Faut-il avoir peur de l’off shore ? par Arnaud Dassier
La réalisation de développements de sites ou d’applications web et mobiles se généralise. Cette solution, lorsqu’elle est bien maitrisée, apporte en effet une réponse efficace aux contraintes que subissent les agences interactives.
Une réponse efficace aux contraintes des agences
Pénurie de développeurs, pression sur les prix, exigence de réactivité et donc de souplesse de gestion du planning… beaucoup d’éléments poussent les agences à sous-traiter une partie de leur développements techniques. Et ce d’autant plus que la réalisation technique est devenu un pré-requis, ou ne réside pas la valeur ajoutée de l’agence. Par contre, le développement technique est souvent bien rémunéré, contrairement à d’autres postes (conseil, création, conduite de projet…) du fait de son « opacité » relative pour le client final. Mais, à l’inverse, il représente aussi un risque de dérapage car un développement technique mal estimé et maitrisé, qui s’étire en longueur, peut représenter une perte importante de rentabilité pour un projet.
L’off shore représente à cet égard une solution idéale pour sécuriser et renforcer la rentabilité d’une opération web, dans sa globalité. C’est-à-dire que la profitabilité issue du recours à l’off shore permettra parfois de compenser les pertes faites sur d’autres postes. Il en résulte que les agences interactives qui recourent à l’off shore de manière efficace peuvent dégager 5 à 10 points de rentabilité supplémentaire.
Les conditions du succès
Néanmoins, cette rentabilité n’est pas automatique. Elle exige de gérer le projet « off shorisé » de manière efficiente. Les risques principaux sont les suivants :
- La qualité du prestataire off shore
- La compétence du chef de projet de l’agence
Il convient de vérifier certains points au moment du choix d’un prestataire off shore :
L’équipe de développeurs doit être dirigée par un management technique français, sur place, à plein temps.
Le niveau d’exigence qualité et la communication l’exigent. Ecartez les prestataires qui ne vous offrent pas cette sécurité.
Les chefs de projet du prestataire doivent être francophones.
La réalisation d’un projet off shore est une affaire de conduite de projet et donc de communication. Il est utopique de penser qu’il est possible de conduire un projet de manière optimum entre des interlocuteurs qui ne partagent pas la même langue, voire la même culture. Les sociétés qui confient leurs projets à des sociétés indiennes ou chinoises, sans y déléguer sur place leurs propres collaborateurs, prennent à cet égard des risques importants dans l’espoir d’économiser quelques dizaines de dollars jour homme. Je n’ai que rarement entendu parler d’expériences réussies en la matière.
Le choix du continent et du pays est important. Il doit remplir les conditions suivantes :
- Proximité culturelle, civilisation démocratique et ouverte favorisant l’esprit critique
- Décalage de créneau horaire limité
- Existence d’un grand marché local formateur
- Culture scientifique et formations techniques nombreuses et de qualité
Partager avec son prestataire une culture et un créneau horaire sont des facteurs de succès importants. Surtout pour les projets ou le facteur culturel est important, comme les opérations de marketing on line, afin de bénéficier d’une meilleure communication mutuelle.
Un décalage d’une ou deux heures représente un véritable avantage dans l’organisation du travail. Au delà, cela peut s’avérer problématique, surtout pour les projets web qui sont souvent conduits en flux tendu.
Un pays démocratique offrira également un environnement psychologique favorable à l’esprit critique, essentiel pour que les développeurs progressent en exerçant spontanément l’autocritique de leur travail.
On préférera un grand pays, ou il existe un marché internet local viable, de manière à renforcer les chances d’y trouver des développeurs nombreux et expérimentés, ayant déjà travaillé pour des prestataires locaux. Enfin il faut privilégier les pays bénéficiant d’une forte culture scientifique et de nombreuses écoles et formations de qualité. Et bien sur, des conditions de compétitivité attractives.
Pour toutes ces raisons, après une première expérience de plus de 3 ans dans le Maghreb, mon choix s’est porté finalement sur l’Ukraine qui représentait le meilleur mix de toutes ces conditions.
L’inanité de l’argument moral
Quand nous avons commencé à démarcher les agences pour notre société de développement off shore en 2003, certains interlocuteurs nous ont opposé le souci de ne pas enlever du travail à leurs collègues français. Outre qu’il n’y a évidemment aucun chômage parmi les ingénieurs, car la France n’en forme pas assez, ce raisonnement revient à interdire les pays émergents de développer leur secteur informatique, car le marché local n’y suffit généralement pas. Pour moi, c’est du nationalisme/protectionnisme qui revient à condamner les pays émergents à des travaux à faible valeur ajoutée (tourisme, agriculture, industrie de base…). Ce n’est pas comme cela qu’ils pourront nous acheter nos produits de luxe ou technologiques. L’échange est toujours positif comme l’a expliqué Pareto dès le XVIIIème siècle.
La conduite de projet est la clé du succès d’un projet d’outsourcing
J’entends parfois certaines agences se plaindre d’avoir vécu de mauvaises expériences en matière d’off shore. En général, elles ont tenté le coup dans de mauvaises conditions et se sont évidemment plantées. Un projet insuffisamment spécifié, et confié tardivement à un prestataire incompétent et sous payé, et encadré par un chef de projet junior, a conduit à une expérience pénible, trop chronophage, en retard et d’une qualité douteuse en terme de finition du front office et de qualité des développements. L’économie réalisée sur le développement a été partiellement dévorée par le temps passé sur la conduite de projet et la reprise du livrable.
Quand on recourt à l’outsourcing, l’enjeu essentiel n’est pas de réduire le coût au maximum, mais de trouver un bon équilibre entre le coût et la qualité du travail fourni par le prestataire. Un prestataire plus cher sera souvent celui qui a les processus les plus aboutis, qui a le plus investi pour embaucher les meilleurs développeurs, les former, et les encadrer. Rien n’est plus économique qu’un projet qui se déroule sans accrocs majeurs et permet au chef de projet de consacrer son temps à des tâches à plus forte valeur ajoutée que le débuguage.
Pour qu’un projet outsourcé soit un succès, 3 recommandations essentielles :
- S’engager dans une relation durable avec un prestataire unique avec lequel on apprendra à travailler, quitte à passer à terme dans une relation de régie, avec des équipes dédiées à l’agence.
- Confier les projets off shore non pas aux chefs de projet séniors, et non aux juniors.
Un projet off shore requiert une certaine « excellence » en termes de conduite de projet qui n’est généralement pas l’apanage de juniors qui manquent d’expérience et de maitrise. Les juniors auront trop souvent tendance à ne pas spécifier suffisamment les projets, à ne pas encadrer correctement les prestataires, à se noyer dans un verre d’eau et à rejeter leurs responsabilités sur le prestataire en cas de difficultés.
Ne pas envoyer que les projets « impossibles » en off shore. Un projet impossible, sous vendu, ou aux délais intenables, reste un projet impossible. L’off shore n’est pas une solution miracle pour gagner de l’argent sur des projets pourris. La meilleure solution reste de ne pas accepter ce type de projets. Il est dommage de se fermer les bénéfices potentiels de l’off shore en grillant son prestataire de cette manière.
Quels projets confier à l’off shore ?
La taille n’est pas un critère pertinent. Il est tout aussi intéressant de confier à son prestataire off shore des projets petits ou grands, des réalisations ou de la maintenance. Si le prestataire est performant, et si la conduite de projet est bien faite, ce sera un succès. Un projet mal défini et mal encadré échouera de la même manière s’il est développé en France. Je n’ai jamais noté de différences majeures dans l’expérience du projet, entre le travail off shore, lorsqu’il est confié à une équipe compétente, et le travail avec un sous–traitant français.
Faire appel à un prestataire off shore pour des développements sur des technologies matures a du sens (CMS Drupal, WordPress, .net, etc…). Les technologies internet sont de plus en plus diverses. Un prestataire off shore doit occuper sa place spécifique dans la palette de compétences dont l’agence dispose, à côté de son équipe de développement interne qui pourra ainsi mieux se consacrer à certaines technologies récentes ou pointues.
En résumé
Après 7 ans d’expérience de projets off shore, j’ai accumulé beaucoup d’expériences, jusqu’à aider des agences à mettre en place leurs propres équipes. L’outsourcing s’est beaucoup développé sous l’effet de la croissance du marché web d’une part, mais aussi de la compression croissante sur les budgets du fait de la crise d’autre part. En la matière, le succès est garanti si les partenaires s’engagent avec le sérieux et la compétence que nécessite n’importe quel projet. C’est alors pour l’agence un gage de souplesse, de réactivité et de profitabilité très appréciable.
Hypernaut est une agence de développement spécialisée dans les projets Internet open source (PHP MySQL…), les CMS Drupal et wordpress, entre autres… Les développeurs ukrainiens issus des meilleures écoles de Kiev, sont encadrés par des chefs de projet francophones et un Directeur technique français, ingénieur diplômé de l’EPITA, et ayant plus de 10 ans d’expérience dans le secteur web (Studio Grolier, Cythère-Nurun, Numéricable…). Hypernaut a travaillé depuis 2006 pour plusieurs agences françaises sur de nombreux projets grands comptes ou start up.
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