
Cyberattaques : l’ère du déni est terminée
Chaque semaine, de nouvelles entreprises françaises tombent sous les coups d’acteurs malveillants. Opérateurs télécom, enseignes de la distribution, mutuelles, prestataires IT ou institutions publiques : aucune catégorie n’est épargnée. Pourtant, face à l’ampleur des fuites de données, le réflexe dominant reste le même : minimiser, temporiser, dédramatiser. Comme si reconnaître une compromission était plus coûteux que d’en taire les conséquences. Ce réflexe, devenu systémique, est en train de devenir le premier facteur aggravant des cybercrises.
Le double choc : fuite massive, silence organisé
En 2024, la France a connu une série inédite de compromissions : 43 millions de dossiers chez France Travail, 33 millions dans les mutuelles, 5 millions d’IBAN chez Free, 27 millions chez Boulanger, sans oublier les fuites détectées chez Darty, Cultura, Truffaut, Sirius, ou encore en ce début d’année, Harvest, éditeur de logiciels financiers.
Dans la majorité des cas, les entreprises n’ont pas détecté l’attaque elles-mêmes. Elles l’ont appris par des publications sur Telegram ou Breach, forums devenus les vitrines de la cybercriminalité. Et pourtant, à chaque incident, les communiqués officiels persistent à employer les mêmes formules creuses :
“Nous prenons la situation très au sérieux.”
“Aucun mot de passe ou donnée bancaire n’a été compromis.”
“Des investigations sont en cours.”
Rien sur la volumétrie réelle. Rien sur les délais de détection. Rien sur les impacts opérationnels. Une posture de déni actif, comme si la transparence équivalait à un aveu de faiblesse.
La vérité fuit plus vite que les données
Les cybercriminels, eux, l’ont bien compris : en publiant directement les données extraites (IBAN, numéros de sécurité sociale, fiches clients), ils forcent la main des entreprises. Pire encore : ils orchestrent leur propre communication. Reprises de visuels corporate, messages ironiques, démonstrations publiques… la guerre de l’image s’ajoute à celle des systèmes.
Face à cette logique de mise à nu, le silence devient une prise de risque. Car ne rien dire, ou dire trop tard, alimente la défiance : des clients qui doutent, des salariés qui s’inquiètent, des partenaires qui s’éloignent.
Le prix du silence : réputation, régulateur, récidive
Minimiser une attaque ne l’efface pas. Elle repousse simplement l’impact à plus tard — au moment où les clients découvrent que leurs données sont en vente, que leur identité est utilisée, ou que leurs moyens de paiement sont ciblés par des campagnes de phishing.
Ce décalage d’information crée un second choc, souvent plus violent que le premier. Il expose les entreprises à un effet boomerang réglementaire, avec des autorités (CNIL, ANSSI, DGCCRF) de plus en plus attentives aux délais de notification et à la qualité des alertes adressées aux personnes concernées.
Il favorise aussi la re-rançonnement : les attaquants reviennent, conscients que l’entreprise est mal préparée et soucieuse de préserver sa façade.
Le cas Harvest est révélateur : l’entreprise a d’abord affirmé qu’aucune information sensible n’avait été compromise, avant de revenir sur sa position. Cette marche arrière publique n’a fait qu’illustrer les effets délétères d’une communication imprécise et décalée.
Le courage d’une communication raisonnable
La bonne réponse n’est pas dans la panique, ni dans le storytelling. Elle est dans la communication factuelle, utile. Dire ce que l’on sait. Dire ce que l’on ignore encore. Proposer des mesures concrètes. Accepter de ne pas tout contrôler.
Plusieurs organisations en France ont montré l’exemple. D’autres continuent de jouer la montre. Ce n’est plus tenable.
Car les chiffres ne mentent pas : 9 Français sur 10 ont été touchés par une fuite de données depuis deux ans. Entre 100 et 120 millions d’identités numériques sont en circulation. Le mensonge par omission ne protège plus : il condamne à l’isolement.
Ne plus avoir honte d’être attaqué
Le moment est venu de sortir d’un modèle de honte ou de peur. Être attaqué n’est pas une faute. Ne pas en parler l’est devenu.
La transparence n’est plus un acte de bravoure : c’est une obligation stratégique. Pour rassurer ses clients. Pour rétablir la confiance. Pour éviter que la prochaine attaque ne vienne frapper plus fort encore.
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