Slate, le site d'information généraliste adapté du modèle américain, lance aujourd'hui une offre payante. Avec «Slate+», proposée au lecteur pour 5 euros par mois, le pure player veut monétiser une partie de ses contenus mais aussi renforcer sa marque, à l'heure de la concurrence accrue avec les médias sociaux qui, de plus en plus, font la pluie et le beau temps sur les audiences. En France, 9% des internautes déclarent que les réseaux sociaux sont devenus leur principale source d’information. C'est deux fois plus qu’en 2015.
Jean-Marie Colombani, directeur de Slate.fr, explique la nouvelle stratégie de la publication qui est restée sur le modèle du «100% gratuit» depuis son lancement en France en 2009.
Frenchweb : Huit ans après le lancement de la version française de Slate, est-ce un constat d'échec du modèle de la gratuité?
Jean-Marie Colombani, directeur de la publication : Nous ne passons pas au modèle payant, mais avec Slate+, nous ouvrons une zone abonnés. Avec 300 000 visites par jour, l'idée est de convaincre un certain nombre de nos lecteurs de s'abonner. Pour cela, nous lançons cinq nouveaux services. Il y aura d'abord «Reader», un outil que l'on a nous-mêmes conçu et qui mettra en avant les sujets qui marchent sur les réseaux sociaux, selon les affinités du lecteur. Ensuite, dès le mois de décembre, nous allons inviter nos lecteurs à des avant-premières de films, au théâtre, à des expositions. Ils pourront aussi participer à des réunions de la rédaction. Troisièmement, nous allons proposer un service plus classique de prescription, sur des livres, du cinéma…et tout ce qui a plu ou déplu à la rédaction de Slate. Cela sera un peu plus sophistiqué que le simple «J'aime/j'aime pas».
Autre outil, nous proposerons aussi des contenus ludiques et pédagogiques pour aider à la navigation sur le Web. Par exemple, 'comment mieux profiter de Snapchat' et toutes les nouvelles tendances utiles à connaître. Enfin, chaque mois, nous aurons un dossier éditorial complet sur un sujet un peu lourd. Notre premier dossier dans cette offre aborde ainsi le sujet du politiquement correct.
Nous avons vécu sous l'empire de la gratuité. A la différence du modèle payant tel que Mediapart, qui est un site de niche, nous sommes sur du généraliste et du journalisme de qualité.
Quels sont les objectifs à atteindre avec cette offre?
J-M C: Nous ferons le bilan dans deux ans. Pour ma part, j'espère atteindre les 5 000 abonnés d'ici fin 2017. Il faut au moins deux ans pour évaluer le succès d'une offre payante.
Jusqu'ici nos revenus provenaient du display, du native advertising et du brand content. Notre chiffre d'affaires atteint aujourd'hui 2 millions d'euros mais nous ne sommes pas encore rentable. Slate, ce sont 20 salariés et entre 340 et 400 pigistes extérieurs. Nous avons une audience jeune et qualifiée; pour autant, il faut diversifier les sources de revenus. Ce mouvement, nous l'avons amorçé dès le mois de juillet dernier avec le lancement des podcasts. La création de notre propre régie interne manifestait également cette volonté. Nous venons d'ailleurs de changer de partenaire sur le programmatique au mois de septembre.
En quoi ces outils payants sont-ils différents des nombreuses fonctionnalités de curation, veille, ou de personnalisation que tout à chacun peut utiliser gratuitement?
J-M C: Avec cette offre, vous y avez immédiatement accès. Vous n'avez pas à passer votre temps à chercher ici et ailleurs. Toutes ces solutions ont été principalement développées en interne avec nos développeurs et quelques prestataires. Il nous a été possible de les créer grâce à l'aide du fonds Google qui avait aimé notre innovation. Nous avions alors reçu une aide de l'ordre de 1 million d'euros.
Nous avons pu avancer sur les services personnalisés et sur notre volonté de bâtir une communauté de «Slaters».
Quel est l'avenir du modèle économique des sites de presse? Est-il dans le «lecteur-centric»?
J-M C : Je ne vois pas les sites généralistes passer au payant. Lorsqu'ils l'ont fait, ils ont vu leur audience fondre. Mon obsession est de diversifier les sources de revenus. Une fois le cap de l'équilibre financier passé, on enclenchera une politique de développement. Nous avons déjà lancé Slate Afrique, mais nous n'avons pas encore les moyens d'investir. Nous voulons investir en Europe et lancer des sites en langues étrangères. Le potentiel en Europe est fort, car nous sommes sur un continent où les problématiques et les goûts d'une génération sont les mêmes dans tous les pays.
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