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[DECODE] StopCovid, l’app de contact tracing que prépare le gouvernement

Mise à jour du 26 mai 2020: la Cnil a validé la mise en place de StopCovid. L’application pourrait être disponible dès ce week-end du 30 mai. A lire: StopCovid: les raisons du feu vert de la Cnil

Face à l’enjeu du déconfinement qui fait craindre une deuxième vague dans la propagation du coronavirus, le gouvernement planche sur la création d’une application baptisée Stopcovid. Elle permettrait d’alerter automatiquement les personnes entrées en contact avec une autre personne infectée. Depuis, la polémique enfle. Essayons de résumer la situation et de nous recentrer au cœur des enjeux.

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5 choses à savoir sur StopCovid

  • L’application reposera sur le volontariat. Le gouvernement, en partenariat avec l’Inria, planche encore sur la création de l’application mais c’est un point sur lequel il assure qu’il ne dérogera pas.
  • Un outil basé sur la norme de communication Bluetooth. C’est la seconde certitude que l’on peut tirer du peu d’informations dont on possède pour l’instant. Un choix qui a été fait pour éviter d’avoir recours aux données de géolocalisation, mais qui peut aussi avoir ses faiblesses comme son manque de précision.
  • Le système pourrait être lié à un tiers de santé. C’est une possibilité étudiée pour contourner l’utilisation malveillante de l’appli avec, par exemple, des personnes qui se déclareraient positives pour perturber l’outil. 
  • Des chercheurs se sont penchés sur l’efficacité du tracing numérique. Ils ont montré qu’il pouvait en effet fortement limiter la propagation du Covid-19 mais sous plusieurs conditions: usage massif de l’appli, mise en quarantaine, distanciation sociale, continuité des mesures d’hygiène et recours fréquent aux tests. 
  • Singapour a déjà mis en place une appli fonctionnant via le Bluetooth. Appelée TraceTogether, elle permet d’avoir un aperçu de ce à quoi cela pourrait ressembler en France. Cet exemple remet aussi en lumière la nécessité d’une forte adoption de la population pour que ce système soit efficace. Ce qui n’a pas été le cas. La population doit avoir confiance en l’outil proposé.

Pour suivre une épidémie, le contact tracing est «un grand classique de la santé publique»

 «Il faut revenir à la base de ce qu’est la cinétique d’une épidémie de maladie infectieuse puisque nous sommes exactement dans ce cadre-là», explique Bruno Falissard, directeur du Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, rattaché à l’Inserm. «Lorsqu’un individu est contagieux et qu’il ne le sait pas, il est en contact avec d’autres personnes. Et en moyenne, en fonction du microbe, il va en contaminer un certain nombre». Or, l’enjeu aujourd’hui est que dans le cas du Covid-19, cette proportion est relativement importante. Une personne en contamine en moyenne trois, contre une dans le cas d’une grippe saisonnière. «Ainsi l’évolution du nombre de sujets atteints au cours du temps suit une loi exponentielle qui croît très vite», résume ce dernier.

Remonter la piste des personnes avec lesquelles un patient infecté a été en contact permet de casser la chaîne de transmission en les identifiant puis en prenant les mesures adéquates comme celles de les confiner ou en encore de les tester. Mais aujourd’hui, les techniques du contact tracing sont très classiques et n’ont pas évolué.

Un procédé «très lourd» à gérer et extrêmement coûteux en temps homme

D’ailleurs, dans une interview accordée à Europe 1 fin février, Aurélien Rousseau, directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) d’Île-de-France racontait comment cette méthode a été utilisée sur les tous premiers cas en France, et notamment les deux premiers hospitalisés à Bichat à Paris. Il a alors fallut reconstituer leur emploi du temps heure par heure: avec qui ils avaient discuté, à quelle distance, combien de temps… La partie reconstitution a occupé les agents de l’ARS de 19h à 3h du matin.

Le procédé est «très lourd» et «coûte un temps humain incroyable». Il n’est ainsi applicable uniquement «lorsqu’il n’y a que quelques patients», explique Bruno Falissard.«Normalement, c’est au tout début d’une épidémie que c’est particulièrement intéressant», poursuit-il. Mais la France vit une situation exceptionnelle, le confinement presque total de sa population. C’est là que la mise en place d’une solution de contact tracing plus efficace pourrait avoir son utilité, même si ce n’est pas la seule solution envisagée comme celle d’un déconfinement en plusieurs vagues.

«Si on arrive à éteindre l’épidémie, rien ne dit qu’elle ne revienne pas jusqu’à ce qu’il y ait un vaccin ou que nous ayons une immunité collective. Au moment du déconfinement, il y a un risque que l’épidémie reparte. Les technologies pourraient être utilisées pour éviter que cela ne se produise», développe Bruno Falissard. Ainsi l’idée de pouvoir s’appuyer sur les données issues des smartphones est «très séduisante», explique ce dernier.  

La digitalisation du contact tracing, une solution efficace?

Mais est-il possible de prouver l’efficacité du backtracking ou traçage numérique? Un groupe de chercheurs de l’Université d’Oxford s’est penché sur la question et a publié ses conclusions dans le revue Science fin mars. Il s’est notamment appuyé sur les données issues des cas répertoriés en Chine pour estimer la proportion des transmissions en fonction des différents modes de contamination. A partir de cela, il a effectué des prédictions pour voir à quel point la mise en place d’une solution permettant de rapidement retracer les personnes avec qui un individu infecté a été en contact peut changer la donne et permettre d’endiguer la pandémie actuelle.

Le groupe reconnaît que ses données sont imparfaites car l’analyse à partir d’une cohorte plus précise serait préférable. Des travaux qui seront sûrement conduits après l’épidémie. Mais dans le temps imparti et avec les données qu’il possède, il estime que dans le cas du Covid-19, «la propagation virale est trop rapide pour être contenue par la recherche manuelle des contacts». «Mais elle pourrait être contrôlée si ce processus était plus rapide, plus efficace et se produisait à grande échelle», poursuit-il.  Pour eux, la solution pourrait se trouver dans la mise en place d’une solution numérique. «Un délai entre la confirmation d’un cas et la recherche de ses contacts n’est cependant pas inévitable. Plus précisément, il peut être évité en utilisant une application pour téléphone mobile», conclut le groupe de chercheurs.

L’application imaginée par les chercheurs fonctionnerait via la co-localisation GPS complétée par le scan d’un  QR code affiché sur les équipements publics à fort trafic où le GPS serait trop imprécis. Les résultats des tests seraient ensuite communiqués à un serveur qui recommanderait automatiquement des mesures de quarantaine stratifiées en fonction de la proximité physique qu’ont eu les personnes avec celle infectée, tout en préservant son anonymat. Des tests pourraient être demandés via l’application. Comme le montre le schéma ci-dessous, l’idée serait alors de recommander des actions qui vont de la mise en quarantaine à de simples mesures de distanciation sociale.

Source: « Quantifying SARS-CoV-2 transmission suggests epidemic control with digital contact tracing », Revue Science.

Ce n’est qu’un exemple, mais cela montre comment des chercheurs imaginent le système optimal. La mise en place de l’application vient alors se greffer aux autres mesures qui comprennent de l’isolation, de la distanciation sociale, la continuité des mesures d’hygiène et la mise en place de tests. 

Ce qu’il faut savoir sur StopCovid, l’app que le gouvernement souhaite proposer aux Français

Le gouvernement, en partenariat avec l’Inria, travaille sur une application qui fonctionnerait via le Bluetooth. Le projet, appelé StopCovid, est piloté par Aymeril Hoang, qui a notamment dirigé l’innovation au sein de la Société Générale et directeur de cabinet de Mounir Mahjoubi jusqu’en janvier 2019. Auditionné à propos de cette application par une cinquantaine de députés jeudi lors d’une séance en visioconférence, le secrétaire d’Etat chargé du numérique Cédric O a reconnu les limites techniques actuellement rencontrées. Comme le fait que «le Bluetooth n’a pas été conçu pour mesurer des distances». Or une imprécision trop importante rendrait une telle solution caduque puisque la distanciation sociale nécessaire pour ne pas être contaminée est aujourd’hui estimée à seulement un mètre. On sait également qu’est étudiée la manière dont l’application pourrait être reliée à un tiers de santé pour s’assurer que seule les personnes vraiment diagnostiquées se déclarent positives et donc éviter les comportements malveillants.

L’exemple le plus proche de ce que le gouvernement veut mettre en place semble donc être l’application TraceTogether utilisée à Singapour. Elle donne un aperçu de ce à quoi cela pourrait ressembler. Pour rappel, le système mis en place là-bas permet à deux téléphones qui se croisent, après téléchargement de l’application et activation du Bluetooth, de partager un identifiant anonymisé et enregistré de manière cryptée dans le téléphone pendant 21 jours. L’appli n’a pas besoin d’Internet pour fonctionner mais y a ponctuellement recours pour générer des identifiants temporaires. Ce sont ces derniers qui sont partagés avec les autres téléphones. Pour cela, il faut avoir été pendant au moins 30 minutes à moins de 2 mètres de l’autre personne. Les données sont stockées uniquement dans chaque téléphone est sont donc censées disparaître si l’application est supprimée.

Lorsqu’une personne est infectée, les autorités demandent à pouvoir accéder à sa liste d’identifiants enregistrés pour les prévenir. Ainsi pas de géolocalisation facile et immédiate contrairement au recours à une solution comme une application GPS. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle le gouvernement français à choisi cette option. Mais pour certains experts, c’est aussi un écueil car cela limite la possibilité de désinfecter un lieu qu’on saurait par exemple propice aux infections, alors que le virus se transmet également par les surfaces. C’était d’ailleurs une des recommandations formulées par les chercheurs d’Oxford. Or, les données de géolocalisation sont connues pour être plus difficiles à anonymiser.

Pour les aspects plus pratiques, une plongée dans les FAQ de l’appli de Singapour permet d’en apprendre un peu plus. Pour qu’elle fonctionne, les possesseurs d’un Android peuvent avoir l’app en premier ou arrière plan. En revanche, les personnes sous iOS doivent l’avoir en premier plan pour une utilisation optimale. Il leur est ainsi conseillé de laisser l’appli ouverte quand ils sont dans un endroit avec du monde, par exemple en activant le « Mode d’économie d’énergie » pour garder TraceTogether au premier plan sous un écran grisé. Ainsi, s’ils utilisent une autre appli entre temps, ils doivent bien penser à ensuite basculer de nouveau sur celle de TraceTogether. Une limite non négligeable à la réelle adoption d’une telle solution, ce qui est pourtant un point crucial.

Une appli qui devra être acceptée par 60% des Français pour être efficace

Les questions de confiance et de praticité sont cruciales puisque qu’une telle solution ne peut être réellement efficace sans une adoption massive de la population. Selon les spécialistes, cette proportion doit être d’au moins 60% pour espérer endiguer la propagation du virus. 

A Singapour, au 1er avril, le gouvernement revendiquait 1 million de téléchargements pour une population de près de 5,7 millions d’habitants depuis le lancement de l’application le 20 mars. Dans une interview accordée au journal local The Strait Times, Lawrence Wong, le ministre du Développement National, reconnaissait alors que l’outil n’avait pas encore tenu toutes ses promesses, à cause selon lui du nombre insuffisant d’utilisateurs. «Pour que TraceTogether soit efficace, nous avons besoin qu’à peu près les trois quarts – si ce n’est tout le monde – de la population la possède. Ensuite, nous pourrons vraiment l’utiliser comme un outil de recherche de contacts efficace», avait-il déclaré.

Il n’est ainsi pour l’instant pas possible de se servir de l’exemple du pays- qui est celui qui a instauré le système le plus proche de ce que le gouvernement français semble vouloir mettre en place- pour infirmer ou confirmer l’efficacité d’une app de contact tracing. Entre temps, la cité-État a d’ailleurs connu une deuxième vague qui l’a contrainte à prendre des mesures de confinement plus fermes. 

Mais la première étape doit en tout cas passer par l’acceptation de la population si l’on veut pouvoir estimer l’efficacité d’une solution numérique de tracing. Il n’y aura pas de bon système sans la confiance du grand public. Ainsi cela sous-tend que le gouvernement parvienne à mettre en place une solution réellement respectueuse des données, et à le faire en toute  transparence.

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Un commentaire

  1. STIMSHOP met à disposition sa technologie de communication sans fil par ultrason pour compléter le Bluetooth.
    Qui peut me mettre en rapport avec Aymeril Hoang ?

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