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De la différence entre une stratégie et une stratégie médias sociaux par Bertrand Duperrin

Résumé : on voit de plus en plus poindre une composante médias sociaux dans les projets stratégiques des entreprises. Faut il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Dans la mesure où l’outil doit servir la stratégie on peut s’inquiéter de le voir promu au même rang que ce et ceux qu’il doit servir. Le risque de voir le phénomène “social” érigé en figure de style imposée de la communication stratégique sans aucune articulation concrète avec le projet stratégique est réel. Mettre les outils au même niveau que les objectifs qu’il sert continue à démontrer, pour un nombre encore trop grand d’entreprise, un manque de recul peu rassurant.

Comme souvent lorsque l’économie prend un virage, dans un sens ou dans un autre, les entreprises revoient leur plan stratégique et nous annoncent leurs priorités pour les années à venir. Un plan qui en remplace un autre pas nécessairement achevé mais notre monde est ainsi : les choses changent tellement vite qu’il faut apprendre à rapidement changer de direction et souvent.

Fin de crise aidant, il faut donc changer de posture, de projet, de discours afin de donner des signes au marché et remobiliser les salariés. Ces derniers temps j’ai jeté un œil à quelques uns de ces programmes rendus publics ces dernières semaines. La plupart comporte trois axes (et généralement ainsi libellés) :

1°) Remettre le client au centre des préoccupations de l’entreprise.

2°) Travailler au bien être et au développement des collaborateurs.

3°) Devenir une référence dans le domaine des médias sociaux.

Ce qui me laisse pour le moins dubitatif.

En plus d’être des lieux communs, les points 1 et 2 ainsi énoncés sont relativement malhabiles. Ils ne peuvent qu’entrainer des commentaires du genre “ah bon ? Et vous en faisiez quoi de vos clients et de vos collaborateurs avant ?”. Quant au point 3, ainsi formulé, il donne plus l’effet de l’exerce opportuniste et obligatoire qui consiste à ne pas pouvoir ne pas suivre la dernière tendance à la mode. Quelle est la signification de “devenir un leader sur les médias sociaux ?”. Y développer sa présence ? Créer ses propres services pour ses clients, ses collaborateurs ? Et pourquoi ?

C’est typiquement ce que j’appelle une stratégie médias sociaux : il faut être présents et utiliser ces choses là sans trop savoir pourquoi. Qu’est ce qui fait dire qu’on se sait pas pourquoi ? Si c’était le cas le lien entre les points 1 et 2 et le point 3 serait plus clairement explicité, A la limite le point 3 n’aurait d’ailleurs rien à faire là puisqu’il n’est qu’un moyen au service d’une stratégie et en aucun cas un objectif en soi.

Je vois bien là arriver des projets en trompe l’oeil dé-corrélés de la réalité de l’entreprise dont l’impact et la valeur seront bien difficiles à démontrer. Il faut avoir “une stratégie médias sociaux” pour faire moderne alors ayons en une. Que penseriez vous d’un restaurant qui voudrait être leader dans le domaine de la moutarde ou du poivre ?

Quelle serait une formulation plus rassurante, en tout cas dénotant une plus grande cohérence pour qui porte un tel message ? Elle expliquerait non pas l’importance donnée aux clients et aux salariés mais le projet qui existe pour eux et avec eux, ce que l’on va faire de neuf avec et pour eux. Et l’outil deviendrait un levier de cette politique, rien de plus.

1°) Traiter clients et salariés comme des parties prenantes de notre entreprise.

2°) Les impliquer dans un vrai projet de co-création de valeur.

3°) Mettre en place les conditions opérationnelles de réussite d’un tel projet, ce qui implique de développer l’utilisation d’un certain type d’outil dans l’entreprise. Et à la limite ça n’a rien à faire dans un plan stratégique. On rentre ici dans la dimension tactique. D’une certaine manière mettre les outils au même niveau que ce qu’ils servent est d’ailleurs un message peu rassurant, les sceptiques pouvant y voir que c’est justement la preuve qu’on ne comprend pas leur rôle, leur valeur et leur utilité dans le dispositif.

Laissez donc aux éditeurs de logiciels, aux fournisseurs de services en ligne voire aux médias l’objectif d’être des leaders dans les médias et réseaux sociaux et essayez plutôt d’être leaders dans votre propre secteur. Avoir 50 000 fans sur Facebook, une application iPhone téléchargée par 1 million d’utilisateurs et quelques centaines de milliers de clients sur un réseau spécialement créé à votre gloire ne font de vous des leaders de rien du tout. Sauf à s’en servir comme levier pour développer une relation nouvelle avec un écosystème de parties prenantes qui va bien au delà du marketing et de la simple relation acheteur/vendeur. Idem pour les salariés : la valeur d’un réseau social ne vaut que par son articulation avec la chaine de valeur.

Bon en fait…cela signifie simplement qu’on veut faire du social CRM et devenir un social business..mais qu’on en a pas conscience. Ou alors que ça ne sont que des mots…

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2 commentaires

  1. Merci et bravo pour ce superbe article.
    J’ai par contre une remarque, vous utilisez le terme « social business » pour désigner le business à travers les réseaux sociaux, alors que le « social business » a une tout autre connotation, définie par le prix Nobel de la Paix, le Professeur Muhamed Yunus.

  2. Belle mise au point sur la mauvaise perception des médias sociaux qu’ont les entreprises (françaises, je serais tenté de dire).
    La stratégie marketing n’est qu’une (infime) partie de ce que doit établir un plan d’action stratégique ! Certains devraient essayer de s’en souvenir.

    Merci Bertrand.

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