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La fin de la Powerlaw : vers une ère d’investisseurs post-licorne

Pendant quarante ans, la fameuse powerlaw a structuré la logique du capital-risque. Quelques sorties exceptionnelles de type « licorne » étaient censées compenser un taux d’échec massif parmi les startups financées. Cette asymétrie statistique – où 1 % des entreprises financées génèrent 90 % des retours – a été sanctuarisée par la Silicon Valley, érigée en modèle, enseignée dans les business schools, et répliquée dans tous les hubs d’innovation.

Mais ce paradigme montre aujourd’hui ses limites. Non pas pour des raisons philosophiques, mais parce qu’il ne produit plus, structurellement, les rendements escomptés.

Un modèle fondé sur la rareté extrême

Le fonctionnement traditionnel du VC repose sur un portefeuille où la majorité des startups échouent. Dans les faits :

    • Environ 70 % des startups financées en pré-seed ou seed ne lèvent jamais de série A.
    • Seules 2 à 3 % deviennent des « outliers », c’est-à-dire des entreprises à la croissance explosive, souvent survalorisées, parfois rentables.
    • Moins de 1 % atteignent le statut de licorne (valorisation >1Md$).

C’est sur ces très rares cas que reposent les espoirs de multiples x10 à x100 permettant à un fonds de restituer ses engagements aux LPs (Limited Partners) avec rendement.

Problème : l’environnement dans lequel cette logique a prospéré – marché haussier, capital abondant, taux d’intérêt à zéro – a disparu.

La power law ne délivre plus

Les rendements du capital-risque stagnent depuis plus d’une décennie. Plusieurs analyses, notamment issues des bases de données de PitchBook et Cambridge Associates, montrent que l’IRR moyen des fonds VC (toutes générations confondues) peine à dépasser celui des indices publics technologiques, une fois les frais pris en compte.

Plus encore, la raréfaction des exits significatifs (introduction en bourse ou acquisition à forte valorisation) réduit la capacité de réalisation effective des gains. Beaucoup de « licornes » créées depuis 2016 n’ont jamais délivré de sortie liquide.

Les performances sont donc de plus en plus concentrées dans une poignée de fonds historiques, laissant les autres en sous-performance chronique.

Un contexte structurellement différent

Le modèle VC tel qu’il a été conçu dans les années 1980 ne correspond plus aux dynamiques actuelles :

    • L’industrialisation du no-code et de l’IA permet de lancer une entreprise avec peu de capital initial.
    • La logique de croissance sans profit, encouragée par les VCs, est de plus en plus remise en cause dans un contexte post-ZIRP.
    • Les marchés privés se sont hypertrophiés, avec des cycles de liquidité étendus et une baisse drastique des IPOs.
    • Le profil des fondateurs évolue : ils sont plus expérimentés, moins enclins à diluer rapidement, et orientés vers la rentabilité.

Dans ce contexte, viser un rendement agrégé de portefeuille uniquement basé sur des “moons shots” revient à ignorer 95 % du paysage entrepreneurial émergent.

Vers une architecture alternative du risque

Un modèle alternatif émerge : celui d’un VC post-unicorn, fondé non plus sur l’exception statistique, mais sur la récurrence modérée et la viabilité structurelle.

Prenons un scénario fictif :

Modèle Structure de portefeuille (100 startups) Rendement total
Power Law 1x (10x) + 4x (2x) + 15 breakeven + 80 à zéro ~1.55x
Post-Unicorn 10x (5x) + 90x (2x) ~2.3x

Ce scénario repose sur une hypothèse de taux de survie élevé et de sorties moyennes récurrentes, plus réaliste dans un monde où les M&A de 10 à 100 millions d’euros sont beaucoup plus fréquents que les IPOs à 10 milliards.

Ce modèle nécessite néanmoins une profonde réingénierie du VC :

    • Des fonds de plus petite taille, adaptés à des sorties moyennes.
    • Des stratégies de sélection orientées cash-flow, non plus TAM uniquement.
    • Des mécanismes de partage de valeur plus équilibrés avec les fondateurs.
    • Des véhicules evergreen ou semi-liquides, permettant d’allonger les horizons de temps.

Changer d’objectifs pour changer de structure

Cette nouvelle donne n’est pas une utopie anti-tech. Elle est une réponse rationnelle à l’évolution des outils (produire coûte moins cher), des comportements (les fondateurs visent la liberté plus que le blitzscale), et des marchés (les exits se concentrent dans la médiane).

Il invite à faire évoluer la définition même du succès : non plus une rareté statistique, mais une robustesse systémique, où le capital-risque ne cherche plus à tout prix des exceptions, mais à construire des bases solides pour un tissu entrepreneurial élargi.

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