En fin ou début de chaque année, je m’interroge habituellement de manière distanciée sur ces exercices, souvent vains, consistant à tenter de prédire ce qui va se passer dans les 12 mois qui viennent. Les prédictions ont été encore plus à côté de la plaque que d’habitude en 2020.
Rares sont ceux qui avaient imaginé comment le Covid-19 allait bouleverser l’année, chambouler notre relation au temps, aux autres, à l’espace, au risque, à la mort, au délicat équilibre entre nos libertés personnelles et au bien commun. Une année pénible qui a aussi permis de se démener, d’aider à distance ses proches et amis et aussi resserrer des liens malgré les distances. On pense évidemment aussi au dévouement des professionnels de santé tout comme ceux qui ont assuré le fonctionnement des activités essentielles telles que le commerce alimentaire.
Simulation et déterminisme
En période de confinement, nous sommes presque devenus des rats de laboratoire, plus ou moins enfermés dans un chez-nous grand ou petit. La situation teste notre résilience émotionnelle à supporter ces relations humaines distanciées et plutôt formatées.
Cela relance indirectement les débats sur le côté déterministe ou pas de notre monde. Qu’est-ce qui est déterministe et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Le monde dans lequel nous vivons n’est-il qu’une vaste simulation ? Laisse-t-il une part au hasard ou pas ?
Dans Do We Live in a Simulation? Chances Are about 50–50 d’Anil Ananthaswamy, Scientific American, octobre 2020, la question est posée de découvrir les indices permettant de savoir si nous vivons dans une simulation ou pas. Il fait un détour utile par la physique quantique et les techniques balbutiantes de simulations de cette physique à partir de simulateurs quantiques. C’est une classe à part de calculateurs quantiques capables de simuler l’interaction entre particules élémentaires comme des atomes. Si l’on peut les exploiter aujourd’hui pour simuler une molécule de quelques atomes, on est très loin de pouvoir le faire sur un simple polypeptide, encore moins pour une protéine, et encore encore moins sur une cellule et a fortiori, sur un corps humain. Alors, sur tout l’Univers ! Cela a tendance à invalider l’hypothèse de la simulation.
Elon Musk pense de son côté pouvoir “matrixiser” le monde avec sa startup Neuralink qui relierait nos cerveaux à des IAs. Bref, si nous étions déjà dans une simulation, il créerait une simulation dans la simulation. Cette méta-simulation pourrait-t-elle être récursive à l’infini ? Et en préservant une vision humaine avec près de 90 millions de pixels par œil ? Il y a un problème de dimensionnement dans cette affaire !
L’argument de la simulation est une question épistémologique complexe. Qu’est-ce qu’une simulation ? Le fait que la physique de ce monde soit régie par des lois fondamentales sommes-toutes assez simples (gravité, forces fondamentales, …) en fait-il une simulation orchestrée par une machine ou quelque chose d’intelligent ? Ou est-ce un simple équilibre naturel autorégulé, de la swarm physics à méga-échelle ?
Pour ceux qui s’y sont frottés, l’argument de la simulation se heurte à des notions de théories de la complexité qui volent en éclat. On continue de débattre pour savoir si certaines classes de problèmes seront traitables ou pas avec des ordinateurs quantiques. On s’arrête juste aux problèmes dits NP dont une solution est vérifiable en temps polynomial. Mais ce n’est pas la classe de problèmes la plus complexe qui soit. Quelle est d’ailleurs la classe de complexité du simulateur hypothétique du monde ? Quelles seraient ses caractéristiques techniques ? Quelles lois de la physique faudrait-il contourner ou violer pour qu’il soit réalisable ? La dimension pratique de ces choses bassement matérielles semble échapper aux théoriciens du monde simulé.
En tout cas, ce sentiment de vivre dans une simulation a été exacerbé par l’expérience du covid-19 qui nous place dans des situations inédites, notamment dans un isolement difficile à supporter. Mais cette situation n’est pas si extraordinaire pour ceux qui connaissent ou ont connu des guerres.
Par contre, le déterminisme des prévisions a été mis à rude épreuve. Rien que dans un domaine du numérique, je ne me rappelle pas avoir vu qui que ce soit prédire l’acquisition de Xylinx par AMD, de Slack par Salesforce et d’arm par Nvidia. Ni quelqu’un prédire l’avènement à venir de visioconférences qui marcheraient du premier coup dans toutes les circonstances. J’ai l’impression que cette prouesse verra le jour bien après l’avènement d’ordinateurs quantiques scalables, prévu selon les cas dans 10 à 40 ans….
Sur ce, je vous ai bien bassinés avec les technologies quantiques en 2020 et ce n’est pas prêt de s’arrêter. Faute de temps, je n’ai pas passé l’année à commenter tout un tas d’autres domaines. Ce post me donne l’occasion de me rattraper un tout petit peu.
Covid after effect
L’année 2020 était difficile à prédire du fait de ce que la pandémie covid-19 a déclenché. 2021 n’est pas plus facile à anticiper. On pense voir le bout du tunnel, mais l’échéance reste floue.
Pendant le premier confinement, il était d’usage d’imaginer un monde d’après différent du monde d’avant. L’été déconfiné a été l’occasion de vérifier que le monde d’après ressemblait fort au monde d’avant, et parfois en pire. On rêve de partir loin en avion, de faire des fêtes avec ses amis, de retrouver un monde de rencontres, de sérendipité et de découvertes. Ou une vie à peu près normale pour ceux qui n’ont pas accès à tous ces luxes.
On va peut-être élargir notre champ relationnel et émotionnel, redécouvrir les relations humaines IRL, la soif de vrai et de contacts, mais en même temps apprécier le télétravail lorsque l’on est salarié. Et aussi peut-être mieux choisir les gens avec qui l’on veut travailler et vivre. Côté usages technologiques, il va sans dire que la pandémie a renforcé et continuera de renforcer le déploiement des outils du télétravail et des visioconférences en tout genre. Il pourrait aussi contribuer à populariser les systèmes de réalité augmentée et virtuelle, histoire de s’échapper de manière encore plus réaliste sans bouger (avec la VR). Mais va-t-on alors se balader dans la rue de manière à ne plus être reconnu du tout, le haut du visage étant couvert par un système de réalité augmentée et le bas par un masque ?
De manière bien terre à terre et dans ses abondantes prédictions 2021, Fred Cavazza prévoit entre autres choses le développement du commerce local en ligne. Pourquoi pas. Aux USA, C-NET s’adapte à la situation et vous aide à choisir votre matelas de yoga, votre matelas pour dormir de côté et votre oreiller. Le monde de la tech a bien évolué ! Dans Forbes, Sachin H. Jain anticipe l’émergence de la question de la santé mentale au sortir de la pandémie. Quel sera le poids réel du traumatisme subi par certains et le retour à la normale suffira-t-il à panser les plaies ?
L’autre impact différé de la pandémie est celui qui pèse de manière inégale sur les secteurs de l’économie. La bourse n’a pas été affectée alors qu’en toute logique elle aurait dû l’être. Mais comme les cours anticipent le futur, qui ne peut être meilleur qu’aujourd’hui, il est peut-être compréhensible que la bourse soit “bullish” au lieu d’être “bearish”. Mais ce n’est que poussière accumulée sous le tapis. Jusqu’à quand ? Cela deviendra un sujet brûlant en 2021 et 2022.
Et puis, on va enfin pouvoir voir le dernier James Bond. Pourtant, “No time to die” était un impératif fort à propos pendant la pandémie ! On a remplacé ça par d’excellentes séries telles que “The Queen Gambit” et “For All Mankind”.
Déploiement de la 5G
Depuis des années, les équipementiers et opérateurs télécoms nous annoncent la 5G. Elle arrive enfin. L’annonce de Free en décembre a bien lancé les hostilités. La question est de savoir : où ça, pour quoi faire et dans quel ordre ? Les spécialistes l’annoncent en premier lieu dans les applications d’entreprises, dans l’industrie 4.0, dans les objets connectés, dans la ville et la santé connectée voire dans les véhicules autonomes. Si ce sont des marchés potentiels pour la 5G, mon petit doigt logique me dit que ce n’est pas par là que cela va commencer.
Je ne vais pas vous refaire le topo sur la richesse technologique de la 5G qui est un acronyme simplifié recouvrant toute la diversité du monde des télécoms, toutes les bandes de fréquences imaginables, et tous les usages allant du très bas débit de machines à machines au très haut débit mobile d’humains à humains. Mais ce ne sont pas les acteurs des télécoms qui ont inventé les applications Uber, Airbnb, Whatsapp, Instagram et autres TikTok !
Mon petit doigt me dit que le démarrage de la 5G passera d’abord par l’adoption par le grand public de smartphones 5G qui inondent maintenant le marché, surtout avec les derniers iPhone 12 qui sont tous 5G. Le smartphone 5G le moins cher est à 300€ chez Oppo. Ils seront bientôt encore moins chers. C’était prévisible fin 2019 avec l’annonce du processeur Snapdragon 765G de Qualcomm. Quid des applications ? La première application de la 5G dans nos villes et campagnes sera de créer une 4G qui fonctionne ! Qui n’a pas pesté avec un débit déplorable dans un simple café en ville ? Les technologies de la 5G vont améliorer les débits et la qualité de service de nos connexions mobiles. Nos visioconférences vont mieux fonctionner lorsque nous serons en déplacement (!). Bref, dans la majorité des endroits, y compris en ville, la 5G, ça ne fera pas 2 GBits/s mais simplement un débit correct supérieur à 10 Mbits/s et que l’on pourra donc utiliser plus confortablement qu’avant. Cela pourra contribuer à faciliter le télétravail et le travail en mode nomade.
Là-dessus seront peut-être lancées des killer-apps grand public dans la lignée des Instagram et autres Tik-Tok qui ont agrémenté la 4G. Elles seront peut-être mâtinées de réalité virtuelle ou augmentée. On n’en sait rien. Tout comme personne ne pouvait prévoir l’adoption en masse de Pokemon Go en 2016. Là-dessus, des tentatives d’égailler nos expériences de consommateurs seront sûrement lancées.
Côté smartphones, les constructeurs vont continuer de créer des formats bizarres pour créer le buzz et une éventuelle croissance. Comme le LG Wing, ce double écran rotatif qui se déplie pour créer un écran en format T, horizontal en haut et carré en bas, ce qui permet de tenir son téléphone verticalement lorsqu’il est en mode horizontal. Il s’ouvre avec le pouce et se referme avec deux doigts. Cela fait suite aux Samsung Galaxy Fold V1 et V2, et autres Huawei à écrans pliables.
Aucun de ces formats ne réussira à s’imposer. Ils compliquent trop la vie des développeurs, ne sont pas standardisés, et alourdissent inutilement les smartphones. Ceux-ci continueront cependant de s’améliorer du côté des fonctions photo et vidéo, enfonçant les clous du cercueil du marché des appareils photos qui est mis à mal depuis plus d’une dizaine d’années.
Intelligence artificielle
L’IA est évidemment omniprésente dans la sphère technologique. Une IA a fait ci un jour, ça un autre jour. Cela en devient lassant tellement c’est répétitif. Surtout dans la mesure où les IA en question relèvent presque toujours de la même méthode : l’emploi de données du passé pour vaguement prédire le futur, et, pour l’instant, sans raisonnement. L’IA d’aujourd’hui est cantonnée à l’intelligence surannée d’un rétroviseur à angle étroit. L’objectif de nombreux chercheurs : créer des IA qui ont besoin de moins de données d’entraînement. Bref, qui seront capables de reproduire encore mieux les biais humains qui proviennent souvent d’un manque de données d’entraînement !
Dans Forbes, Rob Toews prévoit qu’un deep fake politique se répandra largement aux USA et propagera confusion et désinformation. Pourtant, ils n’ont pas besoin d’IA pour y arriver, leur président sortant étant capable de tout cela, et même en pire. L’auteur prévoit que les publications de chercheurs sur le federated learning vont augmenter, ce qui est facile à anticiper avec une tendance qui a démarré il y a seulement trois ans. Cette technique créée par Google vis à mieux distribuer l’entraînement des réseaux de neurones entre cloud et smartphones, protégeant par là-même vos données personnelles ayant servi à l’entraînement en question.
Il prévoit aussi qu’une grande startup des chipsets de l’IA sera acquise par un grand acteur des semi-conducteurs et pour plus de $2B. Bon, un peu comme Habana, acquis par Intel fin 2019… pour $2B. Il prévoit ainsi des événements plutôt déterministes : le fait qu’un modèle de traitement du langage dépassera le trillion de paramètres (au sens américain du terme), ce qui n’a rien d’extraordinaire puisque le record est déjà de 600 milliards de paramètres avec G-shard de Google. On entendra en tout cas de plus en plus parler d’IA qui titilleraient l’intelligence artificielle générale avec les transformers, la compositionnalité, et autres domaines pas évidents à appréhender, qui améliorent surtout les capacités de traitement du langage de l’IA. Donc, tant qu’à faire des prédictions, autant s’accrocher à ce qui est déjà lancé. D’ailleurs, les briques de l’IA vont continuer de s’immiscer dans tous les logiciels métiers. C’est en train de devenir d’une banalité affligeante. L’IA est une sorte de continuation logique des évolutions des logiciels de ces dernières décennies.
Pour PwC, la plus importante application de l’IA est dans la cybersécurité et la lutte contre la fraude. InformationWeek anticipe que les réseaux génératifs (aka “deep fake”) auront des applications dans les médias. Chez ThinkML, on nous prédit encore plus de RPA, cette branche de l’IA qui automatise les processus dans les entreprises. Tous pensent que le traitement du langage va continuer de progresser en 2021.
Nombreux sont ceux qui prédisent encore plus d’usages intéressants de l’IA dans la santé. Contrairement aux apparences, les briques de l’IA ont été fort utiles pendant la pandémie covid-19 même si ce n’était pas dans des cas d’usage spectaculaires. Cela continuera de progresser en 2021, notamment avec le déploiement d’applications d’imagerie médicale assistée par l’IA ainsi que dans les méthodes de “drug discovery”.
Technologies quantiques
Avec et sans confinement, 2020 m’a donné l’occasion de me replonger dans les sciences comme je ne l’avais jamais fait auparavant, et aussi de découvrir ou mieux connaître un grand nombre de chercheurs et chercheuses du domaine. Cela s’est reflété dans la dernière version de mon ebook sur le sujet (684 pages).
L’année a été plutôt prolifique, avec des annonces chez Honeywell, chez IonQ, chez les Chinois avec leurs expériences d’échantillonnages de bosons, avec la publication de la roadmap ambitieuse d’IBM, avec l’arrivée d’Amazon dans le hardware quantique (qui prédit monts et merveilles en 2021), et plus récemment avec une simulation quantique réalisée avec 196 atomes froids par une équipe internationale comprenant celle d’Antoine Browaeys (IOGS et startup Pasqal). La signification de cette dernière est majeure.
La prochaine étape de tout cela sera d’obtenir un “avantage quantique” (performance d’un calculateur quantique supérieure à celle des meilleurs supercalculateurs classique pour traiter un problème donné) sur de l’utile et des machines réellement programmables. Cela pourrait très bien se produire en 2021.
L’équipe de The Quantum Daily prévoit pour sa part qu’il y aura des difficultés de staffing dans le quantique, ce qui n’est pas surprenant, les financements arrivant plus rapidement dans le domaine que la formation des talents qui prend plusieurs années. Elle anticipe aussi une augmentation des financements publics comme privés. Après une année 2020 qui a été record avec plus de $1B de financement dans les startups.
J’ai sinon dégoté un gros paquet de prévisions sur les technologies quantiques chez Thinkers360, une plateforme d’intermédiation de penseurs et influenceurs de luxe. Ces derniers auraient mieux fait de choisir un autre domaine car ils racontent souvent n’importe quoi sur le sujet, notamment Chuck Brooks, Frank Feather, Jai Singh Arun, Stewart Skomra et Chan Naseeb. Pas le temps de tout fact-checker, c’est un tonneau des Danaïdes ! Le métier de consultant qui fact-checke les autres consultants ne me semble pas très porteur en 2021.
Le foisonnement de la R&D dans les technologies quantiques prend en tout cas une tournure qui rappelle celle des débuts de l’histoire de l’informatique dans les années 1940 et 1950. La fin ou le ralentissement des effets de la loi de Moore dans le silicium ré-ouvre le jeu. Elle rebat les cartes et étend les champs du possible de la suite. Alors que c’est le déterminisme de la loi de Moore qui a écarté du chemin mainstream des technologies le calcul optique, le calcul supraconducteur et le calcul réversible/adiabatique pendant plusieurs décennies. L’atténuation de ce déterminisme génère une opportunité plus grande d’innover. Cela en donne d’ailleurs le tournis tellement l’actualité scientifique et technologique est riche dans le domaine. Dans d’autres cas, le déterminisme est bien présent, comme celui qui permet de prévoir qu’Apple va lancer de nouveaux iPhones vers septembre/octobre 2021.
Et puis, que devient l’arlésienne du plan quantique national français ? Celui-ci devrait enfin être annoncé en 2021. C’est une situation paradoxale et relativement rare en politique. En effet, ce plan est prêt depuis juillet 2020. L’annonce devait être faite pendant l’automne par le Président de la République. Elle a été retardée à cause du reconfinement lancé fin octobre 2020. On attend donc le prochain déconfinement. Mais pendant ce temps, une partie de l’opérationnalisation du plan est en route. Le SGPI va auditionner en janvier les candidats au poste convoité du coordinateur national du plan. Des appels à projets de recherche sont en gestation au Ministère de la Recherche. Mais l’écosystème quantique s’impatiente car dans le même temps, les autres pays ont été bien plus rapides à la détente, notamment les Allemands qui ont annoncé en juin 2020 un plan de 2Md€. Plan qui cherche maintenant ses projets ! Mais rassurez vous, le plan français n’est pas un nouveau “plan calcul” qui déciderait de manière descendante comment l’industrie devrait se structurer.
Cryptomonnaies et blockchain
S’il m’arrive de m’exprimer sur ces deux sujets où je suis à ranger dans le camp des sceptiques, c’est uniquement dans cet exercice des prévisions.
Je suis toujours interloqué par les cryptomonnaies et en particulier par le yoyo Bitcoin. La confusion sémantique et pratique est toujours entretenue entre monnaie de placement ou refuge (un peu comme l’or), monnaie d’échange et moyen de paiement (pour faire ses courses). Le cours du Bitcoin était aux alentours de $26K fin décembre 2020 et un analyste de CitiBank prévoyait qu’il atteindra $318K d’ici fin 2021. Ca ne milite pas du tout pour en faire une véritable monnaie d’échange.
Et puis, il n’y a pas que le Bitcoin dans la vie. Il y a aussi StableCoin, Ripple, LiteCoin et Ethereum. Quel foutoir ! Comment s’y retrouver ? C’est un peu comme s’il y avait 30 systèmes d’exploitation de PC ou de smartphones dans la nature ! C’est au mieux le symptôme d’un marché encore très immature. Le Libra de Facebook est devenu Diem. Qu’à cela ne tienne ! Les bénéfices consommateurs ? Nous enfermer dans un walled garden de plus ? On ne sait toujours pas à quoi cela peut servir, en tout cas dans les pays bien bancarisés comme en Europe.
Et lorsqu’on voit que certaines banques centrales lancent ou vont lancer leur propre cryptomonnaie, ça laisse songeur dans la mesure où, dans le discours politico-technologique originel, les bitcoins étaient censés nous éloigner de ces banques centrales irresponsables !
Et les applications de la Blockchain ? Les prévisions exponentielles vont aussi bon train à leur sujet. Même si cela ne semble pas être la grande excitation dans les projets d’entreprise en exploitant.
La Saxo Bank qui donne toujours dans l’outrancier dans ses prévisions 2021 prévoit que la blockchain va permettre de stopper les fake news ! Ah-ah-ah. Pour 2019, l’analyse de la banque prévoyait qu’Apple ferait l’acquisition de Tesla, que Donald Trump limogerait le patron de la Fed (c’est l’un des rares qu’il n’ait pas viré…) et que Jeremy Corbyn deviendrait Premier Ministre de Sa Majesté. Raté !
Souveraineté numérique
2020 a été l’année du renouveau de l’intérêt des États, surtout européens, pour la notion de souveraineté numérique. Sous la houlette de Thierry Breton, l’Union Européenne a emboîté le pas. La pandémie a accentué le trait. Je peux vous prédire sans ambages que cela va continuer en 2021 ! Mais on fera souvent fausse route, agissant sur les effets et non sur les causes de la non-souveraineté numérique qui sévit en Europe. Les codes de la dominance américaine ne sont toujours pas bien compris. On veut protéger nos marchés intérieurs alors que la priorité devrait être d’attaquer les marchés extérieurs. Les américains nous écrasent grâce à la taille de leur marché intérieur homogène et à leurs économies d’échelle répliquées ensuite à l’échelle planétaire, a minima, occidentale.
Heureusement certaines startups françaises l’ont bien compris. L’écosystème entrepreneurial français a d’ailleurs plutôt bien résisté à 2020, soutenu notamment par de nombreux plans de soutien lancés par le gouvernement. Même si c’est un indicateur pervers, nombre de belles startups ont réussi à financer leur croissance internationale à un niveau tout à fait respectable en 2020 (notamment Alma, AB Tasty, Aircall, Contentsquare, Dataiku, DNA Script, Lydia, Mirakl, MWM, Owkin, Saagie).
L’État vient d’annoncer le support d’une 5G souveraine destinée aux entreprises privées, sous la forme d’un projet de recherche collaborative piloté par l’IRT b<>com situé dans son établissement de Lannion en Bretagne, avec l’embauche prévue de 90 personnes. La souveraineté semble être devenue l’appellation magique pour obtenir des financements publics !
2021 sera aussi l’année du renouveau des actions antitrust contre les grands américains du numérique, voire Chinois avec Alibaba, qui est remis en question à domicile. Ce sera probablement une décennie et qui se terminera en eau de boudin, comme ce fut le cas pour IBM en 1982 et pour Microsoft en 2002. On parle de démantèlement des géants (Google et Facebook), et on aura au final un peu de régulation tiède.
Attention aussi à ne pas perdre notre souveraineté par d’autres biais, notamment par la vulnérabilité de nos systèmes d’informations attaqués sans vergogne par des pirates informatiques d’États, notamment russes, comme avec l’attaque SunBurst récente. Cela concernera d’ailleurs aussi les USA, dont l’administration Biden est jugée moins amicale, c’est peu dire, que celle de Trump, vis à vis de la Russie poutinienne.
Science et société
L’un des sujets qui me préoccupe en ce moment est le lien de plus en plus ténu entre la science et la société. La pandémie Covid-19 et le complotisme associé sur l’hydroxychloroquine, sur les vaccins, sur les masques et sur la 5G a mis en évidence ce gouffre sociétal et comment la difficulté d’appréhender un monde complexe se transformait en complotisme. Ce phénomène est très bien expliqué ici. Qui plus est, la France se révèle être le pays où le scepticisme est le plus développé vis à vis des sciences et technologies.
La faute aux élites, à l’éducation et à l’obscurantisme de certains politiques qui a été bien mis en valeur en 2020 ? Là aussi, il faut se garder de chercher des boucs-émissaires et plutôt creuser les explications systémiques, justement. Ce d’autant plus que le phénomène touche toutes les classes sociales. J’ai même pu l’observer auprès d’audiences inattendues, y compris de formations scientifiques supérieures. Nous vivons dans un monde schizophrénique où il n’y a jamais eu autant de connaissances sur Internet et autant d’ignorance dans la tête des gens. Le temps étant limité et le cerveau manipulable par ses émotions, ils s’éloigne facilement de la raison. Si ce n’était que pour l’amour ! Mais, non, c’est pour tout ! C’est un phénomène que les politiques, surtout des camps extrêmes, savent très bien exploiter.
Les sujets complexes comme l’IA et le quantique mais aussi tout ce qui concerne l’énergie donnent lieu à leur lot d’incompréhensions ouvrant la porte à des interprétations fantaisistes. D’où le besoin d’efforts continus de pédagogie et de précision pour tenter de calmer le jeu. Etienne Klein regrette que les ingénieurs ne soient pas assez visibles dans les médias. C’est vrai. J’élargirai cependant la remarque aux scientifiques en général. Comment les mettre plus en avant ? Les former à la prise de parole ? Les aider à simplifier sans trahir ? Il y a matière à innover de ce point de vue dans les médias grand public. Je le souhaite plus que je ne l’anticipe pour 2021 ! Mais sait-on ?
Voyants
Je termine toujours ce panaché de prévisions avec celles des voyants qui font toujours sourire et sont un reflet exagéré du débat précédent. Elles sont le miroir d’une société mue par l’irrationnel et aussi par des mensonges. Nombreux sont ceux qui les acceptent, parfois en connaissance de cause. Comment prendre tout cela au sérieux ? C’est toujours aussi confondant.
Pour commencer, une certaine Alice Bell, qui nous vient de l’Outre-Manche brexitisée, prévoit que 2021 sera meilleure que 2020 ! Youpi. Histoire d’être précis, juin et juillet seront de bons mois. Bien oui, c’est l’été et le début des vacances. Accessoirement, on peut l’espérer, les vaccinations auront bien avancé et ce sera le retour des voyages dépaysants. Par contre, elle nous recommande de rester ouvert et flexible. Évidemment, il n’est pas nécessaire de suivre le mouvement des planètes et des constellations (qui, rappelons-le, ne correspondent pas à des objets cosmiques bien précis…) pour savoir ça !
Ensuite, 2021 est une année placée sous le signe du nombre 5. Et bien oui, 2+2+1=5 ! Magique ! Pour Eva Cardini, ce nombre 5 peut à la fois nous protéger et nous agresser. On a échappé de justesse au chiffre quantique ! Faire des prédictions en indiquant qu’une pièce pourrait tomber pile mais aussi éventuellement face, voilà comment ne pas se planter. Il faut dire que la précision n’est pas le fort de la voyante et des voyants en général. Exemple : “En attendant, il y aura des difficultés importantes en France et dans les pays de l’Europe” ! Ce qui serait extraordinaire ? Une année sans difficultés !
Et le top : “Certaines petites entreprises sérieusement en difficultés déposeront hélas le bilan”. Pour information, il y a eu 52 000 défaillances d’entreprises en 2019, en France. Pour la situation internationale, elle prévoit des difficultés dans tous les pays examinés. En général, les voyants et autres astrologues sont toujours plutôt pessimistes. A contrario, les cartomanciens véhiculent plus de rêve ! Chacun son positionnement marketing dans la chaîne des émotions !
Nicolas Duquerroy donne dans le café du commerce politique et économique comme nombre de voyants et dans un texte émaillé de fautes d’orthographe. Il prévoit des difficultés économiques, des faillites d’entreprises, un recul du PIB, plus de chômage, un reconfinement en début d’année, des manifestations (ce qui serait presque un sympathique signe d’un retour à la normale…), une meilleure forme pour le Rassemblement National (les voyants sont rarement centristes) et surtout, original, du “parti animaliste”. Au menu international, des problèmes de santé pour Trump – qui est pourtant déjà un malade mental – et un attentat en Allemagne, ce qui arrive de temps en temps.
Si vous voulez en savoir plus et bénéficier de prédictions personnalisées, vous pouvez faire votre choix dans cette base de voyantes et voyants. Attention les photos et prénoms des voyantes ne sont pas contractuels et les voyances sont diffusées par téléphone sur numéros surtaxés. Vendre du rêve ou des cauchemars, c’est un business !
Next
Cette année, comme je l’ai annoncé en janvier 2020, vous n’aurez pas mon habituel copieux Rapport du CES. J’interviendrai cependant sur le sujet dans différents événements virtuels, souvent avec ma comparse Fanny Bouton. Et là, sans avoir à me déplacer puisque le CES 2021 sera entièrement virtuel. Ce rush d’adrénaline de la rentrée de l’année civile va me manquer !
Je travaille aussi en ce moment sur la mise à jour de mon massif ebook sur l’IA dont la dernière édition date de fin 2019, avec toujours sous le coude un projet voisin sur l’énergie. L’actualité quantique m’occupera encore pas mal. Et j’ai quelques autres projets de contenus pédagogiques dans les tuyaux pour égayer vos neurones curieux !
Sur ce, je vous souhaite une bonne année 2021. Faites-là sympa pour vous et pour les autres ! Beaucoup de choses ne tiennent qu’à nous !
L’expert
Olivier Ezratty est consultant et auteur, créateur d’Opinions Libres, son blog sur les deep techs (intelligence artificielle, informatique quantique, medtech, …) et sur l’innovation (entrepreneuriat, politiques publiques…). Olivier est expert pour FrenchWeb qui reprend les publications de son blog.
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