Et si on laissait les entrepreneurs travailler pendant les vacances ?
Par Jean-Louis Benard, expert FrenchWeb
Les congés arrivent et avec eux la litanie des bons conseils à destination des entrepreneurs: il faut lâcher prise, ne pas emmener son PC, couper son téléphone. Le droit à la déconnexion devient un devoir: Il faut montrer l’exemple. Pour enfoncer le clou on exhibe les entrepreneurs à succès qui, non contents de créer des licornes, de sauver le monde, partent en vacances se ressourcer, faire l’ascension de l’Himalaya ou passer des vacances qui font «tellement» sens.
Vous faites partie des entrepreneurs qui vont emmener leur bureau mobile, qui vérifient s’il y aura du wifi, qui passent un appel important dans la voiture pendant que les enfants jouent autour ? Malheur à vous. Il y aura toujours quelqu’un qui vous veut du bien pour vous dire «Tu sais, tu devrais apprendre à déléguer».
Et si on arrêtait ? Si on arrêtait de demander aux entrepreneurs d’être le Monsieur Parfait qui plonge la plupart d’entre eux dans cette terrible peur de l’insignifiance ? Si on changeait de perspective ?
La grande majorité des petites entreprises n’ont pas les moyens d’investir dans du middle management expérimenté. C’est le chef d’entreprise qui joue ce rôle, tout en étant sur le terrain, à vendre ou à produire. Pour beaucoup, les vacances sont l’occasion de faire de l’administratif qu’ils n’ont jamais eu le temps de faire. De rattraper le retard. D’endosser le rôle de ceux qui partent en congés. Au mieux de lever un peu le nez du guidon pour réfléchir aux axes de développement. D’accord ce ne sont peut-être pas les rois du «growth hacking», mais ils font tourner la boutique. Les bons conseils de ceux qui lèvent des millions pour ensuite dérouler la bonne histoire avec le bon management les épuisent. Tout comme les conseils des consultants qui n’ont jamais été à leur place.
Partir en congés quand vous avez un gros problème dans votre entreprise, c’est un peu comme partir en vacances alors que vous avez une grosse fuite d’eau dans votre appartement. Il est rare que vous vous disiez : on verra bien dans quel état je retrouverai l’appartement, attendons la fin des vacances.
Laissons les entrepreneurs tranquilles. Arrêtons de les culpabiliser avec ces «bons conseils». Ne les amenons pas à se cacher pour travailler, de peur de passer pour des incompétents. Ou même à carrément annuler leurs congés.
Car des compromis sont possibles. L’entrepreneur peut convenir avec ses proches de quelques règles du jeu : définir des «créneaux» de travail qui laissent de la place à des moments consacrés à la famille, à la détente ou au sport; respecter un quota de sommeil ; respecter les repas ; demander à ses collaborateurs de grouper les demandes journalières urgentes. Etc. Ces règles sont compatibles avec la plupart des situations, y compris des gestions de crise. En définissant un cadre accepté par tous, famille, amis et collaborateurs, l’entrepreneur déculpabilise. Encouragé, Il est plus serein, à la fois pour travailler mais surtout pour profiter de sa famille ou de ses loisirs lorsqu’il ne travaille pas. Ce n’est pas parfait, mais c’est déjà un bon compromis.
L’expert:
Jean-Louis Bénard est co-fondateur et CEO de Sociabble, une plateforme utilisée dans plus de 80 pays, qui permet aux entreprises de bien informer et d’engager les collaborateurs, pour qu’ils deviennent des ambassadeurs. Il est également Chairman de Brainsonic, une agence qu’il a fondée en 2003. Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages dont Extreme Programming (Eyrolles), il est par ailleurs investisseur dans plusieurs startups françaises.
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J’adore ! Salarié ou entrepreneur, que chacun soit libre de trouver l’organisation qui lui convient !
Triste vision des choses. C’est sans compter sur les immenses bienfaits pour les collaborateurs de se sentir investi de la responsabilité et la « pression » pendant qqs temps. Je l’ai vécu des 2 côtés et en ai toujours tiré de grands bénéfices, comparés aux petites déconvenues. Evidement il faut avoir une bonne capacité de projection pour aplanir le terrain avant le départ. Entre le jeu du « sauvez votre emploi si je disparaît » et le « surprenez moi pendant mon absence » on obtient quasiment toujours des résultats inattendus qui ouvrent des pistes pour l’année à venir.
Et puis c’est finalement une finalité en soi et une preuve de maturité comme entrepreneur que de pouvoir « vivre » sans dépendance au travail pendant un temps, sans parler du respect envers la famille ou les proches, sans parler des bienfaits sur la santé (il est de plus en plus démontré que le cerveau relâche la pression du stress de fond qu’après plusieurs jours de cassure totale avec les inputs habituels – permettant de reconstruire ce que ce stress oxidatif, même « positif » malmène dans notre cerveau durant de nombreuses années).