Coronavirus: la méthode de traçage pour suivre les malades divise les États américains
AFP
Numérique ou manuel ? Bluetooth ou GPS ? Centralisé ou décentralisé ? Les États américains sont divisés sur la méthode à adopter pour développer au mieux le « traçage » des contacts humains et suivre au mieux la progression du coronavirus. Pour certains gouverneurs américains, la technologie des smartphones est le seul moyen d’intensifier les efforts pour identifier les personnes susceptibles de propager la maladie et retracers leurs parcours.
Mais ses détracteurs ont exprimé leurs craintes pour le respect de la vie privée des Américains. « Nous ne savons pas encore si l’une de ces technologies fonctionnera, mais nous savons qu’il nous manque actuellement un grand nombre des protections nécessaires pour nous prémunir contre les abus ou les excès », estime Neema Singh Guliani de la puissante association des droits civiques ACLU.
Cette semaine, les géants américains Apple et Google ont mis à la disposition des autorités de santé dans le monde leur solution pour construire une application de suivi des contacts via Bluetooth, le système qui permet aux smartphones et autres appareils électroniques de dialoguer à courte distance. Vingt-deux pays sur cinq continents ont demandé à avoir accès à l’interface de programmation, mais seulement trois Etats américains. A la place, plusieurs d’entre eux ont lancé leur propre application sans Google et Apple, comme en Europe, où des systèmes de suivi concurrents sont en cours de développement.
L’application « Crush Covid » du petit Etat de Rhode Island a été développée par une société basée en Inde, et utilise la détection de localisation par GPS et des notifications sur le téléphone de l’utilisateur. L’application « Healthy Together » de l’Utah emploie un système similaire tout en promettant de supprimer les données de localisation et les données Bluetooth après 30 jours. Mais si des applications incompatibles sont utilisées, il pourrait être beaucoup plus difficile de suivre les personnes si elles se déplacent d’un Etat à l’autre. Pour être efficace, la surveillance de contacts numériques doit concerner au moins 40 à 60 % de la population, selon certains chercheurs.
Armée de traceurs
Mais dans l’Utah, un mois après sa mise à disposition, l’application « Healthy Together » n’avait été téléchargée que par 45 000 personnes, soit moins de 2% de la population de cet Etat de l’Ouest du pays. Pour obtenir une large participation, « les gouvernements et les fournisseurs d’applications doivent s’assurer que de solides protections de la vie privée sont en place » estime Lauren Sarkesian du New America Foundation’s Open Technology Institute. Or, selon un sondage de l’institut PSB, deux tiers des Américains se méfiaient de leur gouvernement dans la gestion de leurs données personnelles par temps de pandémie. Certains grands Etats américains ont opté pour le suivi des contacts « à l’ancienne » en embauchant des personnes chargées d’appeler celles à risque d’infection, un processus laborieux qui présente ses propres difficultés.
Selon les premières estimations, 100 000 nouveaux employés, des « traceurs », seraient nécessaires pour l’ensemble du territoire américain. Plus d’une douzaine d’experts de la santé publique ont demandé au Congrès, dans une lettre ouverte, de débloquer 12 milliards de dollars afin d’augmenter considérablement le nombre de ces traceurs de contacts à au moins 180 000. On estime à 17 000 leur nombre à New York et à au moins 10 000 en Californie. Le Massachusetts a pris la tête du mouvement avec l’embauche de 1 000 personnes et des efforts similaires sont en cours dans le Maryland, la Virginie, l’Indiana et d’autres États.
Mais pour Albert Gidari, consultant en protection de la vie privée à l’université de Stanford, les systèmes numériques seront forcément plus rapides et plus performants que la recherche manuelle, lente et imprécise, qui repose sur la mémoire des gens et qui omet les interactions qu’un malade aurait eues avec des inconnus. Et (a-t-il pointé lors d’une conférence) éviter les technologies fait que « vous divulguez des informations personnelles à un étranger qui travaille pour le gouvernement sans avoir la moindre idée de qui va les voir, comment elles sont stockées ou combien de temps elles seront conservées ». Certains experts affirment même que le virus est si contagieux qu’il pourrait nécessiter un effort massif: allier le traçage numérique et humain.
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