De la fac au capital-risque (et tout ce qu’il y a entre les deux)
Par Esther Delignat-Lavaud Rodríguez, analyste chez Oxford Capital
Je me souviens du jour où j’ai cherché sur Google «stage capital-risque». J’ai eu environ 874 000 résultats. Pour mettre cela en perspective, vous obtiendrez 2 millions de résultats si vous cherchez «sourcils de Cara Delevingne» et 32 millions de résultats pour «où est le cerveau de Donald Trump».
Conclusion : Google en sait plus sur le plus grand mystère actuel du monde que sur le capital-risque. Ce qui n’est pas très encourageant quand vous êtres fraîchement sorti de l’université et que vous espérez entrer dans le monde des VC. De plus, le peu d’informations disponibles est souvent destiné à un public américain post-MBA. Parce que tout le monde sait qu’il n’y a pas d’entrepreneurs en dehors de la «Valley», et que l’obtention d’un visa de travail américain est aussi facile que de serrer un sac Juicero à la main…
Si ce qui précède vous semble familier, premièrement, je vous comprends, et deuxièmement, ce billet permettra je l’espère d’éclaircir le processus d’obtention d’un poste de débutant dans un fonds de capital-risque dans l’UE/UK (je sais qu’ils doivent êtres séparés maintenant, mais pas encore totalement, alors un tiret semble suffisant pour traduire cette confusion en synthaxe).
Pour vous donner un peu de contexte, voici un aperçu de ma propre expérience dans le capital-risque :
- J’ai quitté la France à 17 ans pour étudier le monde des affaires pendant quatre ans à Lancaster et à Madrid.
- J’ai fait des stages en conseil financier et en ventes B2B.
- J’ai effectué une année de Masters à Cambridge.
- J’ai postulé pour un stage à Oxford Capital directement après l’obtention de mon diplôme, j’ai été acceptée.
- J’ai accepté un poste d’analyste chez Oxford Capital.
Ce qui m’amène à répondre à la première question que vous vous posez maintenant.
Ai-je besoin d’être blanc, de sexe masculin, hétérosexuel et formé à Cambridge pour entrer dans cet univers ?
Attendez, ce n’était pas votre première question ? Dommage, parce que c’est la plus importante.
Et la réponse est : sûrement pas ! Nous connaissons toutes les statistiques déprimantes sur la diversité de l’industrie du capital-risque (et de l’entrepreneuriat). Il est vrai, il n’y a actuellement pas assez de diversité dans l’écosystème. Ce qui est également vrai, c’est que les VC le savent et pensent que ce n’est pas une bonne chose. C’est probablement la raison pour laquelle les statistiques d’entrée s’améliorent.
Voilà ce que cela signifie pour vous : A partir d’aujourd’hui, vous n’avez pas besoin d’être un homme, blanc, hétérosexuel et formé à Oxbridge pour obtenir un stage dans le capital-risque (en fait s’il vous plaît, postulez si vous ne correspondez à aucune de ces catégories).
Ce dont vous avez besoin, c’est d’être rapide. Mieux encore, vous devez être le plus rapide. Pour n’importe quel poste disponible, les VC vont recevoir des centaines, sinon des milliers de candidatures – et ils ont des ressources limitées pour les passer au crible. Ce qui signifie que de nombreux VC traiteront les candidatures par lots. Assurez-vous que la vôtre est la première qu’ils voient, et vos chances d’être accepté seront soudainement beaucoup plus élevées que celle du gars blanc tout droit sorti d’Oxbridge qui a postulé deux semaines après la diffusion de l’offre. Alors restez à l’écoute et vérifiez les opportunités régulièrement.
Ce qui nous amène à notre deuxième question.
Où chercher des stages en VC ?
Attendez, c’était votre première question ? Eh bien, désolé… ou plutôt non.
En effet, AngelList va repérer quelques opportunités. J’ai également trouvé de bonnes pistes sur Coaching Assembly.
Mais cela ne vous amène pas très loin. Donc, voici deux conseils :
Inscrivez-vous à la newsletter de Stephan von Perger avec les derniers emplois européens dans le capital-risque.
Jetez un oeil au travail incroyable de Diversity VC – ils peuvent vous aider (bien que si vous êtes un homme blanc, vous allez devoir être un véritable «Tootsie» mon cher).
Si tout ce qui précède ne fonctionne pas, vous avez deux options (bonus : elles ne sont pas mutuellement exclusives. De rien).
Consultez la liste exhaustive des fonds de capital-risque de Techstars. Traquez-les (vous êtres l’iGénération, traquer est littéralement votre travail à temps partiel). Et si vous optez pour une approche froide, lâchez-vous : un VC m’a dit qu’ils ont embauché une stagiaire car elle leur a envoyé un poème de rap sur le capital-risque. Tout le monde ne peut pas cracher un flow du style d’Eminem, mais vous remportez mon point (dans le cas où ce n’est pas le cas : les VC doivent faire preuve d’initiative, donc sortez de votre zone de confort et prouvez que vous avez ce qu’il faut).
Dans la même veine : participez à des événements auxquels les VC peuvent se rendre et commencez à réseauter. Vous pensez qu’aller à une conférence sur l’intelligence artificielle est seulement réservée pour les geeks ? Réfléchissez encore. Les relations personnelles vous mèneront toujours plus loin que les approches glaciales. Marcher dans une pièce pleine d’inconnus est intimidant, mais les VC font face à cette situation tous les jours – donc c’est une autre occasion de prouver que vous êtes déjà plus un VC dans l’âme que ce qu’ils pensent.
Astuce : soyez pointilleux avec le fonds pour lequel où vous postulez. Je sais que ce point est difficile à avaler, car il y a si peu d’opportunités. Mais chaque fonds de capital-risque est unique, car premièrement, ils sont emballés par différents types d’entreprises, et deuxièmement, les équipes sont si petites que la culture des fonds est forgée par ceux qui font partie de l’équipe. Ainsi, si vous n’êtes pas convaincu par le portefeuille d’un fonds ou que l’équipe vous donne la chair de poule, ne postulez pas. Vous n’apprécierez pas votre expérience en tant que VC si vous vous sentez mal à l’aise ou si vous vous ennuyez à mourir avec les entreprises que vous rencontrez. Cela réduira vos chances de rester à temps plein.
Mais ne nous laissons pas devancer par nous-mêmes, et commençons par les bases : vous faire entrer.
A quoi ressemble le processus de recrutement,
et comment les scotcher ?
Si vous êtes vraiment passionné par la technologie, l’entrepreneuriat et les affaires, le processus de recrutement des VC sera un régal. J’ai eu les meilleures expériences d’entretien avec les VC, qui suivront la plupart du temps le processus ci-dessous :
CV + lettre de motivation
On peut dire beaucoup de choses sur ce que les VC recherchent, mais les deux principaux traits récurrents sont, premièrement, la curiosité intellectuelle, et deuxièmement, l’extraversion. A noter également : le monde du capital-risque est plus proche du business/entrepreneuriat que du private equity/finance. Cela signifie que vous avez beaucoup plus de flexibilité avec le format et le ton de votre CV et de votre lettre de motivation. Utilisez-le à votre avantage.
Un formulaire supplémentaire (éventuellement)
Les champs typiques incluront la citation d’entrepreneurs que vous aimez, les entreprises dans lesquelles vous pourriez investir (souvent trois) ainsi que les blogs et les journaux que vous lisez régulièrement. Oxford Capital avait également un champ «votre mème favori». Soyez prêt à expliquer en profondeur les raisons de vos réponses.
Entretiens (souvent deux)
La séquence d’entretien typique sera la suivante : votre parcours, votre motivation, vos passe-temps, les entreprises dans lesquelles vous investiriez et pourquoi, puis les questions plus spécifiques aux thématiques de fonds d’investissement et de stratégie (B2C vs. B2B, hardware vs. software, early-stage vs. later-stage, secteurs et technologies d’intérêt…).
Mon conseil ? Oubliez vos compétences Excel, car franchement, aucun VC ne s’en souciera. Ce qu’ils veulent voir, c’est avant tout votre motivation pour le poste en question et vos compétences de raisonnement, c’est-à-dire que vous soyez en mesure de trouver des idées sensées sur une entreprise ou un fonds.
Comme toujours, faites d’abord votre recherche : si vous faites une demande pour un fonds spécialisée dans l’intelligence artificielle et que vous mentionnez trois entreprises de marques de consommation, vous risquez de perdre votre temps.
Un autre conseil : concentrez-vous sur la compréhension du modèle économique des entreprises.
Etude de cas
Cela dure en moyenne une heure. Lors de celle-ci, vous serez probablement confronté au pitch d’une entreprise et on vous posera la question à 1 milliard de dollars : «Investiriez-vous dans cette start-up?»
Ce que les VC veulent voir à ce stade, c’est quelqu’un qui peut être excité et qui réfléchit en profondeur sur l’entreprise, si son modèle économique a du sens, ce qui constitue une bonne équipe fondatrice et quels pourraient être les défis à venir (tant au niveau macro que micro). La clé ici est de donner une opinion honnête. Les équipes de VC sont petites, ce qui signifie qu’elles ont besoin de personnes autour de la table qui se défieront mutuellement. Si vous penchez toujours du côté de la majorité ou que vous leur dites ce qu’ils veulent entendre, vous n’apportez aucune valeur ajoutée à l’équipe. En fait, vous détruisez probablement la valeur en ne posant pas les questions difficiles.
Penser à tout ce qui précède devrait, espérons-le, augmenter vos chances de pénétrer dans un fonds de capital-risque. Cependant, il y a encore une chance que vous finissiez par vous poser cette dernière question.
Je ne suis pas arrivé à l’étape finale, est-ce c’est fini pour moi dans le monde du capital-risque ?
Non.
Tout d’abord, ne vous en faites pas : il y a un peu moins de 1 000 investisseurs en capital-risque au Royaume-Uni. Si vous supposez que les stagiaires représenteront au maximum 5% de ceux-ci, cela vous laisse une cinquantaine d’opportunités dans tout le pays. Et c’est (très) optimiste. Donc franchement, c’est une chance digne de Hunger Games dans ce milieu.
Rappelez-vous également qu’il existe une variable de timing : la plupart des VC ne recherchent de la main-d’oeuvre que lorsqu’ils sont sur le point de clôturer une levée de fonds. Cela signifie que ces 50 opportunités ne seront pas accessibles en même temps. Parfois, il faut juste être au bon endroit au bon moment (encore une fois, faire preuve de diligence raisonnable vous aidera à déterminer quelles structures sont les plus susceptibles de lever des fonds).
Deuxièmement, il y a d’autres moyens pour entrer dans le monde des VC. Rappelez-vous que les VC croisent la quasi-totalité des acteurs de l’écosystème tech, des entrepreneurs aux conseillers des start-up, en passant par les incubateurs et les accélérateurs, les consultants en innovation et bien d’autres. C’est peut-être l’un d’eux qui peut lancer votre carrière de VC, alors n’abandonnez pas : soyez résilient, continuez à construire votre réseau personnel et votre marque (écrivez sur un blog, faites un podcast…) et cherchez votre porte dérobée.
Billet initialement publié sur Medium en anglais, traduit en français par FrenchWeb en accord avec l’auteur.
La contributrice
Esther Delignat-Lavaud Rodríguez est analyste chez Oxford Capital. Après avoir quitté la France à 17 ans, elle a fait ses études entre l’Espagne et le Royaume-Uni. Une fois son diplôme en poche, elle a rejoint le fonds d’investissement Oxford Capital à Londres.