Est-ce « complexe » ou « compliqué » ?
Par Aude Sibuet, contributrice FrenchWeb
« Apprendre à s’adapter en permanence ». Voilà le mantra de toute organisation aujourd’hui. Mais s’adapter à quoi ? A l’environnement changeant. Cet environnement changeant, justement, parlons-en. En quoi consiste-t-il ?
Le paradigme « Prévoir et contrôler » est le plus répandu dans les entreprises
Pour définir l’environnement, les consultants et même les journalistes recourent à l’acronyme anglais VUCA : « volatile, uncertain, complex and ambiguous« , initié par l’armée américaine dans les années 90. Un terme militaire dans le champ lexical de l’entreprise, voilà un réflexe courant, surtout en marketing. Nous sommes rompus à parler de « cibles », « d’alignement des équipes » par rapport à « l’objectif stratégique », d' »objectifs opérationnels », etc.
Pour décrire l’environnement changeant, les références politiques peuvent aussi être riches d’enseignements.
« En politique, il faut être capable de prédire ce qui se passera demain, la semaine d’après, le mois d’après et l’année d’après. Et il faut ensuite surtout être capable d’expliquer pourquoi ça ne s’est pas passé comme prévu.» Winston Churchill
Comme l’a mis en valeur Frédéric Laloux* dans son ouvrage « Reinventing Organizations », il est vain de croire que « le futur est une reproduction du passé ». Aux organisations, donc, de devenir de plus en plus agiles pour y faire face. Et d’abandonner leur paradigme « Prévoir et contrôler » au profit de celui de « Sentir et répondre ».
Diriger une entreprise, c’est un peu comme conduire une bicyclette.
L’auteur propose une métaphore et une alternative aux organisations de type orange* qui ont tendance à perdre beaucoup de temps en demandant à leurs cadres et à leurs commerciaux reportings sur reportings. « Au lieu de calculer l’angle idéal, le cycliste pédale et ne cesse de corriger sa trajectoire en temps réel, jusqu’à ce qu’il arrive à destination ». C’est ce que font les organisations opales*, à l’instar des commerciaux FAVI qui n’avaient pas d’objectifs de ventes fixés par la direction.
Morceaux choisis de « Reinventing Organizations ».
Le paradigme « Sentir et répondre », gage d’itérations et de succès pérenne
Du complexe au compliqué : la métaphore de Jean-François Zobrist
L’auteur rapporte que Jean-François Zobrist, ancien patron de FAVI aujourd’hui à la retraite, utilise des analogies pour expliquer la différence entre ce qui est « complexe » et ce qui est « compliqué ». L’Airbus A380 est un système « compliqué ». Il est composé de millions de pièces qui doivent fonctionner ensemble sans accroc. Tout est sur plans. Si l’on change une pièce, on est normalement en capacité de prévoir toutes les conséquences qui peuvent en découler.
Une assiette de spaghetti est un système complexe. Même si elle se compose de quelques dizaines de pâtes, il est vraisemblablement impossible de prédire ce qu’il se passera si l’on tire sur l’une d’entre elle !
Nous sommes aujourd’hui dans des systèmes complexes. Prédire ce qu’il va se passer pour en déduire la meilleure décision à prendre n’a pas de sens. Cette recherche du sentiment de maîtrise et de perfection est illusoire et une perte de temps. Les entreprises opales, qui fonctionnent avec des petites équipes autonomes et connectées, ont compris que pour faire face aux systèmes complexes, « Done is better than perfect« .
L’idée n’est pas de trouver la meilleure décision possible mais une solution réaliste, qui puisse être mise en oeuvre rapidement.
Les points de vigilance au mode de décision opale et réaliste.
1/ Quand une donnée nouvelle apparaît, la décision est revue et améliorée.
2/ On ne retarde pas une décision sous prétexte qu’un membre de l’équipe pense qu’avec plus de données ou plus d’analyse, on peut arriver à une meilleure décision. Rien n’est ancré dans le marbre. En cas de nouvel élément, la décision peut être revue et améliorée (cf. 1/).
Pour conclure, pensez à la métaphore du vélo et testez-la à votre échelle. Vous devriez vous sentir davantage en sécurité si vous renoncez à l’illusion de toute-puissance que donne la prévision de l’avenir. Et si, avec vos équipes, vous apprenez à vous adapter au jour le jour à la réalité, qu’elle soit complexe ou compliquée.
La contributrice:
Aude Sibuet est Culture Manager. Son expertise est à la croisée de trois domaines: communication corporate, change management et social selling. Elle est spécialisée dans l’accompagnement de la transformation culturelle des entreprises, notamment managériale.