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Microsoft franchit une étape déterminante dans le quantique avec le lancement de Majorana 1, le premier processeur quantique fondé sur une architecture topologique. Ce développement marque la concrétisation d’un pari scientifique et industriel initié il y a vingt ans : exploiter les particules de Majorana pour construire des qubits plus stables et évolutifs. Cette avancée ouvre une perspective crédible vers l’ordinateur quantique tolérant aux fautes capable d’atteindre un million de qubits, seuil nécessaire pour des applications à grande échelle.
Un saut conceptuel dans la conception des qubits
L’informatique quantique repose sur les qubits, unités de calcul qui exploitent les propriétés de la mécanique quantique. Leur sensibilité aux perturbations environnementales constitue l’un des principaux obstacles à leur mise à l’échelle. Jusqu’à présent, les approches conventionnelles – supraconducteurs (IBM, Google), ions piégés (IonQ) ou photons (PsiQuantum) – nécessitent d’importantes corrections d’erreurs, limitant leur fiabilité et leur viabilité industrielle.
Microsoft a suivi une voie différente en développant les qubits topologiques, qui reposent sur l’existence des particules de Majorana. Contrairement aux qubits traditionnels, ceux-ci offrent une protection intrinsèque contre les erreurs grâce à une structure physique qui isole l’information quantique des perturbations extérieures. Ce choix technologique, longtemps considéré comme spéculatif, a été validé par une publication dans Nature, attestant de la création et de la mesure fiable des qubits topologiques.
Le rôle clé du topoconducteur
La percée repose sur l’invention d’un nouveau matériau, le topoconducteur, conçu pour maintenir un état quantique stable. Microsoft a mis au point une architecture composée d’arséniure d’indium et d’aluminium, assemblée atome par atome pour former une structure permettant l’émergence des particules de Majorana. Ce matériau inaugure un état topologique de la matière, distinct des solides, liquides ou gaz, dans lequel les qubits deviennent moins sensibles aux perturbations extérieures.
L’un des défis majeurs de l’informatique quantique réside dans la lecture des qubits sans perturber leur état. Les qubits topologiques de Microsoft intègrent une méthode de mesure numérique qui simplifie cette opération : une impulsion électrique suffit à activer ou désactiver la lecture des qubits, supprimant ainsi la nécessité d’un calibrage analogique complexe. Cette innovation réduit considérablement les contraintes matérielles et ouvre la voie à des architectures plus compactes et industrialisables.
Un chemin crédible vers un million de qubits
L’intérêt des ordinateurs quantiques ne se matérialise qu’à partir d’une échelle de calcul suffisante, permettant de résoudre des problèmes irréductibles aux supercalculateurs classiques. Or, la plupart des prototypes actuels ne dépassent pas quelques centaines de qubits fonctionnels. Microsoft affirme que son architecture topologique offre un chemin concret vers un million de qubits sur une seule puce, tout en réduisant les besoins en correction d’erreurs.
L’intégration des circuits de contrôle directement dans la puce quantique constitue une autre avancée décisive. Contrairement aux architectures conventionnelles nécessitant des infrastructures massives – certaines approches exigeraient des systèmes de la taille d’un stade pour atteindre cette échelle –, le Majorana 1 tient dans la paume d’une main et peut être déployé dans un centre de données Azure Quantum.
Vers une transformation industrielle et scientifique
L’ordinateur quantique tolérant aux fautes ouvre des perspectives sans précédent dans plusieurs domaines stratégiques :
- Chimie et matériaux : simulation de molécules complexes pour la conception de nouveaux matériaux auto-réparants, optimisés pour l’aérospatiale, la construction ou l’électronique.
- Environnement : découverte de catalyseurs capables de décomposer les microplastiques ou de transformer le CO₂ en matériaux exploitables.
- Santé et biologie : modélisation avancée des enzymes et des réactions biochimiques, facilitant le développement de traitements médicaux et de solutions agricoles durables.
- Conception industrielle : automatisation de la R&D grâce à l’interaction entre IA et quantique, permettant de générer des prototypes optimaux dès la première itération.
Matthias Troyer, Technical Fellow chez Microsoft, résume cette avancée en des termes limpides : « Le quantum enseigne à l’IA le langage de la nature, de sorte qu’elle puisse générer la solution parfaite sans essais et erreurs. »
Cette avancée place Microsoft parmi les deux acteurs retenus par la DARPA, l’agence de recherche avancée du Département de la Défense américain, pour la phase finale du programme US2QC. Ce programme vise à construire le premier ordinateur quantique d’utilité industrielle, c’est-à-dire dont les performances justifient les coûts d’exploitation.
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