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Crypto-assets, Token, Blockchain, ICO: un nouveau monde?

Par Hubert de Vauplane, avocat

Dans quelle mesure ne sommes-nous pas en train d’assister à l’émergence d’un nouveau monde? Certes, il ne s’agit pas de la découverte d’un continent ou d’une planète, mais de la transformation en profondeur de la société par la digitalisation des activités humaines. Et le monde de la finance n’est pas exempt de ce mouvement. Ainsi, dans quelle mesure ne voit-on pas apparaître une nouvelle classe d’actifs qui pourrait bouleverser le fonctionnement traditionnel de la finance, tant dans le financement des entreprises que dans la gestion d’actifs? Les cryptomonnaies, protocoles blockchain et ICO sont de moins en moins considérés comme un phénomène de mode mais comme une nouvelle forme de la finance 3.0, marquant une évolution profonde du fonctionnement de la finance moderne en ce qu’ils répondent aux mêmes besoins que la finance traditionnelle (financement des entreprises) mais de manière totalement différente.

Si les levées de fonds sous forme d’ICO ne peuvent plus être ignorées compte tenu des montants levés (annexe 1), celles-ci posent tout un tas de questions, à commencer par leur définition. Car tout comme il n’existe pas une blockchain mais plusieurs protocoles de blockchain, (bitcoin, Ethereum, mais aussi Litcoin, Dash, blockstack…), il existe plusieurs crypto-monnaies liées à chacun de ces protocoles. Quant aux «tokens» (jetons), il y en a autant que de sociétés qui en émettent.

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Qu’est-ce qui différencie une cryptomonnaie d’un jeton?

Fondamentalement (ou sociologiquement), une cryptommonnaie n’est pas différente d’un jeton. Une fois que les jetons ont été créés par une société, achetés et acceptés au sein d’une communauté, ils deviennent des cryptomonnaies. Mais la réalité est plus complexe (annexe 2). Une cryptommonnaie est, comme son nom l’indique, un mode de paiement (au sens économique du terme) quand un token répond à des fonctionnalités beaucoup plus larges, pouvant aller jusqu’à conférer des droits sur des revenus, voire sur la gouvernance d’un projet (annexe 3). Une crytomonnaie est un logiciel p2p ou un programme construit à partir d’une source de code unique ou cloné à partir d’une autre source de code, comme litecoin, peercoin, ou bien sûr bitcoin ou ethereum, alors que le jeton n’est pas lié à un seul protocole spécifique. En pratique, la ligne de partage entre une cryptommonnaie et un jeton n’est pas claire et nette. Les deux peuvent être utilisés dans une fonctionnalité de paiement. En fait la différence majeure entre une cryptommnnaie et un jeton tient à leur structure: les premières sont des modes (ou monnaies) d’échange liées à leur propre protocole blockchain, alors que les jetons ne sont pas liés à un protocole blockchain spécifique mais à chaque entreprise émettrice. Dit autrement, une cryptomonnaie est «émise» dans le cadre d’une blockchain, généralement en rémunération d’un travail (le minage) alors que le jeton représente un actif sous-jacent, qu’il s’agisse d’un droit sur des biens sous jacents, des revenus futurs ou d’échange contre services.

Qu’est-ce qu’un jeton?

Un jeton est avant tout un concept technologique. Il confère à son détenteur certains droits en fonction du contenu de la chaîne de blocs ou du contenu d’un contrat intelligent. S’il s’agit d’un actif ou d’un droit sur une chaîne de blocs, un jeton peut fonctionner sans cadre juridique ad hoc sous-jacent. Les jetons peuvent également représenter des actifs hors chaîne de blocs mais nécessitent alors un cadre juridique spécifique. On peut aujourd’hui schématiquement distinguer quatre types de jetons. Tout d’abord, les «jetons intrinsèques». Ce type de jeton représente des droits ou des actifs sur la chaîne de blocs, comme le bitcoin ou l’éther. Ensuite, les «jetons à support d’actifs». Ce type de jetons est adossé à un ou plusieurs actifs hors de la blockchain, comme de l’or, des devises, des biens immobiliers, des droits de propriétés intellectuels. L’utilisation de ces jetons nécessite un cadre juridique particulier, notamment pour en reconnaitre la propriété. Il y a aussi, les «jetons liés à des droits» qui, tout comme les jetons d’actifs, sont adossés à des éléments hors de la chaine de blocs, mais alors que les jetons d’actifs sont adossés à des biens, ceux-ci sont adossés à des droits, comme des droits aux revenus, aux dividendes, à la gouvernance. Là encore, pour être pleinement utilisés, ces jetons nécessitent un cadre juridique ad hoc. Enfin, tous les jetons peuvent être utilisés dans une fonction d’échange monétaire.

Qu’est ce qu’un crypto-asset?

Comme son nom l’indique il s’agit d’un actif digital dont la technologie repose sur la cryptographie. Leur nombre ne cesse d’augmenter (annexe 4) et leur capitalisation aussi, représentant à l’été 2017 environ 160 milliards de dollars (annexe 5). En fait, les tokens comme les cryptomonnaies sont des actifs cryptographiques dès lors que leur usage ne consiste plus uniquement en une fonction d’échange monétaire, mais en une valeur d’investissement. Cela tient au fait que les cryptommonnaies ont en fait le plus souvent deux fonctions: paiement et actif. La valorisation de celles-ci leur confère de plus en plus une fonction d’investissement aux lieu et place de celle traditionnelle d’échange. Ce qui explique que de plus en plus de personnes achètent des cryptomonnaies dans une optique d’investissement. Au point de voir fleurir des fonds (le plus souvent non régulés) investis dans ces monnaies cryptographiques, des indices ou paniers de cryptommonnaies (annexe 6), voire même des produits financiers.

Qu’est ce qu’une ICO?

De manière très simple, il s’agit d’un processus de levées de fonds utilisant des tokens comme actifs émis par une société, et des cryptomonnaies comme valeur d’échange pour acheter ces tokens. Le principe emprunte au fonctionnement d’une introduction en bourse (IPO). Originellement, une ICO est une opération réalisée par une société travaillant dans l’orbite de la blockchain permettant de financer, le plus généralement, la recherche et développement dans les protocoles de blockchain ou dans les usages de ces protocoles, mais aussi parfois pour lancer un fonds d’investissement non régulé. Le concept doit être reconnu pertinent par la communauté blockchain pour que l’ICO soit un succès. C’est là le rôle des experts, notamment pendant la phase de pré-vente où la communauté va discuter autour de la pertinence, en particulier technologique, du projet (ce qui nécessite des connaissances de codage). L’entreprise va alors émettre des jetons, représentant le plus souvent un droit sur des revenus futurs liés au développement de son projet. La valeur initiale de ce jeton est calculée en fonction de l’espérance de revenus attendus. Si le projet se révèle être un succès, le jeton prend alors de la valeur sur le marché secondaire, où il peut s’échanger sur des places de marchés.

Le fonctionnement d’une ICO emprunte largement au monde des IPO: il y a des advisors (l’équivalent de banque conseil, comme Argon Group), des investisseurs et fonds spécialisés (Polychain, BKCM, Metastable…), des prestataires de services comme ceux fournissant des informations sur les opérations passées et leur capitalisation (cryptocurrency market capitalization, Brave New Coin…), ou des analyses financières (Coincenter, Smih + Crown), des agences de rating (ICO Rating, Token Market, ICO COuntdown…), des places de marchés (Kraken, Bitfinex, Poloniex…), des market markers (Cumberland Minding, Genesis Trading…), des cabinets d’avocats spécialisés (Cooley ou MME), des dépositaires des tokens (Ledger, Trezor…). C’est donc tout un écosystème qui est en train de se créer autour des ICO (annexe 7).

En définitive, c’est bien à l’émergence d’une nouvelle classe d’actifs que nous assistons (annexe 8).

L’article a initialement été publié sur Medium.

Le contributeur:

Hubert de Vauplane est avocat dans une cabinet américain à Paris. Il est aussi professeur à Science Po Paris.

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