Interview : Rosie O’Neill, co-fondatrice de Sugarfina (+ les 9 raisons du succès)
Par Laurence Faguer, expert retail FrenchWeb
– L’interview de Rosie O’Neill
– Les 9 raisons du succès.
INTERVIEW
Rosie O’Neill est à l’image de Sugarfina, la spectaculaire entreprise qu’elle a créée avec son fiancé Josh Resnick : joyeuse, attentionnée, ultra positive et ultra visionnaire.
Keynote speaker à la conférence eTaileast en Août à Boston, elle a décrit sans chichi les six années passées à créer, d’une simple idée lancée au sortir du film Charlie et la Chocolaterie, un petit empire du bonbon aux ambitions internationales.
Plus tard, elle m’expliquera en détail le développement météorique de cette entreprise – 40 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2017, 500 employés – et le rôle essentiel que jouent aujourd’hui les magasins pour une marque au départ digital native. Chaque boutique est un petit écrin « Instagrammable » où se presse une clientèle de grands enfants ravis d’avoir – enfin ! – un marchand de friandises rien que pour eux. Car c’est vrai, après tout : pourquoi n’existerait-il pas de magasins de bonbons pour adultes ? Mes remerciements à Rosie O’Neill pour cette conversation exclusive avec un média français.
Nous sommes en 2012. Lors de leur troisième « date », Rosy O’Neill et Josh Resnick ont une idée folle : quitter chacun un poste confortable – Josh avait fondé une florissante société de production à L.A. tandis que Rosie était Directrice Marketing de Barbie – pour créer une enseigne premium de friandises pour adultes, mixant fun et luxe. Un saut dans l’inconnu.
Avec seulement 60 000 dollars d’économie en poche, le duo parcourt le monde à la recherche de confiseurs fabriquant artisanalement des bonbons originaux – enfin, me confie Rosie, ce fut plus souvent le job de Josh que le sien…
Ainsi est née Sugarfina. Une gourmet experience proposant les plus belles confiseries artisanales du monde entier, le plus souvent au travers de créations exclusives, tel le Champagne Bears ® à base de champagne Don Pérignon.
Six ans après, Sugarfina figure dans le palmarès Fastcompany des 50 entreprises les plus innovantes du monde, et est classé N°5 dans le segment Retailers, juste derrière… Amazon, Walmart, Sephora et Everlane !
Interview
Vous dites de vos magasins qu’ils sont « instagrammable ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Rosie O’Neill : Dès le départ nous avions cette vision pour nos magasins. Nous voulions que nos clients puissent y faire de magnifiques photos naturellement élégantes. Tout, depuis le blanc des murs, la manière de disposer les bonbons –brillants et colorés – jusqu’à l’éclairage, est pensé afin que la vraie vedette soit les bonbons. Par exemple, nous avons dans chaque boutique un mur décoré de pétales de roses blanches, qui est une invitation à se prendre en photo devant avec ses friandises préférées. Il s’agit au final de centaines de petits détails qui rendent unique l’atmosphère de chaque boutique, un mélange de fun et de luxe.
Et cela fonctionne, les personnes se prennent en photo ?
Rosie O’Neill : Oh oui, absolument ! Mais nous ne voulions pas que cela soit forcé, comme dans ces magasins où l’on voit un panneau «Instagram moment» accroché à un mur, car alors, pour moi, cela sonne faux. Nous voulions laisser chaque personne libre de prendre des clichés, si cela fait sens pour elle.
D’autant que nous avons tous les âges dans notre clientèle : des jeunes filles qui ont entendu parler de Sugarfina par leurs copines, mais aussi les mamans et les grand-mères.
Sugarfina était à l’origine une marque Digital Native, aujourd’hui vous avez presque 40 magasins. Quel est l’apport des boutiques dans votre modèle ?
Rosie O’Neill : Le magasin est pour nous le premier point d’entrée. Nos clients découvrent la marque en visitant nos magasins. C’est un élément très important pour moi, car nos magasins offrent l’expérience la plus complète, y compris pouvoir goûter nos produits et bénéficier d’un service ultra personnalisé. Ensuite lorsque vous allez en ligne, vous savez à quoi vous attendre. Ce moment de découverte est également expérimenté par les clients des chaines hôtelières où nous sommes présents.
Quels sont vos meilleurs canaux d’acquisition clients ?
Rosie O’Neill : C’est une combinaison de plusieurs canaux parmi lesquels les réseaux sociaux, le bouche-à-oreille – on s’échange l’adresse entre amis – et une très forte couverture média. Nous bénéficions de beaucoup de remontées media de nos collaborations. Vous n’arrêtez pas de nous voir dans les medias et c’est un moyen important de nous découvrir.
Autre canal, le gifting. Nous sommes avant tout une entreprise de cadeaux. La personne qui reçoit en cadeau un de nos produits nous découvre par ce biais. L’ouverture d’un paquet cadeau est un moment très particulier dont vous vous souvenez et que vous voulez partager.
Vous insistez beaucoup sur l’importance de communiquer avec authenticité
Rosie O’Neill : C’est un élément essentiel pour moi. Avec le digital, vous pouvez toujours segmenter et personnaliser dans tous les sens, mais si le client ne sent pas que le discours est vrai et qu’il est reconnu comme une personne, cela ne fonctionne pas. Ce lien personnel est d’autant plus important de nos jours que peu d’entreprises le font. Et le risque pour toute entreprise qui grossit rapidement est de perdre son âme.
Comment ce lien s’exprime-t-il chez Sugarfina ?
Rosie O’Neill : Quand nous avons reçu nos premières commandes, j’ai glissé un petit mot manuscrit à l’intérieur de chaque colis. L’impact a été stupéfiant. Les clients nous appelaient pour dire à quel point ils appréciaient ce message, ou ils en parlaient sur Facebook ou sur Instagram. C’est alors que je me suis faite la promesse que, quelle que soit la taille de notre entreprise, nous inclurions toujours une carte rédigée à la main dans chacun de nos colis.
Avez vous d’autres exemples en tête ?
Rosie O’Neill : Beaucoup d’autres ! Ce lien intime peut être entretenu par un cadeau inattendu, ou l’envoi d’un email pour s’enquérir du succès d’un cadeau acheté pour un événement spécial. Lorsque vous traitez vos clients comme des amis précieux, vous gagnez leur confiance et leur fidélité.
Vous avez inventé la Bento Box®, un système d’emballage breveté qui permet à chacun de se confectionner sa box. Cela constitue-t-il une part importante de vos ventes ?
Rosie O’Neill : Pour nos clients qui achètent un cadeau, la Bento Box est leur choix numéro un.
Enfin, à titre personnel, ou trouvez-vous l’inspiration ?
Rosie O’Neill : Comme je n’arrête jamais de penser à Sugarfina pour améliorer l’expérience, mes sources d’inspiration sont un peu partout. Je voyage beaucoup, et c’est à chaque fois l’occasion pour moi de trouver de nouvelles d’idées. Ce peut-être une couleur, un packaging. Les réseaux sociaux sont aussi une grande source d’inspiration, un lieu formidable pour découvrir les nouvelles tendances.
Mais mes meilleures idées arrivent quand je peux me relaxer – ce qui ne m’arrive pas très souvent…Quand je cuisine, quand je me ballade dans un marché aux fleurs, n’importe quel lieu inspirant.
LES 9 RAISONS DU SUCCÈS
Sugarfina en chiffres
- 40 magasins aux U.S., un premier magasin à Hong Kong cet été
- 12 Shop-in-Shops chez Nordstrom
- Une présence dans 2000+ grands magasins ( Bergdorf Goodman, Neiman Marcus, …) et dans les palaces (Fours Seasons, The Ritz Carlton,…)
- Une division Cadeaux corporate , avec comme clients Facebook, Jimmy Choo, Sephora, SalesForce…
- Les ventes dans les magasins en propre représentent 50% du chiffre d’affaires
Plus de 10 milliards d’impression dans les medias et l’endorsement de nombreuses celebrities.
Une approche différente de la confiserie, en 9 points
1- Etre radicalement différent
Il n’y avait aucun intérêt à faire des petits changements à la marge, par rapport à l’offre existante. Sugarfina a repensé de fond en comble le modèle d’une enseigne de bonbons, à commencer par la cible – les adultes – mais aussi, de ce fait, les produits, l’agencement des magasins, le niveau de prix.
2- Créer une atmosphère unique
Exemple avec la CANDY BENTO BOX®: dans chaque boutique, un pan de mur est consacré à la confection de sa propre box, formule souvent choisie dans le cadre d’un achat cadeau. Résultat, les personnes passent beaucoup de temps – sans doute beaucoup plus qu’ils ne l’auraient imaginé – à concocter « leur » boite individuelle. Egalement, de nombreuses dégustation sont organisées en magasin, « typiquement quelque chose qu’il n’est pas possible de répliquer en ligne » justifie Rosie O’Neill.
3- Raconter l’histoire
Dans chaque boutique, la timeline de Sugarfina est présentée sur un mur.
4- Une marque avec de la personnalité
Luxe & Fun. A partir de là, c’est l’affaire de mille détails. Le bleu des sacs ; une imposante porte à deux battants qui, aux heures de fermeture, ne passe pas inaperçue. Les produits : Sugarfina, qui n’en est pas à un challenge près, entend aussi changer les habitudes de consommation. Candy for breakfast ?
5- L’attention envers chaque client
Rosie O’Neill en a fait un point d’honneur : chaque colis e-commerce est expédié avec un petit mot personnel manuscrit. Cette délicate attention, qu’elle a elle-même instaurée à ses débuts quand il n’y avait que quelques commandes par jour, se perpétue. Dans les deux centres d’expédition (Los Angeles et New Jersey) des personnes affectées au fulfillment – après avoir passé avec succès un test d’écriture – sont habilitées à écrire à chaque client un petit mot personnel qui sera glissé dans le colis.
6- Récompenser. Parfois sans raison
Rosie O’Neill en est persuadée : « Lorsqu’une marque est généreuse et qu’elle traite bien ses clients, elle ne peut que recevoir en retour des choses positives ».
7- Un programme de fidélité multi points de contact
Sugarfina a pris son temps avant de lancer son Programme de fidélité, car il était hors de question de rester sur du classique. Le programme est généreux, il est multi touch ( en récompensant non seulement les transactions mais aussi les interactions du client sur les réseaux sociaux) et il crée la surprise avec des avantages inattendus. Une manière de maintenir à l’esprit la marque entre deux achats et de susciter de nouvelles occasions de visites, en ligne ou en magasin.
8- Rendre le magasin « Instagrammable »
Chaque magasin est une invitation à prendre des photos des produits – ou de soi-même dans ce raffinement – puis de partager ces moments sur Instagram. Mais ceci est suggéré, rien n’est imposé.
9- Faire le pont entre magasins et digital
Exemple avec Candy Drop, un service redoutablement tentant pour distiller des petites attentions à ses proches en leur laissant le choix du cadeau. Le donateur en magasin se sert de l’appli mobile pour choisir la taille de la boite, rédiger un petit mot et régler en indiquant l’adresse email du bénéficiaire. Celui-ci est prévenu par email de son cadeau, il choisit lui-même ses bonbons préférés, et donne son adresse postale. Son cadeau lui sera livré à la date voulue, magnifiquement présenté dans son emballage cadeau emblématique de la marque.
La correspondante :
Laurence Faguer est une marketeuse et entrepreneuse « go-between » France et USA, fondatrice de
A la demande d’entreprises françaises, elle repère en personne les innovations en Digital, Mobile et Retail aux Etats-Unis, avant qu’elles ne soient connues en France, puis les aide à transposer avec succès ces stratégies ayant fait leur preuve aux U.S.
Laurence est expert US pour FrenchWeb qui reprend de temps à autres la publication des articles de son blog.