
Designing AI-first interfaces : quelle expérience conversationnelle proposer ?
Ni simple effet de mode, ni gadget UX, le chat incarne une évolution logique : il épouse les logiques humaines de communication, s’adapte à la complexité contextuelle et permet une personnalisation à grande échelle. Pour autant, concevoir une interface conversationnelle performante ne consiste pas à “mettre du GPT dans une boîte”. Cela impose un nouveau cadre de conception, une grammaire d’interaction, et une rigueur stratégique rarement atteinte par les premiers chatbots des années 2010.
Le retour en force du langage naturel
« Chat is an amazing interface because it is so versatile. It’s how we operate as humans. »
Cette affirmation de Kevin Weil, Chief Product Officer d’OpenAI, résume un renversement fondamental. Le langage n’est plus une donnée d’entrée, c’est l’interface elle-même. Contrairement à l’interaction GUI (Graphical User Interface), rigide et prescriptive, l’interface IA autorise la nuance, l’ambiguïté, l’intention.
Cela transforme plusieurs postulats du design classique :
- Le langage remplace les boutons.
- L’utilisateur ne suit plus un flux, il en crée un.
- La réponse est générée, pas affichée.
Trois principes fondateurs d’une interface IA-first
1. Friction is signal
Dans une interface classique, la friction est une anomalie à éliminer. Dans une interface conversationnelle, elle peut être révélatrice d’un besoin non formulé. Par exemple, un utilisateur qui demande la même chose plusieurs fois sous des formulations différentes n’est pas frustré : il explore. L’UX doit donc capter, conserver et analyser ces signaux faibles.
2. Instruction following > click rate
Le modèle est performant s’il comprend bien ce que l’utilisateur veut, pas s’il maximise un taux de clic. Le succès d’une interaction se mesure à sa capacité à suivre correctement des consignes complexes. Cela impose une nouvelle logique de mesure, centrée sur l’Eval design plutôt que sur les funnels traditionnels.
3. Équilibrer temps de réponse et expressivité
Le “temps de pensée” du modèle devient un paramètre UX critique. Si la réponse arrive trop vite, l’utilisateur la perçoit comme superficielle. Trop lentement, il décroche. OpenAI teste ainsi des retours intermédiaires inspirés de comportements humains : “Let me think…”, “Here’s what I’m considering…”, simulant un raisonnement en temps réel. Ce type de détail crée la confiance.
Les formats conversationnels à maîtriser
Format | Usage | Exemple |
---|---|---|
Chat ouvert | Exploration, brainstorming | ChatGPT, Claude |
Formulaire IA | Collecte dirigée | Notion AI, Flow GPT |
Agent spécialisé | Tâche précise avec boucle d’action | Booking, emailing, code |
Rôle incarné | Personnalisation de ton et de posture | “Tu es un chef étoilé” / “Tu es un coach RH” |
Arbre hybride | Guidance semi-ouverte | Salesforce Einstein, assistants bancaires |
Chaque format implique des arbitrages entre contrôle, autonomie, efficacité et expressivité.
Les erreurs à éviter
- Sous-exploiter les capacités du modèle. Une interface IA doit viser des cas d’usage où le modèle apporte une valeur différenciante (raisonnement, synthèse, reformulation, action). Si un menu déroulant suffit, l’IA est superflue.
- Multiplier les instructions inutiles. Un bon prompt UX est un prompt invisible. Le système doit comprendre, contextualiser, réagir – sans transformer l’utilisateur en prompt engineer.
- Ignorer la dégradation. Toute interface IA doit prévoir les cas de mauvaise compréhension, d’erreurs ou d’absences de réponse. L’humain-in-the-loop ou les options de fallback sont nécessaires.
Vers une nouvelle grammaire du design
L’interface IA-first implique un changement de paradigme pour les designers et les équipes marketing. Il ne s’agit plus de penser en écrans, mais en interactions vivantes, où le langage, la mémoire, l’intention et l’incertitude structurent l’expérience. Le design conversationnel devient le nouveau centre de gravité de l’expérience client.