Avec le lancement d’Apple Arcade jeudi, le géant américain des technologies de luxe entre dans le monde lucratif des jeux vidéo avec un modèle économique très différent de ce qui se fait déjà, mais qui ne menace a priori pas les poids lourds du secteur.
Pour 4,99 dollars par mois, les abonnés auront accès à un catalogue de jeux exclusifs à l’écosystème Apple, avec la promesse de pouvoir y jouer aussi bien sur leur iPhone, leur tablette iPad, leur Mac (ordinateur) ou leur Apple TV, sans publicités ni dépenses supplémentaires. Les jeux vidéo ont explosé sur mobile ces dernières années, notamment grâce au modèle du « free-to-play »: le téléchargement ne coûte rien, mais les joueurs sont exposés à des publicités, et peuvent choisir d’acheter des objets virtuels qui facilitent leur progression dans le scénario. « L’offre Apple Arcade va peut-être grignoter des parts dans le secteur des jeux free-to-play, ou alors elle pourrait attirer de nouveaux joueurs qui ne se sont pas encore décidés à payer pour des contenus sur mobile« , estime Mat Piscatella, directeur de recherche chez NPD.
En 2019, le marché mondial du jeu vidéo dépassera les 114 milliards d’euros, dont plus de 51 milliards générés par les jeux vidéo sur mobile, d’après le centre de réflexion Idate. Un chiffre qui comprend les téléchargements payants et les achats optionnels, mais pas les revenus publicitaires, qui représentent au moins 10% de plus.
Téléchargements payants vs Free-to-play
« Le vieux modèle des téléchargements payants est mort avec l’invention du free-to-play« , affirme Michael Pachter, analyste chez Wedbush Securities. « Les jeux d’Apple Arcade, c’est encore différent: Il y aura un début, un milieu et une fin, sans achats« . Le service d’Apple « ne représente pas vraiment une menace à l’industrie conventionnelle du jeu, mais je pense qu’il va trouver son public. Il devrait convertir des utilisateurs de smartphone avec le temps« , précise-t-il.
Reste à savoir quel public. Les passionnés et les amateurs occasionnels disposent déjà d’un choix très larges entre des jeux sur console (dont les « blockbusters » du secteur, très sophistiqués au niveau graphique et narratif), des jeux multijoueurs en ligne (comme le phénomène planétaire Fortnite), ou encore une tétrachiée de jeux sur mobiles, des petites productions raffinées, souvent payantes, aux puzzle addictifs et colorés comme CandyCrush.
Pour séduire les joueurs occasionnels, le groupe californien peut compter sur son prix réduit. Pour les plus chevronnés, il devra proposer un catalogue suffisamment étoffé, avec une réelle fluidité de l’expérience d’un support à un autre. « Ils commencent avec 100 jeux. Pour moi il en faudra plus de 1000. C’est un objectif en-dessous duquel les joueurs pourraient ne pas adhérer« , commente Laurent Michaud, directeur d’étude à l’Idate.
Faire face à Microsoft, Sony et bientôt Stadia de Google
Apple devra aussi convaincre les studios de concevoir des jeux qui fonctionnent aussi bien sur un écran de poche que sur un grand écran dans le salon. « Cela demande des efforts aux développeurs de travailler pour des interfaces différentes. Ils auront besoin de garanties, pour s’assurer que leurs surcoûts seront rentabilisés par un volume significatif de joueurs« , analyse Laurent Michaud.
Apple n’a pas dévoilé de détails concernant le partage de revenus avec les éditeurs. « Pour nous, c’est l’occasion d’explorer de nouveaux modèles financiers et de déployer nos ailes dans l’abonnement« , explique Alexandre De Rochefort, directeur financier de Gameloft (Vivendi), un studio qui produit des jeux pour Apple Arcade. « Le modèle de l’abonnement devient très populaire dans la musique, les films et les séries, mais l’industrie du jeu vidéo est en retard dans ce domaine« , ajoute-t-il.
Des abonnements à des catalogues de jeux existent déjà, notamment chez Xbox (Microsoft) et Playstation (Sony). Mais le marché attend surtout le lancement par Google en novembre de Stadia, sa plateforme de jeux vidéo en streaming, sans téléchargement, avec la possibilité de jouer aussi bien sur son PC que sur sa télévision. Les groupes de la Silicon Valley ont entrepris de diversifier leur offre, tout en gardant le plus possible leurs clients dans leur écosystème. C’est particulièrement vrai d’Apple, dont les jeux seront confinés à ses appareils. Apple Arcade « va attirer une portion du milliard et quelques d’utilisateurs actifs d’iOS (le système d’exploitation d’Apple)« , considère Piers Harding-Rolls, directeur de recherche chez IHS Markit Technology. « Mais étant donné leur immense base de fans, on aboutira sans doute à un service de jeux sur abonnement plus gros que la plupart de ceux qui sont arrivés avant« .
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