[DECODE] Quelle perspective pour LeBonCoin après son introduction en Bourse?
MAJ le 11 avril 2019
L’Introduction en Bourse à Oslo du nouveau groupe Adevinta a été un succès avec une valorisation approchant les 6 milliards d’euros.
LeBonCoin doit faire son entrée en Bourse ce mercredi 10 avril. Le site de petites annonces créé en France en 2006 à parts égales entre Spir Communication, filiale de Sipa-Ouest-France, et le groupe norvégien Schibsted qui en prendra le contrôle total en 2010 pour seulement 140 millions d’euros grâce à un accord plus global, change aussi d’entité principale. Une mutation qui devrait finalement permettre à LeBonCoin de peser plus lourd au sein du nouvel ensemble.
Jusque-là, LeBonCoin faisait partie du groupe Schibsted: un conglomérat composé de médias et de sites de petites annonces en ligne présent dans 22 pays. Le groupe qui au quatrième trimestre 2018 a enregistré un bénéfice net de 104 millions de dollars a décidé de scinder ses activités en deux. Celles concernant les annonces en ligne dans 16 pays en Europe (France avec LeBonCoin, InfoJobs en Espagne ou encore Subito en Italie), Amérique latine (OLX au Brésil, Fincaraiz.com.co en Colombie…) et en Afrique du Nord (Avito.ma au Maroc, Tayara en Tunisie…) ont été rassemblées en une nouvelle entité baptisée Adevinta. C’est donc au sein de ce groupe que LeBonCoin sera introduit à la Bourse d’Oslo. De son côté, Schibsted conserve les sites d’Europe du Nord (Norvège, Suède et Finlande), aussi bien dans les médias (Aftenposten, Aftonbladet…) que dans les petites annonces. À noter que le Norvégien est l’actionnaire majoritaire de la nouvelle entité, à 60%. Mais pourquoi avoir décidé d’opérer une telle scission?
Liberté
Antoine Jouteau, CEO de LeBonCoin, explique que cette réorganisation doit permettre de donner plus d’agilité au segment des petites annonces regroupé sous le parapluie d’Adevinta. Mais comment? En fait, via cette scission, tous ces sites ne sont désormais plus limités par le «Tinius Trust », principal actionnaire de Schibsted, avec 26% du capital, créé en 1996 afin de s’assurer que le groupe reste centré sur les médias et pour protéger l’indépendance de ses journaux. Adevinta devrait alors jouir de plus de liberté pour croître de manière organique et par acquisition, sans contrainte.
C’est donc un acteur à suivre de près. Pour Jarle Sjo, gestionnaire de portefeuille chez DNB Asset Management interrogé par Reuters cela devrait permettre à Adevinta, grâce à sa structure simplifiée, de pouvoir plus facilement participer à la consolidation du secteur et à attirer de «nouveaux investisseurs axés sur la croissance». Une nouvelle agilité qui pourrait même la rendre désirable aux yeux de potentiels acheteurs… Bien qu’officiellement, Schibsted déclare vouloir garder une place significative au sein du groupe sur le long terme. «La taille et l’horizon temporel de la propriété de Schibsted seront adaptés de manière à soutenir et à développer la valeur actionnariale pour les deux sociétés», a-t-il tout de même ajouté.
Le choix économique est aussi évident. Tandis que les revenus issus des petites annonces classées sur Internet augmentent à un taux annuel moyen de 6,2%, ceux issus de la publicité dans les journaux baissent de 4,5% par an, selon les chiffres de l’agence Zenith Media, comme le rappelle Reuters.
Et surtout, Schibsted a pris une longueur d’avance sur son concurrent allemand Axel Springer (Auto Test, Bild, Die Welt… dans les médias, Autoreflex.com, LaCentrale.fr, seloger.com ou encore Logic-immo.com dans les petites annonces). Ce dernier expliquait ainsi en décembre envisager également la scission de ses sites de petites annonces ou «des pistes alternatives pour dégager de la valeur et de la croissance». En attendant, le Norvégien a lui déjà bien avancé dans sa stratégie.
Faiblesse du marché de l’affichage publicitaire
Mais encore faut-il qu’Adevinta réussisse son entrée en Bourse. Pour cela, la société pourra s’appuyer sur l’expérience de Schibsted, ce dernier étant déjà présent à la Bourse d’Oslo avec une capitalisation boursière qui tourne autour de 9 milliards de dollars. C’est d’ailleurs l’ancien PDG du groupe, Rolv Erik Ryssdal, qui a été nommé à la tête du nouvel ensemble. Celui-ci pourra donc compter sur son expérience de 9 ans comme CEO au sein de Schibsted avec de l’expérience notamment dans la gestion d’acquisitions importantes ou encore l’accès aux marchés des capitaux…
Schibsted prévoit que le nouvel ensemble génère environ 500 millions d’euros de revenus cette année pour un bénéfice brut d’exploitation supérieur à 100 millions d’euros. Toutes plateformes cumulées, ces dernières comptabilisent en moyenne près de 1,5 milliard de visites mensuelles. Cependant, Adevinta a reconnu qu’elle s’attendait à une croissance modérée la première partie de 2019 en raison d’une faiblesse du marché de l’affichage publicitaire en ligne. Lors de la présentation conjointe des sociétés, Adevinta a expliqué être en train de travailler «à la fois de manière stratégique et avec des initiatives à court terme pour remédier à ce problème», sans donner plus de précisions. À voir si cela aura un impact sur la qualité de l’introduction de la société.
Le « joyau » d’Adevinta
L’équipe de direction d’Adevinta est également composée des responsables de division dont fait partie Antoine Jouteau, PDG France pour LeBonCoin depuis janvier 2015. Arrivé lorsque le site n’avait que 3 ans d’existence, il a occupé les postes de directeur du business development et de directeur général adjoint pour un total de plus de 10 ans au sein de la société de petites annonces.
Quelle place pour LeBonCoin dans ce nouvel ensemble? Une place essentielle pour le site régulièrement qualifié de « joyau » du groupe depuis l’annonce de la scission. Il faut dire qu’avec 307 millions d’euros de chiffre d’affaires enregistrés en 2018 (contre 259,7 millions en 2017), le site français pèse à lui seul plus de la moitié de la nouvelle entité. Il devrait en être de même pour sa valorisation à la suite de l’entrée en Bourse du groupe estimée entre 2,5 et 3 milliards d’euros en septembre 2018. Extrêmement rentable, LeBonCoin a enregistré 59% de marge d’Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement) en 2018. Le site au look austère mais particulièrement intuitif est ainsi parvenu à se hisser au 5e rang des sites les plus visités en France avec 28 millions de visiteurs uniques. Côté annonces, 800 000 sont déposées chaque jour et LeBonCoin est leader dans les catégories automobile (3 millions d’annonces, 8 millions de visiteurs uniques) et immobilier (plus de 9 millions de visiteurs uniques par mois). Il est aussi parvenu à devenir le deuxième site d’emploi privé en France avec 2,3 millions de visiteurs uniques (derrière Indeed).
Pour rappel, outre la publicité ciblée en ligne évoquée plus haut, le business model de LeBonCoin repose également sur les frais versés par les professionnels pour pouvoir diffuser leurs annonces et sur les options payantes (par exemple pour être en tête de liste) auxquelles ont accès les particuliers qui peuvent aussi déposer leurs annonces gratuitement.
Et LeBonCoin compte continuer à étendre son périmètre d’activité. Ces dernières années, le site a notamment multiplié les acquisitions en mettant la main sur la marketplace Vide Dressing ou encore sur A Vendre A Louer pour accélérer dans les catégories modes et immobilier. En mai 2018, le site a également lancé l’offre «LeBonCoin Emploi Cadres» via la technologie développée par Kudoz, start-up acquise en 2017. Une stratégie qu’acquisitions au niveau local que LeBonCoin a prévu de maintenir sous la nouvelle entité, en plus de celles qui seront réalisées par le groupe.
Facebook Marketplace et taxe Gafa
Le site de petites annonces a également récemment étendu ses services avec le paiement en ligne. Optionnel et gratuit, il vise à «sécuriser la transaction et accélérer la mise en relation» de 20% des utilisateurs du site qui envoient un chèque et attendent que leur soit renvoyé leur achat en retour, avait expliqué Antoine Jouteau à l’AFP. L’argent est ainsi stocké par le site le temps que l’acheteur reçoive sa marchandise. LeBonCoin joue ainsi le rôle de tiers de confiance. Un vrai défi pour le site qui doit notamment faire face à la concurrence de Facebook Marketplace qui peut offrir un niveau de confiance supérieur grâce à la possibilité de visiter le profil du vendeur. Selon Facebook, une personne sur trois utilise déjà sa Marketplace aux États-Unis. Et le commerce fait partie de ses principaux axes de développement, l’utilisation de cette plateforme pourrait ainsi croître en France.
Enfin, dernier paramètre à prendre en compte pour LeBonCoin, l’entreprise sera-t-elle touchée par la taxe Gafa? Celle-ci vise les plateformes numériques qui mettent en relation clients et producteurs, revendeurs ou fournisseurs de services ainsi que le ciblage publicitaire (via une plateforme digitale) et la revente de données personnelles à des fins publicitaires. D’un taux de 3%, elle s’appliquera aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires sur leurs activités numériques dépassant les 750 millions d’euros dans le monde et 25 millions d’euros en France, avec un effet rétroactif au 1er janvier. Selon l’étude d’impact réalisée par le cabinet d’avocats Taj, LeBonCoin devrait être impacté or cela pourrait avoir une incidence sur sa valorisation, à moins que l’incertitude actuel plaide en sa faveur. Réponse dans quelques jours.
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