[DECODE] Coronavirus: où en est-on au niveau des impacts économiques? 1/2
- En fonction du scénario envisagé, l’OCDE table sur un recul de 0,5 point de pourcentage de la croissance du PIB mondial qui sera ainsi ramenée à 2,4% ou divisée par deux pour plafonner à 1,5%.
- Dans tous les cas, alors que la liste du nombre de personnes et pays touchés par le coronavirus Covid-19 s’allonge, les perspectives s’annoncent difficiles pour de nombreux secteurs.
- Parmi les premiers acteurs touchés par l’épidémie, nous retrouvons ceux dont la production dépend en grande partie de la Chine, et ils sont nombreux. Selon les données du cabinet de recherches Dun&Bradstreet, au 5 février 2020, au moins 51 000 entreprises avaient au minimum un ou plusieurs fournisseurs directs dans les régions de Chine touchées par le virus.
- Le cas de la Chine est une bonne illustration de la difficulté à refaire partir une économie après l’avoir mise sur pause. Les restrictions n’ayant pas été levées dans l’ensemble du pays certains travailleurs qui étaient repartis dans leur ville natale ne peuvent reprendre leurs postes dans les zones où c’est autorisé. La réouverture des usines se situerait autour de 40%.
- Mais au-delà d’être un lieu de production, la Chine est aussi un lieu de consommation. Une entreprise comme Apple, par exemple, représente bien cette double dépendance. La marque n’a par exemple vendu que 494 000 iPhone en Février en Chine, une chute des ventes de 61% par rapport à la même période de 2019.
- Autre secteur durement touché, le tourisme dont la perte de chiffre d’affaires pourrait se situer au global entre 30 et 50 milliards de dollars.
- Côté événementiel, si le focus a beaucoup été mis sur l’annulation de grands événements, notamment Tech, il ne faut pas oublier tout ceux qui concernent les plus petites manifestations: séminaires, soirées d’entreprises ou événements de communication externe. Un secteur qui en France a créé 32 milliards d’euros de retombées économiques en 2018 et se retrouve actuellement en apnée.
D’un point de vue macroéconomique, les prévisions fluctuent en fonction du scénario envisagé. Dans le cas où la propagation du virus reste relativement maintenue, l’OCDE table sur un recul de 0,5 point de pourcentage de la croissance du PIB mondial qui sera ainsi ramenée à 2,4% cette année. Mais dans le cas où d’autres économies avancées seraient touchées avec la même intensité que la Chine (80 778 personnes infectées et 3 158 morts au mercredi 11 mars 9 heures GMT, selon les données dont nous disposons au moment où nous rédigeons ce papier), l’organisme mise cette fois-ci sur une croissance mondiale qui serait divisée par deux pour plafonner à 1,5%. En ce qui concerne plus spécifiquement l’Hexagone, l’OCDE évalue l’impact sur la croissance du PIB à -0,3 point pour descendre à 0,9% en 2020.
51 000 entreprises touchées par la fermeture d’usines en Chine
Parmi les premiers acteurs touchés par l’épidémie, nous retrouvons ceux dont la production dépend en grande partie de la Chine, et ils sont nombreux. Face à la propagation du virus les autorités chinoises ont dû prendre des mesures extrêmement restrictives: mises en quarantaine, fermetures d’usines, arrêts de travail… créant une rupture de la chaîne d’approvisionnement mondiale.
Selon les données du cabinet de recherches Dun&Bradstreet, au 5 février 2020, au moins 51 000 entreprises avaient au minimum un ou plusieurs fournisseurs directs (donc de rang 1) dans les régions de Chine touchées par le virus. La proportion montant à 5 millions de structures si l’on prenait en compte les fournisseurs de rang 2 (c’est-à-dire les fournisseurs de fournisseurs).
Pour les fournisseurs de rang 1, cela concernait au moins 163 entreprises du Fortune 1 000, pour ceux de rang 2 la proportion atteignait 938. L’étude prenait en compte les 19 provinces où au moins 100 cas avaient été confirmés. Si la situation a depuis encore évolué, cela permet d’avoir un bon aperçu de l’étendu de l’impact de la fermeture ou de la baisse d’activité des usines chinoises sur les entreprises au niveau mondial.
Les provinces prises en compte par l’étude de Dun&Bradstreet
N.B.: Wuhan, le point de départ de l’épidémie, se trouve dans la province d’Hubei.
Côté pays, les entreprises les plus touchées proviennent des Etats-Unis (92%), suit ensuite le Canada (7,5%).
Signe de l’étendue des secteurs touchés par la fermeture des usines de leurs fournisseurs direct, c’est la catégorie « autres » qui occupe la première place (57,3%), suit le commerce de gros (biens durables) à 17,8%, le commerce de gros (biens non durables): 10,6%, puis le retail (4,8%) à égalité avec les « machines et ordinateurs industriels et commerciaux ».
Une difficile reprise de l’activité même dans les provinces appelées à réouvrir leurs usines
Certaines de ces usines qui n’avaient pas pu réouvrir leurs portes après la traditionnelle fermeture pour le nouvel an chinois qui a eu lieu le 25 janvier tentent depuis peu de progressivement reprendre leurs activités alors que la progression du coronavirus ralenti dans le pays. Mais cette reprise est encore limitée, alors que le gouvernement chinois presse pour un redémarrage rapide dans les provinces où cela est possible. Cependant, dans la réalité, relancer le travail prend plus de temps que prévu. Les restrictions n’ayant pas été levées dans l’ensemble du pays, certains travailleurs qui étaient repartis dans leur ville natale pendant les mises en quarantaine ne peuvent reprendre leurs postes. Wuhan fait par exemple encore partie des provinces confinées.
C’est une bonne illustration du temps qu’il faut en réalité pour qu’une économie redémarre à la suite de telles restrictions. Ainsi, selon Trivium, un cabinet d’études indépendant, la reprise globale des usines tournerait actuellement autour de 40%.
Le « Baidu Migration Index » permet également d’avoir une meilleure image de la situation actuelle. L’Index des flux de voyageurs entrant à Pékin était par exemple encore en baisse de près de 79% au 4 mars 2020, de -59,5% en ce qui concerne Shanghai ou -39,5% pour Shenzhen.
De même, la fréquentation du métro à Pékin est encore en baisse de 85% et de près de 68% à Shanghai.
Autres indicateurs: la consommation de charbon par les six grands groupes de production électrique est toujours en baisse.
Certains experts tablent sur une reprise complète en avril.
Apple, Xiaomi, Huawei… voient leurs ventes de smartphones chuter
Mais au-delà d’être un lieu de production, la Chine est aussi un lieu de consommation. Une entreprise comme Apple, par exemple, représente bien cette double dépendance. Au cœur de l’épidémie, la marque à la pomme a dû se résoudre à fermer ses usines, mais également ses 42 points de vente situés en Chine continentale. À partir de fin février, elle a annoncé avoir réouvert ses usines et 38 de ses magasins, mais comme vu plus haut la production est loin d’être revenue à la normale tout comme les habitudes des habitants dont l’achat de matériel Apple est loin d’être la première préoccupation. D’autant plus que l’entreprise de Tim Cook dépend également d’autres fournisseurs installés en Chine à l’instar de Foxconn pour qui la reprise se fait également très progressivement. Le mois dernier, Apple a déjà annoncé qu’il ne pourra finalement pas respecter ses prévisions de chiffre d’affaires, qui se situaient entre 63 et 67 milliards de dollars, pour le trimestre finissant en mars.
Un autre chiffre rend compte de l’impact de la baisse de consommation chinoise: selon la China Academy of Information and Communications Technology (CAICT), un organisme gouvernemental, Apple n’a vendu que 494 000 iPhone en Février en Chine, une chute des vente de 61% par rapport à la même période de 2019 (près de 1,3 million de ventes). Tous les constructeurs de smartphones sont concernés. Au total, les marques ont expédié 6,3 millions d’appareils en février, soit une baisse de 54,7% par rapport à l’année dernière. Les marques Android comme Xiaomi ou Huawei ont même été particulièrement été touchées avec un nombre de livraisons passé de 12,72 millions d’unités à 5,85 millions.
Evolution des expéditions de téléphones mobiles en Chine entre janvier 2019 et février 2020 (tous modèles, pas uniquement les smartphones).
C’est plus largement toute l’industrie électronique sur-dépendante de la Chine qui est touchée. Si pour l’instant les consommateurs voient peu de conséquence, les entreprises comptant sur leurs stocks, la situation pourrait devenir plus compliquée si la reprise des usines prend plus de temps que prévu. À cela s’ajoute aussi les restrictions concernant le transport avec par exemple un trafic réduit sur les routes commerciales entre la Chine et certains pays. Une des solutions envisagées? Changer de fournisseurs ou de pays de production en fonction des situations, par exemple en les rapprochant d’un point de vue géographique. D’ailleurs, dans son étude Dun & Bradstreet offre des idées d’alternatives.
Si de tels changements n’ont rien d’évidents, ils pourraient aussi tout simplement être limités par le fait que le coronavirus continue à s’étendre et que les lignes de production d’autres pays devraient être touchés. Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé vient officiellement de qualifier ce mercredi le Covid-19 de « pandémie ». Un terme utilisé en cas de propagation mondiale d’une nouvelle maladie.
Entre 30 et 50 milliards de dollars pour le tourisme
Si un autre secteur est bien au cœur de l’épidémie, il s’agit du tourisme. Restriction d’entrées et de sorties du territoire, touristes qui préfèrent annuler leur voyage… l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) vient de sortir ses prévisions. Avant l’épidémie, elle tablait sur une croissance positive, comprise entre 3% et 4%, du secteur au niveau mondial. Elle mise désormais sur une croissance négative de 1% à 3% qui se traduirait par une perte comprise entre 30 et 50 milliards de dollars. L’Asie-Pacifique serait la région la plus touchée avec une baisse attendue des arrivées de 9 % à 12 %. L’organisme n’est pas encore en mesure de faire des prévisions pour les autres régions.
En première ligne, les petites et moyennes entreprises qui représentent environ 80 % du secteur du tourisme. Cela met «en jeu les moyens de subsistance de millions de personnes partout dans le monde, dont des populations vulnérables, qui dépendent du tourisme», rappelle l’OMT. Illustration de ces entreprises qui pourraient ne pas tenir le coup: la compagnie aérienne britannique Flybe, qui était déjà en difficulté avant le coronavirus, a dû déposer le bilan.
Deux scénarios envisagés pour le secteur de l’aviation
En ce qui concerne plus particulièrement l’industrie du transport aérien, les prévisions de l’Association internationale du transport aérien (IATA) ne sont pas plus encourageantes. L’organisme prévoit, en ce qui concerne le transport de passagers, une perte de revenu estimée au global à 63 milliards de dollars pour l’année 2020. Et cela est dans le meilleur scénario. Pour ce calcul, l’association a pris en compte les marchés où on dénombrait plus de 100 cas de Covid-19 au 2 mars et connaissant une forte récession suivie d’un profil de reprise en forme de V. Ce scénario prend également en compte la baisse de la confiance des consommateurs dans d’autres marchés (Amérique du Nord, Asie-Pacifique et Europe).
Dans le second scénario, c’est-à-dire le cas d’une diffusion plus large, qui utilise une mythologie similaire mais appliquée à tous les marchés qui avaient au moins 10 cas confirmés ou plus au 2 mars, la perte grimpe à 113 milliards de dollars. «Cela reviendrait à ce que l’industrie a connu pendant la crise financière mondiale», précise l’IATA.
Perte de chiffre d’affaires par zone géographique dans le cas d’une épidémie étendue
Dans le second scénario, le marché auquel correspond la France, qui comprend 9 autres pays dont l’Autriche, l’Italie, l’Espagne…, verrait son nombre de passagers chuter de 24% pour une perte estimée à 37,3 milliards de dollars. Entre temps, l’Italie a déjà vu le nombre de cas grimpés et a sévèrement réduit la quantité de vols. De nombreuses compagnies et certains pays ont de toutes façons annuler les liaisons aériennes avec les villes italiennes à l’instar de British Airways, Ryanair, Air Canada, de l’Espagne ou encore de la Slovénie qui a fermé sa frontière. Le spectre du second scénario semble se dessiner.
«Les prix des actions des compagnies aériennes ont chuté de près de 25% depuis le début de l’épidémie, soit 21 points de pourcentage de plus que la baisse survenue à un moment similaire lors de la crise du SRAS de 2003. Dans une large mesure, cette baisse a déjà fait chuter les revenus de l’industrie, de façon supérieure à notre analyse précédente», note également l’IATA.
De l’hôtellerie-restauration à la publicité
Autre verticale du tourisme, l’hôtellerie-restauration. Même en France, les conséquences de l’épidémie sur le secteur commence à se faire sentir. Illustration de ce fait, le groupe Logis, présent au niveau européen, a vu la croissance des réservations directes pour Logis Hôtels passer de +37% sur les six premières semaines de 2020 à -6% cette semaine, tandis que celles passant via les OTA (les agences de voyages en ligne comme Expedia, Booking, Hotels.com…) a chuté de +11% à -9%. Un impact plus élevé qui s’explique notamment par le fait que les touristes internationaux passent plus par ce type de plateformes pour réserver leur chambre, comme le rapporte le site spécialisé «L’Hôtellerie Restauration». C’est ainsi toute la chaîne qui est touchée, des établissements aux plateformes de réservation.
Même si ces plateformes, comme Booking, sont plus en mesure d’encaisser les coups, le groupe Expedia (comprenant également Hotels.com, Hotwire, Travelocity, Cheaptickets…), qui avait déjà dû tailler dans ses effectifs à cause d’une année 2019 décevante, prévoit une baisse de 30 à 40 millions de dollars sur son bénéfice d’exploitation pour le premier trimestre. Les réactions en chaîne peuvent aussi aller vite. Booking a par exemple expliqué avoir réduit ses dépenses en publicité pour compenser la perte des réservations. L’impact de telles décisions sur le marché est à suivre si d’autres acteurs suivent le pas.
Sans oublier qu’aussi bien l’hôtellerie que la restauration pâtissent des restrictions imposées aux salariés dont les déplacements professionnels sont désormais fortement limités voire annulés. Au cœur de ces annulations on retrouve d’ailleurs les nombreux salons et le secteur de l’événementiel.
Événementiel: un secteur français à 32 milliards d’euros en apnée
Si on se focalise sur les événements Tech, la perte économique de 9 événements majeurs (Google I/O, conférence F8 de Facebook, le Mobile World Congress ou encore SXSW) a été estimée à plus d’un milliard de dollars selon le cabinet PredictHQ pour Recode.
En France, en ce qui concerne le secteur de l’événementiel en général, comme souvent, ce sont surtout les petits acteurs qui pour l’instant ressentent le plus le poids des annulations. En effet, si la lumière est beaucoup mise sur l’annulation des grands événements médiatiques, il y a aussi tous ceux, plus petits, organisés par les entreprises. Ces derniers sont mis sur pause voire annulés avec l’incapacité de prédire quand la situation sera rétablie. Une situation d’autant plus explosive que le secteur pèse lourd.
Selon une étude publiée par le cabinet EY en novembre 2019, 380 000 événements d’entreprises et d’institutions ont été organisés en France métropolitaine en 2018. 54% étaient des séminaires, 20% des soirées d’entreprises et 13% des événements de communication externe. Ces derniers ont accueilli 52 millions de participants au total.
Ces événements d’entreprises et d’institutions représentent 32 milliards d’euros de retombées économiques. Sur ce total, 52% sont au bénéfice des entreprises de production événementielle (accueil, aménagement, prestation de contenu, traiteur événementiel, location de site…) et 48% à destination des acteurs du tourisme (transport d’accès et sur place, hébergement, restauration, commerce). Ces retombées permettent de créer ou de maintenir 335 000 emplois en France métropolitaine: 45% dans les entreprises de production événementielle, 55% chez les acteurs du tourisme. Les chiffres sont importants.
Si 60% des publics résident dans la région où se tient l’événement, signe d’un marché majoritairement de proximité, 44% des retombées en termes de dépenses personnelles sont générées par la clientèle internationale qui représente 11% des participants. Les restrictions de déplacement au niveau international ont donc aussi quand même un impact important sur le secteur. À noter qu’avec 32% des participants, l’Île-de-France, notamment via Paris, est la première région d’accueil.
À titre d’illustration des premières conséquences du Covid-19 sur le secteur, le réseau des Traiteurs de France, qui regroupe 37 entreprises du domaine et cumulant un chiffre d’affaires de 204 millions d’euros, a déploré, le 5 mars, plus de 3,5 millions d’euros de perte de chiffre d’affaires en 48h. Ces dernier emploient au global plus de 1500 salariés
Pour ce secteur et les autres, en France, des mesures ont été annoncées comme la possibilité pour les entreprises confrontées à des difficultés de demander le report du versement des charges sociales, des dégrèvements d’impôts au cas par cas, ou encore le renforcement du dispositif de chômage partiel. Il faudra voir si ces mesures permettent effectivement sur le long terme de limiter les dégâts.
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Merci pour cet article, très intéressant et complet.
Par contre attention à la grosse faute dans un des titres
« Apple, Xiaomi, Huawei… voient leurs ventes de smartphones chutées »