Laurence FaguerLes Experts

E-commerce: aux Etats-Unis, l’industrie de la mode se prépare à «l’après-crise»

Par Laurence Faguer, experte FrenchWeb

L’annonce ce lundi dans The Wall Street Journal de la mise en congé par Macy’s d’une grande partie de ses 130 000 employés (suivi hier par Gap, Urban Outfitters et d’autres retailers américains ) est une douche froide. Chez Macy’s, seuls le e-commerce (23,7% du chiffre d’affaires total, qui se monte à 25,3 milliards de dollars),  les livraisons et les centres d’appel restent ouverts.

Joseph Sartre, co-fondateur d’Interlace Ventures, à New York. Credit: Interlace Ventures

Joseph Sartre, le co-fondateur d’Interlace Ventures à New York- et qui, à ses heures perdues, a crée et codé lui-même une plateforme technologique de veille et d’analyses très convoitée (lire son interview) – ne fut pas surpris des difficultés de Macy’s, et constate cette semaine sur le marché américain (comme en France) l’absence d’effet de rattrapage par le e-commerce. Les ventes en ligne ont fortement chuté dans beaucoup de catégories de produits. Exemple sur le secteur de l’habillement qui enregistre une baisse de 25,9% d’un mois à l’autre et de 18,8% d’une semaine à l’autre (données au 30 mars 2020)- Source Shipbob.com

Les produits et services qui se vendent en cette période de confinement? Nicole Solis-Sison les a listé lors d’un workshop virtuel tenu hier à Los Angeles:

Source : Workshop virtuel de Nicole Solis-Sison organisé par General Assembly Los Angeles, en partenariat avec Priscilla Presley, co-founder The Forward Female.

De son coté, McKinsey a publié un papier très détaillé sur le secteur de la mode aux Etats-Unis face à la crise intitulé: « Perspectives for North America’s fashion industry in a time of crisis » composé de 4 parties : la situation à date, et une préconisation de mesures à prendre immédiatement, à moyen terme, et à long terme.

Les auteurs de ce papier sont Colleen Baum, Pamela Brown, Emily Gerstell, et Althea Peng . Il est à lire ici. En voici les principaux points.

Effet du Covid-19 sur les entreprises du textile et de la mode aux Etats-Unis, à mars 2020

Combien de temps les magasins vont-ils rester fermer ? C’est toute la question. McKinsey évalue que, après 3 mois de fermeture des magasins, 75% des entreprises du secteur du textile et de la mode pourraient avoir de sérieuses difficultés à gérer leur niveau d’endettement.

Source :  McKinsey – Mars 2020.  L’étude complète est à lire ici.

 

Lisez aussi l’article très documenté de Richard Kestenbaum, co-fondateur de Triangle Capital à New York, qui établi la liste les retailers américains cotés les plus vulnérables dans cette crise, et  explique pourquoi.

(Lire son interview après NRF).

Ventes magasin : elles sont nulles en raison de la fermeture des magasins (hors achats de première nécessité)

Vente online : Il n’y a pas de report sur le online. Selon les auteurs : « Le commerce en ligne ne suit pas le rythme. Bien que l’engagement des consommateurs envers les marques de vêtements et de mode soit en hausse en ce moment – car de plus en plus de consommateurs se retrouvent à la maison, en train de parcourir les médias sociaux – ce trafic ne se transforme pas en transaction.  [•••] De nombreuses enseignes signalent que les ventes en ligne d’il y a deux semaines étaient stables par rapport à la même période l’année dernière et qu’elles ont baissé de 20 % la semaine dernière ».

Amazon

Même les ventes de vêtements sur Amazon sont en forte baisse (excepté les vêtements « d’intérieur » comme les pyjamas.

McKinsey –  Mars 2020.   – L’étude complète est à lire ici.

Selon les auteurs:

« Les données sur les ventes d’Amazon montrent que la croissance des ventes de vêtements a chuté de 40 % en moyenne entre la mi-février et la mi-mars ».

L’industrie de la mode et du textile a prouvé à maintes reprises sa capacité à se réinventer

Cependant, McKinsey se montre optimiste pour le secteur dans son ensemble (sans toutefois préjuger de l’avenir d’enseignes à titre individuel) : « L’industrie de l’habillement a prouvé à maintes reprises sa capacité à se réinventer et à s’adapter au « Ou, quoi et comment » les consommateurs achètent. Nous croyons au potentiel à long terme du secteur de la mode en Amérique du Nord ». En avançant des préconisations, pour aujourd’hui, pour le moyen et le long terme:

En complément, lire mon débriefing de la conférence eTailWest, fin février à Palm Springs, avec 12 idées pragmatiques pour rebondir rapidement. Accéder gratuitement à l’étude ici.

Priorités aujourd’hui par McKinsey

Des priorités financières et de gestion (à lire ici). Mais aussi:

  • Stocks : Passez rapidement en revue les achats de 2020, catégorie par catégorie, en prenant des décisions en fonction du caractère « mode » du vêtement (article basique vs article tendance), la quantité et la confiance dans sa capacité à plaire.
Source : McKinsey – L’étude complète est à lire ici.

 

  • Accélérer sur le digital – Augmenter les investissements, privilégier votre site web, mais aussi des initiatives  avec d’autres enseignes partenaires qui ont un volume e-commerce plus fort.
  • Revoir ses campagnes – Moins de campagnes d’image, plus d’opérations ROIstes, mesurables, qui augmentent les taux de conversion, le montant d’achat moyen par commande, le ré-achat et aussi qui, une fois les magasins ré-ouverts, augmenteront le trafic magasin.
  •  Maintenir la relation avec les consommateurs – Il est certain qu’actuellement, les consommateurs ont à l’oeil les marques et enseignes : ils célèbrent celles – et elles sont nombreuses – qui agissent en faveur de ceux qui en ont le plus besoin (les soignants, les travailleurs en “deuxième ligne” comme les caissiers et les transporteurs). Selon les auteurs “ C’est le moment de prendre la parole devant les consommateurs et de rassembler une communauté autour de votre marque”.

Actions à moyen terme par McKinsey

  • Préparer la réouverture des magasins et le trafic en magasin
  • Réévaluer ses plans Merchandising pour l’automne 2020 et le printemps 2021
  • S’appuyer sur ses clients les plus fidèles – Les auteurs rappellent la loi immuable des 20/80 (en parlant eux de 10% : « Il n’est pas rare que 10 % des consommateurs d’une marque réalisent 60 % de ses ventes, ce qui fait de l’activation de ces VIP un must ». On peut s’attendre à ce qu’il y ait une avalanche de promotions au sortir de cette crise. Il va donc falloir être créatif pour sortir du lot. McKinsey suggère:
    • Promotions ciblées
    •  Early access à de nouvelles collections en avant-première; éditions limitées
    • Invitations VIP-only
    • Et également une segmentation détaillée, entre les clients pour lesquels une promotion est un levier (d’autant que tous les clients ne sortiront pas de cette crise dans la même situation financière qu’ils y sont entrés) et les autres clients qui seront beaucoup plus sensibles à des initiatives « responsable ».

Actions de long terme par McKinsey

Les auteurs mentionnent des actions financières. Mais aussi:

Devenir vraiment omnichannel – Les auteurs estiment qu’il va y avoir un vrai tournant, amenant plus de consommateurs à acheter en ligne, et à acheter en ligne dans davantage de catégories qu’auparavant.

  • Le online doit être le centre du modèle d’exploitation
  • Nouveaux mix canaux-segments, et ré-allocation des investissements en faveur du online
  • Personnalisation online poussée, afin de pouvoir offrir la même qualité d’interactions en ligne que celle à laquelle les consommateurs sont habitués dans les magasins
  • Partenariats avec des acteurs online puissants, tout en préservant son capital de marque.

Enfin, dans ce confinement, de nouvelles habitude de consommation et de « lifestyle » sont en train de se prendre. Même si il est bien difficile de prévoir le “Next”, les auteurs avancent 3 évolutions probable:

Coté consommateur

  • All casual, all the time : En même temps que la recherche toujours plus prégnante d’un équilibre entre vie pro et vie perso, on peut s’attendre à une montée  du style vestimentaire casual, sportwear déjà existante. Du confort avant tout !
  • Une évolution de la beauté clean : « Il pourrait y avoir une évolution dans la signification du terme « clean» dans les produits de beauté et de soins personnels, car les consommateurs mettent de plus en plus l’accent sur la sécurité et la qualité des produits plutôt que sur les ingrédients bio ou entièrement naturels » selon les auteurs.

Coté supply chain (pour le marché américain):

  •  Un accent sur les chaînes d’approvisionnement flexibles, centrées sur le « made in America ». 

McKinsey n’aborde pas le Retail Alternatif (location, occasion, sustainable) qui va naturellement jouer un rôle énorme. Et si cet article vous a plu, je vous invite à lire ma dernière étude en accès gratuit : le Débriefing de la conférence eTailWest, fin février à Palm Springs, qui avance aussi des pistes.

La contributrice:

Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de Customer Insight.

A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.

Laurence est l’une des expertes retail et beautytech de FrenchWeb, vous pouvez régulièrement retrouver ses analyses, et interview sur Decode Retail. 

 

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