’épisode des Pigeons en 2012-13 avant d’être notre Ministre en 2014-2016, vous connaissez bien notre écosystème, ses enjeux et ses besoins. Nous pouvons aborder ce quinquennat, au contraire du précédent, qui avait très mal démarré, avec un bon niveau de confiance quant à la défense et la promotion de l’ambition que nous portons: faire émerger des champions Français et Européens du numérique. Nous espérons bien avoir l’occasion de faire avancer avec votre équipe les sujets qui nous tiennent à cœur et qui sont, pour les principaux, rappelés dans notre Manifeste.
Nous sommes des entrepreneurs et investisseurs de l’écosystème Tech mais nous sommes également des citoyens patriotes. Nous vous souhaitons la bienvenue avec un état d’esprit positif mais nous sommes inquiets pour le pays. L’immense tâche qui vous attend va évidemment très au-delà de permettre à la French Tech de progresser et prospérer. L’enjeu du nouveau Président va être, comme vous le dites vous-même, de «Réconcilier les Français» et cela s’annonce extrêmement difficile!
Si vous échouez, nul doute que les élections présidentielles de 2022 marqueront un funeste tournant dans l’histoire de notre pays. Si ce défi n’est pas compris et relevé par nous tous, l’échec sera cuisant et dévastateur!
Si l’on en croit les résultats du premier tour, en tenant compte des nuances énoncées par les différents candidats en termes de protectionnisme, étatisme ou collectivisme, une majorité de Français sont en situation de rejet et de colère vis-à-vis du triptyque «démocratie – économie de marché – Europe» qui pourtant devrait définir la France de 2017.
Quand le candidat devenu Président parle de réconcilier les Français, j’imagine que vous voulez dire réconcilier les Français avec l’implémentation de la démocratie dans notre pays, avec le système économique dans lequel celui-ci évolue et avec la construction Européenne telle que nos concitoyens l’appréhendent. La tâche est immense, un talent pédagogique permanent sera indispensable et une démonstration par les résultats est absolument nécessaire…
La démocratie – qualifiée par Churchill de «moins pire des systèmes politiques» – telle qu’implémentée dans notre beau pays est fortement critiquable et légitimement critiquée: le manque de transparence, la professionnalisation et le manque de moralité des élites politiques, la concentration ou centralisation des pouvoirs politiques et économiques, la non indépendance de la justice, l’insuffisance de «démocratie directe»… sont autant de chantiers sur lesquels vous êtes attendu. Vous connaissez suffisamment le système pour savoir comment le faire progresser. Vous êtes, à priori, suffisamment «neuf» pour ne pas avoir peur de le réformer. Vous aurez besoin non seulement d’alliés politiques mais aussi de la société civile pour montrer aux «désespérés», adeptes d’un éventuel «grand soir», qu’une voie pragmatique, concrète et moderne est à minima «la moins pire» et de fait, la meilleure.
Notre écosystème avec sa culture, ses méthodes et ses outils (dont les «civic tech») est évidemment prêt à contribuer à ce chantier fondamental.
La défiance vis-à-vis de l’économie de marché est également très forte parmi les Français alors même qu’aucune alternative crédible n’a jamais été implémentée ailleurs avec succès et que les expériences alternatives ont été le fait de régimes «pseudo-démocratiques» autoritaires voire dictatoriaux dont l’échec est aujourd’hui avéré. Pourtant, un monde qui évolue vers plus de démocratie et plus d’économie de marché est avant tout un monde en paix. Quand les hommes travaillent, coopèrent et commercent, ils ne se font pas la guerre!
La combinaison «démocratie – économie de marché» ne va évidemment pas de soi. Il existe de nombreuses contradictions entre les deux. Ce sont les mêmes contradictions qui font que chacun d’entre nous peut raisonner tour à tour en tant que citoyen, contribuable, consommateur ou contributeur économique. Le rôle des élus d’une démocratie – du pouvoir exécutif et législatif – est donc de trouver et d’implémenter le «meilleur des compromis». Il ne s’agit pas de rechercher un égalitarisme forcené par essence malthusien mais plutôt de trouver, comme le suggère votre «libéralisme égalitaire», le bon équilibre entre libertés et égalité des chances.
S’inscrire dans une dynamique économique favorisant l’investissement et l’activité générant croissance et création de valeur permet de financer la protection des citoyens devant les nombreux risques: guerre, insécurité, illettrisme, pauvreté, maladie, chômage, vieillesse, dépendance… Il faut trouver le bon ajustement entre une politique offensive de développement économique et un système de protection dont le financement est lui-même assis sur cette activité économique: un réglage optimal entre une compétition économique pouvant laisser certains sur le côté et un système de redistribution qui peut asphyxier l’économie qui le finance.
Notre écosystème se doit, à ce titre, d’être exemplaire et de montrer le chemin d’une transformation économique inéluctable mais réussie: partage de la création valeur entre investisseurs, dirigeants, salariés et contributeurs non-salariés, volonté d’inclusion et de formation à tous ces métiers «qui n’existaient ou n’existent pas», respect des utilisateurs, responsabilité environnementale et ouverture à l’international… sont autant de lignes de force sur lesquelles nous souhaitons avoir les moyens d'être exemplaires.
Quant à l’Union Européenne, il s’agit d’une construction démocratique inachevée qui fait l’objet d’un rejet par une majorité de nos concitoyens. L’UE s’est essentiellement vu déléguer par les pays membres la construction du marché interne Européen. Dans le cadre de ce mandat, elle a avant tout considéré le citoyen comme un consommateur et elle a mis en place des outils de régulation du marché interne (normes et politique de concurrence). Elle a, et c’est une des raisons de l’incompréhension qui existe, fort mal clarifié la mise en place du marché interne – élargi trop rapidement à 28 pays – et celle concomitante d’un marché mondialisé d’échanges de «bloc à bloc»…
La couardise de beaucoup de politiciens Français a été – et reste – de faire croire aux Français que les dysfonctionnements de notre économie sont dus à l’Union Européenne (ou à l’Euro). Comment celle-ci n’ayant qu’une compétence minimale en matière de droit du travail, de fiscalité et de protection sociale pourrait-elle mettre en place le «meilleur des compromis»? Comment améliorer la performance économique et sociale de l’Union Européenne sans volonté des pays-membres d’aller vers une quelconque harmonisation? Ainsi et c’est un exemple parmi des très nombreux, comment taxer efficacement les multinationales actives sur le marché Européen quand certains états-membres leur offrent sur un plateau les moyens d’échapper légalement à l’impôt?
Notre écosystème aspire à une Europe plus harmonieuse et plus forte. Le Brexit constitue peut-être le stimulus qui permettra à l’Union Européenne – ou à un sous-ensemble – de passer à l’étape suivante. Celle où le citoyen n’est pas qu’un consommateur. Celle d’une convergence «fiscalo-sociale» favorisant réellement l’émergence de nouveaux champions économiques pan-européens. Celle qui ferait dire à chacun d’entre nous «je suis Français et Européen»! Nous souhaitons et pouvons également contribuer à cette vision.
Président Macron, nous vous souhaitons d’être en mesure d’implémenter le «meilleur des compromis». Pour un homme qui ne se dit «ni de droite, ni de gauche», c’est une mission logique.
Pour un candidat souvent raillé comme le candidat des Bobos, nous vous suggérons d’être le Président du Momo. C’est ce dont notre pays a effectivement besoin: Modernité et Moralité !
Soupçonné de représenter la continuité du quinquennat qui vient de s’achever et de la politique «louvoyante» ou «floutée» qui y a été conduite, vous devez impulser un véritable changement incarné par des réformes politiques et économiques décisives, une pédagogie infatigable et, de façon impérative, des résultats concrets.
Nous avons 5 ans – c’est très court – pour que nos compatriotes désespérés, qu’ils soient nostalgiques des trentes glorieuses pour les plus anciens et surtout désabusés des trentes piteuses pour les plus jeunes, retrouvent confiance et espoir dans un pays modernisé et moralisé!
Nous sommes à votre disposition.
Très respectueusement,
Jean-David Chamboredon
Co-President
France Digitale
Jean-David Chamboredon est CEO de ISAI et co-Président à France Digital.
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