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Et si demain Google ne servait plus à rien pour les éditeurs ?

Pendant deux décennies, Google a incarné la promesse d’un web structuré : un moteur de recherche, des millions de créateurs, un échange implicite. Produisez du contenu utile, et Google vous enverra du trafic. Cette mécanique a alimenté des milliers de blogs, médias indépendants et PME éditoriales. Mais depuis l’arrivée des résumés générés par intelligence artificielle, appelés AI Overviews, la promesse s’effrite. Et pour certains, elle s’effondre.

Un modèle à bout de souffle

Depuis mars 2024, des éditeurs de niche comme Charleston Crafted ou The Planet D ont vu leur trafic chuter de 70 à 90 %. Leurs revenus publicitaires se sont effondrés, leurs équipes réduites, et certains ont cessé toute activité. En cause, une révolution discrète mais brutale : Google extrait désormais l’essentiel de leur contenu pour répondre directement à l’internaute, sans nécessiter de clic. L’utilisateur est satisfait ; le créateur, oublié.

Ce changement ne relève pas d’un simple ajustement algorithmique. Il traduit un basculement de modèle. Google n’est plus un vecteur d’audience. Il devient un guichet d’information à guichets fermés. Pour l’utilisateur, le gain de temps est réel. Pour l’éditeur, le lien avec son public est rompu.

Le clic devient optionnel, puis accessoire

Les données de Similarweb et Semrush confirment une tendance massive : les impressions restent stables, mais les clics dégringolent. L’internaute lit la réponse synthétique en haut de page, puis repart. La page visitée n’a plus de valeur transactionnelle. Le contenu existe sans générer de revenu. Ce qui a longtemps été l’unité de mesure de la rentabilité éditoriale — le clic — est désactivé.

Les résumés IA ne sont pas seuls en cause. Google revalorise également les contenus issus de forums comme Reddit ou Quora, jugés plus “authentiques”. Ce rééquilibrage se fait au détriment des sites spécialisés, y compris ceux qui respectent scrupuleusement les consignes de Google sur l’expertise (EEAT).

Un web sans éditeurs est-il tenable ?

L’enjeu dépasse la seule économie des créateurs. Si les sites indépendants ferment les uns après les autres, Google appauvrit sa propre matière première. Car l’IA ne génère rien : elle synthétise ce qu’elle trouve. Or, à force de siphonner les contenus sans redistribution équitable, Google érode les sources qui nourrissent ses réponses.

Certains scénarios se dessinent : concentration des contenus sur quelques plateformes propriétaires (YouTube, Wikipedia, TripAdvisor), explosion des contenus automatisés à faible valeur, standardisation des réponses. La diversité éditoriale, qui faisait la richesse du web, se réduit.

La dépendance à un acteur unique

Google n’est pas seul en cause. La situation rappelle les crises successives que les éditeurs ont connues avec Facebook, Amazon ou TikTok. À chaque fois, l’intermédiaire devient un point d’entrée incontournable, puis modifie les règles du jeu. Mais Google conserve un rôle particulier : il se présente comme l’index du web. Si l’index cesse d’envoyer des lecteurs, alors il devient un extracteur de valeur, non un distributeur.

L’absence de transparence aggrave le déséquilibre. Les éditeurs ne savent pas quand leur contenu est utilisé, ni dans quelles conditions. Aucune compensation n’est prévue. Aucune garantie de visibilité n’est donnée. Le moteur est opaque, l’impact, brutal.

Et après ?

Pour les éditeurs, la conclusion est claire : Google n’est plus une stratégie de croissance. Au mieux, c’est un canal secondaire. Au pire, une dépendance toxique. Certains testent d’autres canaux : newsletter, YouTube, Discord, applications propriétaires. D’autres négocient collectivement, comme le fait Raptive avec ses 5 700 créateurs. Mais le rééquilibrage est incertain.

Si Google poursuit sa trajectoire, il pourrait devenir une plateforme d’information sans éditeurs, ou presque. Une IA qui récite des fragments d’un web déserté, où les voix humaines se seront tues faute de lecteurs. Le risque n’est plus hypothétique. Il est en cours.

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