Ecrire pour le Web en 2018 : Quelle boîte à outils idéale ?
Par Jean-Luc Raymond, expert Transformation numérique des TPE/PME et social media
Il y eut un temps où l’écriture Web faisait le bonheur du questionnement des spécialistes et prospectivistes incarnés du Web. Cette période déjà bien lointaine où l’image ne dominait pas les espaces en ligne et les textes se glissaient aisément et invariablement au cœur des blogs. Le début des années 2000 où ce monde incertain avançait naïvement sans publicité croyant que l’expression individuelle allait dominer la planète. Il y avait la Presse en ligne d’un côté et de l’autre, cette impressionnante et vibrionnante expression qu’aucune frontière d’octets ne semblait arrêter.
L’âge d’or des blogs
On apprend alors dans les livres et dans les formations à bien écrire sur le Web, à réussir son site Web en structurant avec des mots finement choisis ses pages Web. Le graal est de se retrouver dans les listes figurant sur d’autres blogs : on découvre les écrits Web par rebond ; l’hyperlien relie vraiment les écrits.
Des médias et professionnels qui finissent par dévorer les blogs
Dès le milieu des années 2000, la révolution concomitante des systèmes de gestion de contenus (CMS) et l’arrivée des champs de commentaires a pris le pas sur cet idéalisme forcené, moment clé de la professionnalisation d’une flopée de blogs et de l’arrivée des marques comme partenaires et parrains. Ce petit monde voit l’arrivée du billet sponsorisé au coeur des écrits.
Il est de bon ton pour les médias traditionnels de s’acoquiner avec des blogueurs stars et de favoriser sur leur portail l’hébergement de ces mêmes blogs. Les contenus se structurent avec une visée communicationnelle pour impacter. Les gracieuses et belles plumes se font repérer par les groupes de Presse en mal de Web ; quelques blogs allant jusqu’à se faire racheter par des groupes médias dans l’espérance quelque peu idyllique de récupérer facilement de « nouvelles audiences ».
Voilà que la classe médiatique revient dans l’arène des ouvrages où l’écrit Web se confond avec l’histoire du traitement de l’information. En parallèle, Google est devenu pour le roi du référencement des contenus. On se doit de proposer pour bien écrire pour le Web de penser avant tout pour le moteur de recherche star. Un bon référencement naturel (ou autre), c’est si important. Les ouvrages spécialisés suivent cette tendance de fond.
Les professionnels et institutionnels se mettent aussi aux blogs : espaces dits pseudo-conversationnels pour des PDG bon teint, des politiques souhaitant évoluer dans d’autres sphères médiatiques, des marques avec leur porte… L’individualité a pris le pas sur le collectif.
Le royaume des écrits habilement captés par les marques de réseaux sociaux numériques
En 2007, à peine après avoir quitté son nid douillet, Twitter prend de court les articles (ou posts selon votre obédience webesque) pour signifier le début de la fin d’une écriture où le texte règne en maître. Ce qui importe désormais, ce sont les abonnés, les taux de partage, l’engagement. De la raison qui construit la pensée, on cherche à maîtriser les formules choc, des phrases courtes qui impactent et donc impriment, symphonisent le Web : c’est la réaction émotionnelle qui doit primer.
La plateformisation du Web est en cours : les écrits rattrapés par la déferlante MySpace puis Facebook, Pinterest et les réseaux sociaux professionnels tels LinkedIn en embuscade. Les images deviennent la porte d’entrée pour lire le texte : on retient d’abord l’image comme une invitation à consulter les mots. Drôle de monde de l’écrit où les médias sont bousculés par ces nouveaux entrants qu’on n’a pas vu venir : en possédant la plate-forme, la captation de l’audience et de l’attention est inévitable.
Dans les livres et les formations au Web, la stratégie de contenus devient alors l’angle de prédilection des experts : le bon contenu, au bon endroit et au bon moment pour la bonne cible tout en imaginant que l’impact de la présence de la marque sur les réseaux sociaux va générer un apport de clients conséquents aisément fidélisables.
Chacun est un média Moi
Au début des années 2010, la massification de la possession de mobiles est synonyme de la consécration des smartphones à base de systèmes d’exploitation inédits (Android et iOS). On renverse de plein fouet le marché des contenus : concevoir pour le mobile, agréger des données (mais qu’en faire alors ?), réapprendre à réécrire de A à Z et s’attacher au design utilisateur et d’interface est plus que jamais d’actualité. Aussi, la vidéo YouTubesque gagne le Web avec ses idoles inventant un format, un style et des débouchés pécuniers auparavant difficilement imaginables. Le média est Moi et Moi est le média ; impossible à dissocier.
Dans les opus, le référencement mobile devient essentiel. Obéir à la loi de la vidéo sur le marché et saisir les opportunités des textes dans les images font le bonheur des libraires en mal de livres pratiques.
Le marketing digital s’empare de l’écriture Web
Dès 2011, l’éditorial et les belles images et histoires obtiennent leur revanche. Tout d’abord avec l’avènement du content marketing via l’inbound marketing (« venez à nous chers prospects via nos écrits en ligne qui sont élaborés spécialement pour vos besoins »). On « tracke », trace et on mesure. On ordonne et on organise des entonnoirs de conversion où le client choyé se retrouve là pour être mis en confiance et acheter. L’E-commerce comprend que la présentation du produit se manifeste aussi par de textes épris de sens.
Désormais, l’expérience utilisateur et client prévaut. Elle doit faire la différence et le marketing de contenu s’exprime au sein de livres et de formations où image, notoriété, conquête et fidélisation composent la salade parfaite de la génération de prospects et d’acheteurs. Car la vente est passée par là sans mots dire.
Contez-moi des stories et échangez avec moi
Mais la communication n’a pas rendu l’âme. Ces 3 dernière années, le « il était une fois » est revu et corrigé façon stories. Snapchat a lancé le concept. Instagram est rentré dans la danse puis WhatsApp et Messenger. Il se susurre que Twitter se lancerait bientôt dans le bain de la « story ». Contez, racontez… Ce « storytelling » du quotidien n’a jamais été autant pluri-média. Il va jusqu’à s’exporter sur les sites Web façon séquences YouTube intégrables au cœur des articles. Des marques média réinventent ce genre quand d’autres introduisent la vidéo sans son, des zappings de l’actualité, des micro-infos à base de titrages à tout va.
Les balbutiements des agents conversationnels (ou chatbots dans la langue de Shakespeare) cherchent à réintroduire la relation de pair à pair dans les phrases échangées ou au sein des messageries WhatsApp et Messenger comme supports médiatiques.
Le brand content mange inexorablement la publicité via le native advertising. La publi-information en ligne pourrait ainsi représentée plus de la moitié du total de la publicité en ligne d’ici à 2020, selon Enders Analysis. La même étude évalue ce marché à 2,1 milliards d’EUR ce qui fait saliver les médias créant leurs propres studios face à des agences de communication et de publicité vieillissantes et en perte de vitesse.
Les livres et les formations vous le déclament à tout va : on doit apprendre à transformer les marques en médias et le brand content se manifeste au cœur de la stratégie de communication.
Alors, comment aujourd’hui se glisser dans l’écriture texte Web protéiforme et ne pas se noyer dans une offre aussi diffuse qu’abondante de solutions, choix qui se placent dans le haut du pavé et qui ne connaissent une date de péremption quasi-immédiate ?
A la recherche de la boîte à outils idéale de l’écriture Web en 2018
A côté des consultants réputés du genre de l’éditorial en ligne que sont Jean-Marc Hardy, Isabelle Canivet, Muriel Vandermeulen ou encore Sébastien Bailly, peu de noms émergent nouvellement dans ce champ d’expertise. J’en retiendrai cependant un : Muriel Gani qui propose un des rares ouvrages très réussi sur la thématique : « La boîte à outils : Ecrire pour le Web » (aux Editions Dunod, 2018).
Préfacé par Elie Sloïm, référence de la qualité Web, on reconnaît comme qualité de l’ouvrage de Muriel Gani de répondre à la pluralité de l’approche médiatique textuelle qui concourt de nos jours : des scénarios de lecture aux formats Web spécifiques (fiche produit, FAQ, blog, newsletter, dossier…) en passant par le bonheur d’écrire en ligne avec style (l’essentiel, la concision, les phrases courtes, la variété…) ou encore avec une approche tactique de l’écriture pour les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, hashtags…).
On retiendra de ces 57 outils présentés sous forme de fiches pratiques, les possibilités composites de l’art de l’écriture Web en 2018. Ce n’est plus d’un genre unique dont il s’agit mais de petits pas partagés avec des conseils méthodologiques et stratégiques judicieux glissés jusqu’au creux de la pliure de la reliure du livre.
Malin, aussi, cette obsession pour les détails qu’opère l’auteur de l’ouvrage car ce sont dans les moindres trucs avisés que se fait la différence d’une capacité de lecture en ligne attentive des publics :
- Plus un titre d’article est court, plus il percute : 5 à 7 mots idéalement,
- Occupant une place précieuse et disputée sur la page d’accueil du site ou de la rubrique, l’accroche d’un article se doit d’être brève : 25 mots maximum, souvent moins,
- Pour des contenus d’un billet grand public, visez une moyenne de 12/15 mots par phrase. Quant à la limite maximum, ne dépassez 20 mots que pour des rares exceptions,
- Porte d’entrée vers le contenu, chaque intertitre doit refléter le(s) paragraphe(s) suivant(s) et ils seront d’autant plus aisés à survoler et percutants qu’ils sont courts.
- Sur Facebook : jouez la connivence et personnifiez vos messages : « on piaffe d’impatience » avant un évènement marquant, « Que d’émotions! » après un prix remporté, « On adore, pas vous ? » etc. Humanisez votre entreprise en montrant les coulisses, le making of, voire vos péripéties,
- Sur Twitter : convoquez ces quelques basiques : choisissez le bon angle, écrivez en fonction de l’image, jouez sur la proximité temporelle, concentrez-vous sur les faits, placez l’essentiel d’abord, trouvez le mot juste, rythmez vos tweets…
- Pour choisir un bon hashtag : simple pour être mémorisé rapidement, court pour éviter de prendre trop de place, ciblé mais utilisé par d’autres pour accroître ses chances d’être repéré lorsqu’il s’agit d’un thème ou qualificatif générique. Restreindre l’utilisation des hashtags à 1 ou 2 par tweet,
- Pour choisir des emojis dans un message de réseau social : observez les usages dans les univers proches du vôtre ; ceux-ci doivent être signifiants, pertinents et cohérents avec votre message ; faites réagir vos collègues pour vous assurer que le message sera bien compris et reçu.
Ecrire pour le Web dans l’avenir : 5 pistes à observer attentivement
Les prochains challenges de l’écriture Web pour toucher les publics se situent sur plusieurs plans comme des listes à puces de bonnes intentions qu’il faudra surveiller de près et pourquoi pas apprivoiser (tel le Petit Prince ?) :
- Le contenu personnalisé : utiliser les données pour générer du contenu que l’on consulte et auquel on adhère vraiment. On attend beaucoup (trop ?) des intelligences artificielles sur ce plan.
- La recherche vocale signifie-t-elle la fin des moteurs de recherche traditionnels ? Evolue-t-on vers un Web de questions à solutionner par une réponse immédiate ? Les plateformes en rêvent mais le consommateur le désire-t-il vraiment ?
- La réalité augmentée décollera-t-elle vraiment pour de nouveaux types de contenus engageants et une écriture Web renouvelée ?
- Quid de la juxtaposition de la popularité de la marque média, des soi-disant influenceurs-commentateurs et des médias en ligne/hors ligne dans ce paradigme à un moment où les frontières des métiers de contenus se brouillent ?
- Et l’expérience utilisateur dans tout cela : sans doute, devons-nous porter davantage notre curiosité d’esprit vers les nouveaux formats d’écriture, sans ornières.
Vaste chantier. Rendez-vous au prochain épisode. Page suivante!
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Le contributeur :
Jean-Luc Raymond est Social Media Manager Senior. Il conseille des grandes entreprises, institutions et organisations non gouvernementales sur leur stratégie de présence en ligne. Il traite des tendances numériques professionnelles et d’usages sur son blog.
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