Etats-Unis: les technologies de Palantir utilisées pour des opérations d’expulsion
En décembre 2018, un porte-parole de Palantir, géant californien de l’analyse et de la science des données financé par la CIA, assurait au New York Times que l’entreprise ne travaillait pas pour la division « Enforcement and removal operations » (ERO) de l’Immigration and customs enforcement (ICE), agence chargée de l’immigration et des douanes aux Etats-Unis. L’ERO est la branche de l’organisme strictement dédiée aux expulsions et à l’application des lois américaines sur l’immigration. Palantir affirmait travailler seulement, dans le cadre d’un contrat à 38 millions de dollars, pour la branche de l’ICE « Homeland security investigations » (HSI), chargée des enquêtes criminelles transfrontalières, et non dans le cadre d’opérations d’expulsions.
La plateforme de Palantir « Investigative Case Management » en cause
Mais un document du département de la Sécurité intérieure, obtenu par le groupe de défense des droits des immigrés Mijente et relayé par The Intercept, contredit cette affirmation. Intitulé « Unaccompanied alien children human smuggling disruption initiative », il montre que des agents de la division ERO ont utilisé des technologies de Palantir dans le cadre d’une opération de mai 2017 dédiée à l’expulsion d’immigrés clandestins. Il s’agissait d’une opération collective entre l’ERO et la HSO.
Dans ce cadre, les agents ont pu dresser les profils d’enfants de familles immigrées pour l’arrestation et le jugement de leurs parents ou proches arrivés sur le territoire américain. Concrètement, lorsqu’un agent arrêtait un mineur, il consignait son arrivée dans un système appelé « Investigative Case Management » (ICM). Il s’agit d’une plateforme de gestion et de suivi de données développée par Palantir, à l’initative, justement, de l’ICE.
La Tech américaine face à la critique
Fondé par Peter Thiel, également cofondateur de PayPal et soutien de Donald Trump, Palantir a déjà travaillé avec des organismes fédéraux. Mais son implication dans des opérations d’expulsions d’immigrés clandestins intervient dans une période où les grands groupes de la Tech américaine font face à la critique du public quant à leurs rapports avec les organismes fédéraux. En janvier dernier, des actionnaires d’Amazon avaient par exemple réclamé l’arrêt de la vente de sa technologie de reconnaissance faciale Rekognition à des instances gouvernementales. A noter toutefois qu’Amazon pourrait remporter le méga-contrat cloud du Pentagone face à Microsoft. En octobre 2018, Google, un autre candidat majeur au contrat, avait renoncé à la course, indiquant qu’il pourrait être en contradiction avec ses « principes » en matière d’intelligence artificielle.
Basé à Palo Alto, Palantir a levé depuis sa création en 2004 un total de 2 milliards de dollars, dont un investissement en 2005 de In-Q-Tel (ex-Peleus), fonds américain créé et géré par la CIA. Récemment, le géant des logiciels a remporté la refonte du système de renseignement de l’armée américaine pour 800 millions de dollars. L’entreprise prévoit d’entrer en Bourse en 2019. Selon le Wall Street Journal en octobre 2018, sa valorisation pourrait atteindre près de 40 milliards de dollars, soit le double de sa dernière valorisation connue de 20 milliards de dollars en 2015.
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