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Et si on arrêtait de dire « chez nous on fait confiance à nos collaborateurs »

Par Jean-Louis Benard, expert FrenchWeb

Les millennials veulent qu’on leur fasse confiance. C’est probablement en lisant des études consacrées au sujet que bon nombre de départements RH ont fait évoluer leur message marque employeur : « Chez nous on fait confiance à nos collaborateurs » pour faire court.

La confiance serait donc une espèce de cadeau de bienvenue que « ON » distribuerait aux gens à leur arrivée dans l’entreprise. Sérieusement ? Pour moi la confiance est à peu près tout sauf cela.

D’abord parce qu’il ne peut y avoir de « ON ». La confiance est par essence intuitu personae. Une personne a confiance en une autre. Et peu importe le lien hiérarchique d’ailleurs, c’est ça la magie de la confiance. Elle concerne autant la confiance d’un manager dans un collaborateur que celle d’un collaborateur envers son manager ou un membre d’équipe.

Ensuite parce que la confiance ne se donne pas. Elle s’acquiert, elle se gagne, c’est ce qui la rend si noble. La confiance n’est pas une monnaie de pacotille. Il y a près de 30 ans, mon responsable de stage à la Sligos me répétait : la confiance, c’est quand tu dois partir précipitamment suite à un drame et que tu dois confier tes enfants à quelqu’un pendant ce temps-là ; en qui as-tu confiance ?

Charles H. Green, le guru du sujet, aime à définir la confiance comme une équation, qui à mon avis résume assez bien les paramètres en jeu :

La crédibilité, c’est ce que vous racontez. C’est aussi sous-tendu par votre histoire, vos références, votre « track record », ce qu’on dit de vous, votre réputation. Tout cela fait que vous êtes crédible ou non quand vous dites quelque chose.

La fiabilité, ce sont vos actes. Vous dites ce que faites, vous faites ce que vous dites, ou pas. On peut compter sur vous, ou pas.

La proximité est simple à appréhender : vous ne confieriez pas vos enfants à quelqu’un que vous ne connaissez pas, même s’il a bonne réputation. C’est pour cela qu’il ne peut y avoir de « On » dans la confiance. C’est le fait d’avoir une proximité avec la personne qui vous aide à avoir confiance en elle.

L’orientation sur soi-même : est ce que vous donnez le sentiment d’agir dans votre intérêt personnel, ou dans celui des autres.

Voilà, c’est tout simple, et si vous l’appliquez aux gens en qui vous avez confiance – ou pas, vous verrez immédiatement que ces quatre paramètres combinés ont abouti à construire votre avis sur la personne.

La confiance n’aurait donc rien à voir avec celui qui la donne, mais bien tout à voir avec celui qui doit la gagner. Pourtant, me direz-vous, certains ne font confiance à personne ; il y a donc bien une partie dans les mains de l’autre, celui dont on doit gagner la confiance. Ce n’est pas faux. C’est le seuil de tolérance que chacun applique par rapport à ces paramètres qui joue un rôle important. Certains mettent la barre très haut, trop haut, et ne font confiance à personne ; d’autres la mettent trop bas. Mais dans tous les cas, c’est par son histoire personnelle et ses actes qu’on acquiert la confiance de quelqu’un, quelque soit le niveau de la barre de l’autre.

La bonne nouvelle est que si vous êtes faible sur un paramètre, vous pouvez compenser avec les autres. Vous êtes jeune avec un track record court ? Soyez fiable. La fiabilité est pour moi le paramètre le plus important. Dites ce que vous allez faire, faites ce que vous avez dit. Montrez aussi que vous avez le souci de l’autre, pris comme un individu unique.

J’ai la chance de travailler avec des gens formidables, pour certains depuis plus de 20 ans. Nous nous faisons confiance, parfois même sans se synchroniser. Mais cette confiance ne s’est pas donnée. Chacun l’a gagné par son comportement, ses actes, peu à peu. Et surtout chacun continue d’y travailler, car, comme aimait à le dire Jean-Paul Sartre, la confiance se gagne en gouttes et se perd en litres.

L’expert:

Jean-Louis Bénard est co-fondateur et CEO de Sociabble, une plateforme utilisée dans plus de 80 pays, qui permet aux entreprises de bien informer et d’engager les collaborateurs, pour qu’ils deviennent des ambassadeurs. Il est également Chairman de Brainsonic, une agence qu’il a fondée en 2003. Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont Extreme Programming (Eyrolles), il est par ailleurs investisseur dans plusieurs startups françaises.

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