Dans les vignes, un boîtier bourguignon indique la présence de pesticides
Par Olivier DEVOS avec l'AFP
A l’entrée du rang de vigne, dans le centre-est de la France, deux chercheurs installent une petite boîte en bois coiffée d’un toit polychrome typiquement bourguignon. Sous ses faux airs de nichoir, elle protège en réalité promeneurs et travailleurs des pesticides en clignotant lorsque la parcelle vient d’être traitée.
« En me baladant dans les vignes en Bourgogne, je me suis aperçu que, de temps en temps, je rentrais à la maison en sentant le soufre ou un produit » chimique, raconte Mario Rega, agro-climatologue à l’université de Bourgogne et l’un des deux inventeurs du boîtier.
Activée à distance, la « Notiphy Box » émet une lumière blanche visible en plein jour pendant le « délai de ré-entrée »: 6 à 48 heures pendant lesquelles il est théoriquement interdit à quiconque d’entrer sur la parcelle. A condition de savoir qu’elle a été traitée.
« On s’est dit que c’était important de pouvoir diffuser cette information. On s’est rapproché d’un laboratoire de l’université de Bourgogne avec des électroniciens qui ont mis en musique notre idée », explique le co-inventeur Benjamin Bois, enseignant-chercheur en viticulture et climatologie à Dijon.
Une fois le boîtier en place, le viticulteur de Meursault, Bertrand Darviot, se familiarise au maniement de la télécommande Bluetooth avant de dégainer son smartphone, qu’il a toujours sur lui et qui pourra aussi lui servir à contrôler l’appareil.
Un capteur de luminosité coupe le clignotement la nuit venue – pour éviter la pollution lumineuse – et un écran indique le compte à rebours avant de pouvoir à nouveau entrer dans la parcelle.
« On a intérêt à indiquer (l’utilisation de produits phytosanitaires). Comme ça, les gens se rendent compte qu’ils peuvent pénétrer en sécurité et fréquemment » dans les vignes, estime le vigneron de 69 ans.
« Quand nos salariés traitent, ils sont déguisés un peu comme des cosmonautes. Donc ça fait peur aux touristes qui se promènent », mais « il faut dé-diaboliser, parce que souvent les gens pensent qu’on traite à bras raccourcis, alors qu’on essaie de le faire d’une manière opportune. »
« Mettre en sécurité » les enfants
En installant la box, il veut protéger son personnel mais aussi les touristes, auxquels il réserve une partie de son domaine, le château de la Velle.
« On a un gîte de 15 personnes. La vigne est derrière la maison et les enfants aiment bien venir se promener dans les rangs, souvent ils cherchent les animaux, les insectes. Donc il faut les mettre en sécurité. »
Cet appareil « fabriqué et conçu en Bourgogne-Franche-Comté » est économe en énergie « car la box doit rester sur place une saison entière » sans avoir à changer les huit piles qui la font fonctionner, fait valoir Mario Rega, un Italien installé en Bourgogne depuis 10 ans.
Les deux universitaires ont monté leur startup, baptisée Deaverde – déesse verte en italien -, en 2016 avec 20.000 euros de fonds propres. Grâce à une bourse et des subventions publiques, ils ont porté l’investissement total à plus de 50.000 euros.
Deux ans plus tard, plus d’une quinzaine de boîtiers sont en fonctionnement dans les vignes, surtout en Bourgogne mais aussi dans le Bordelais et en Champagne – quoique sans le toit bourguignon.
La startup développe en parallèle un logiciel qui permet d’informer riverains ou salariés, grâce à un fil d’informations envoyé sur le téléphone ou consultable en ligne, sur les traitements prévus ou en cours.
« C’est notamment dans le Bordelais qu’on a une forte demande par rapport à ça », indique Benjamin Bois, décrivant « des problèmes vis-à-vis de l’épandage à proximité d’écoles » ou encore le cas de « la vigne périurbaine dans la région de Pessac-Léognan ».
L’entreprise progresse sur le marché français mais vise aussi un développement vers d’autres régions viticoles de la planète, en Europe ou aux Etats-Unis, et d’autres filières comme l’arboriculture, l’horticulture ou le maraîchage.
A terme, le boîtier pourrait aussi connaître quelques améliorations destinées spécifiquement aux touristes et devenir, selon ses créateurs, une borne d’information sur le terroir et les cépages environnants.
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