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Inside Airbus : comment Palantir optimise la maintenance de l’A350

Un reportage We Love Innovation de Patrick Randall et Joseph Postec

  • Si Palantir est connu pour avoir été au coeur du scandale Facebook/Cambridge Analytica, dans le privé, l’entreprise a dès ses débuts surtout séduit de nombreux services de renseignement, de la NSA à la DGSI, grâce à ses solutions d’analyses de données massives. L’entreprise californienne a depuis élargi son portefeuille clients, qu’elle souhaite enrichir avec davantage de clients industriels. Notamment en France, où elle a recruté l’ancien numéro deux d’Airbus, Fabrice Brégier, pour piloter sa filiale française.
  • Fondé en 2004 par Alex Karp et Peter Thiel, co-fondateur de Paypal et soutien actif à Donald Trump, Palantir a reçu depuis sa création plus de 2 milliards de dollars d’investissements, notamment du fonds américain géré par la CIA, In-Q-Tel, qui détiendrait désormais un peu moins de 5% du capital. Palantir est valorisé plus de 20 milliards de dollars. En 15 ans, Palantir est devenu un acteur clé de l’analyse de données oeuvrant pour des sociétés comme Sanofi, Fiat ou le Crédit Suisse.
  • Airbus fait figure de vitrine pour sa plateforme d’intégration de données Foundry. Nous vous proposons de rencontrer le vice-président exécutif de Palantir, Josh Harris, et Robert Fink, en charge de la R&D, lors d’une visite du siège mondial du constructeur aéronautique européen et de la chaîne d’assemblage de l’A350, à Blagnac, pour découvrir comment est exploitée la solution d’analyse de données Foundry.

Des contrats publics qui font grincer des dents avec Gotham

Palantir, c’est un chiffre d’affaires proche du milliard de dollars en 2018, généré par ses deux produits phares : les plateformes d’intégration de données Gotham et Foundry. Le premier est destiné aux organismes publics et le deuxième aux entreprises. Les deux logiciels leur permettent de structurer et exploiter des millions de données pour en tirer profit.

Mais Palantir, c’est aussi un géant californien du big data au passé trouble, à la communication restreinte, et aux collaborations critiquées. Cette dernière année résume à elle seule parfaitement bien les polémiques qui entourent l’entreprise : fin août, la Grace Hopper Celebration, conférence dédiée aux femmes dans la technologie, a retiré le géant américain du big data Palantir de sa liste de sponsors. Plus tôt la même semaine, l’organisation Lesbians Who Tech a confirmé faire de même pour sa propre conférence annuelle. Tout comme la Privacy Law Scholars Conference, affiliée à l’université de Californie à Berkeley, au mois de juin. La raison de ces éloignements : la collaboration entre Palantir et l’Immigration and customs enforcement (ICE), agence américaine chargée de l’immigration et des douanes.

Signé initialement en 2014, le contrat entre les deux parties a amené l’entreprise californienne à développer un système de suivi des enquêtes de la branche de l’ICE «Homeland security investigations» (HSI), chargée des enquêtes criminelles transfrontalières. Le partenariat est devenu particulièrement critiqué lorsque l’ICE a commencé à appliquer les politiques migratoires du président américain Donald Trump en 2017. Les agents de l’ICE se sont par exemple appuyés sur le système ICM de Palantir, qui est basé sur sa plateforme Gotham, pendant une opération destinée à dresser les profils de membres des familles d’enfants immigrés non accompagnés pour, à terme, procéder à leurs éventuelles arrestation et expulsion du pays, selon un document obtenu par l’organisation militante Mijente. Le mois dernier, Palantir a renouvelé pour trois ans son contrat signé avec l’ICE pour près de 50 millions de dollars. Un autre outil développé par Palantir, l’application mobile Falcon, aurait également été utilisé par les agents de l’ICE lors de différentes perquisitions qui ont mené à l’arrestation de plusieurs centaines d’immigrés clandestins aux Etats-Unis. Le contrat qui permet à l’ICE d’utiliser Falcon pourrait, lui, être renouvelé au mois de novembre.

Au total, toujours selon Mijente, Palantir gérerait actuellement près de 1,5 milliards de dollars de contrats avec les agences fédérales américaines (dont la refonte du système de renseignement de l’armée américaine pour 800 millions de dollars), sans compter ses partenariats avec des organismes publics étrangers, comme la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI) qui a signé, aux côtés du service de renseignement intérieur et de la police judiciaire du ministère de l’Intérieur français, un contrat de 10 millions d’euros en 2016.

Des collaborations qui ne sont pas forcément au goût de tous les employés de l’entreprise : l’année dernière, 200 d’entre eux auraient signé une pétition demandant au co-fondateur et CEO de l’entreprise, Alex Karp, de revoir sa collaboration avec l’ICE, selon le Washington Post. Puis, le mois dernier, plus de 60 employés de Palantir ont également demandé à ce que les bénéfices issus des contrats avec l’ICE soient reversés à des organismes à but non lucratif. En parallèle, Alex Karp avait déclaré en janvier lors d’une interview (une déclaration reprise en août par Palantir dans une publicité sur Twitter) que «la Silicon Valley dit à l’Américain moyen ‘Je ne soutiendrais pas vos besoins en matière de défense’, tout en vendant des produits à des pays adversaires aux États-Unis. C’est un positionnement de perdant.» Peter Thiel, autre cofondateur de Palantir (et de PayPal) et soutien de Donald Trump, a en outre sévèrement critiqué Google mi-juillet, lors de la National Conservatism Conference, qualifiant la filiale d’Alphabet de «traître» pour supposément préférer travailler avec la Chine qu’avec les États-Unis.

Un regard tourné vers les entreprises privées avec Foundry

Mais ces polémiques n’ont pas ralenti Palantir. A Palo Alto, où se trouve son siège, mais aussi aux bureaux européens de Londres, Paris et Munich, l’attention est largement tournée, depuis 2013, vers les entreprises du monde entier qui pourraient avoir recours à ses services via la plateforme Foundry.

Celle-ci représente aujourd’hui près de la moitié de son chiffe d’affaires. Parmi les clients déjà signés : Fiat Chrysler, Scuderia Ferrari, Axa, Merck, Crédit Suisse, Sanofi, Zurich Insurance, American Express, mais aussi Airbus. Le constructeur aéronautique européen fait aujourd’hui figure de principale vitrine de la plateforme Foundry tant les résultats sont satisfaisants. D’autant que l’ancien directeur général d’Airbus Fabrice Brégier a pris la présidence de Palantir France en septembre 2018.

Airbus et Palantir ont notamment travaillé ensemble à la mise en place de la plateforme digitale Skywise, plateforme numérique basée sur Foundry et spécialement adaptée à l’industrie de l’aviation. Lancé en 2017, Skywise permet à Airbus d’être connecté directement à plus de 70 compagnies aériennes (soit plus de 6 000 avions), de connaître la performance des appareils dans le détail, d’en tirer des enseignements pour leur développement, et d’offrir une maintenance prédictive aux compagnies clientes. Mais Skywise a surtout permis à Airbus d’atteindre ses objectifs en termes de montée en cadence de l’A350 : en 2017, deux ans après les tout débuts de la collaboration entre Palantir et Airbus, un A350 restait 25 jours dans un poste de la chaîne d’assemblage d’Airbus à Blagnac. En 2019, il n’y reste dix jours. Depuis décembre 2018, dix A350 sortent en outre de la chaîne d’assemblage tous les mois. En bonus, le constructeur aéronautique a économisé plusieurs centaines de millions d’euros et réduit de 33% les événements de non-qualité lors de cette montée en cadence.

Aujourd’hui, Palantir compte 2 500 collaborateurs (développeurs, consultants et computer scientists), dont 800 sont dédiés à l’activité entreprises, répartis dans plus de 20 bureaux dans le monde (70 personnes en France). Au total, 14 000 personnes utilisent désormais la plateforme Skywise chaque semaine, 570 000 bases de données sont connectées, et sept pétaoctets de données sont traitées tous les jours. D’ici à la fin de 2019, Airbus a pour objectif d’avoir une centaine de compagnies aériennes sur sa plateforme Skywise.

Du côté de Palantir, dont la valorisation pourrait atteindre près de 40 milliards de dollars selon le Wall Street Journal (soit le double de sa dernière valorisation connue de 20 milliards de dollars en 2015), l’accent est également mis sur la recherche de nouveaux clients industriels, et ce, dans tous les secteurs. L’objectif également, selon Fabrice Brégier, est «d’arrêter de consommer du cash» et d’atteindre «une très forte croissance à deux chiffres», le premier chiffre étant aujourd’hui «très supérieur à 1». En ce qui concerne une éventuelle entrée en Bourse, «elle viendra en temps voulu».

Palantir : les données clés

Fondateurs : Alex Karp, Peter Thiel, Garry Tan, Joe Lonsdale, Nathan GettingsStephen Cohen
Création : 2004
Siège social : Palo Alto
Secteur : Big data/intelligence artificielle
Marché : conception de plateformes d’intégration de données pour les secteurs public et privé
Concurrents : Thales, Visalllo, DataWalk, Splunk


Financement : 2 milliards de dollars…

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