La jeunesse mérite qu’on lui fiche la paix
La jeunesse mérite qu’on lui fiche la paix. Elle a besoin de liberté et non de solutions. De cohérence et non de stigmatisation.
Le Medef a fait de la jeunesse son thème d’université. Pour marquer son passage sur le campus d’HEC, c’est intelligemment opportuniste. Pour surfer sur une nouvelle vague de communication, destinée à prouver aux jeunes, que le Medef n’est pas un sanctuaire d’irréductibles fossiles accrochés à leur territoire comme la moule à son rocher, c’est malin. Pour signifier que sacrifier une génération qui innove en lui interdisant la disruption, l’innovation, une place dans la société et que les entreprises peuvent lui faire confiance, c’est utile, voire nécessaire. Pierre Gattaz aime l’innovation, la jeunesse. Sincèrement. Donc venant de sa part, je suis preneur. Néanmoins je pense qu’on se trompe de cible, de débat et de contenu. Pourquoi ?
Tout d’abord parce que malheureusement, au grand dam de Pierre Gattaz qui l’adorerait, le Medef n’est pas le bon endroit pour parler jeune, innovation, digital. Ou avenir. Ces organisations sont le passé de notre nation. Cela ne signifie pas qu’elles n’ont plus leur place et je connais des seniors extraordinaires au Medef. Cela signifie qu’elles ne cèderont pas leur place aux jeunes. Les moules s’accrochent et préservent un ordre établi, celui de la représentation sociale dans ce pays, dont l’archaïsme est l’une des mailles d’un système médiocre et figé, qui bloque notre évolution. Pas plus le Medef que les autres. Mais pas moins non plus.
«Jeff Bezos, il fait ce qu’il veut, pas ce qu’on attend de lui à Wall Street»
Ensuite parce que les grandes entreprises ont perdu la bataille du sens et des hommes. Un individu dans une grande entreprise n’existe pas. Il n’en a que l’illusion. Il joue un rôle. Pour un moment. Il est le jouet de l’amélioration des résultats boursiers, qui peut faire d’un héros d’un jour, le chômeur du lendemain. Je suis libéral, entrepreneur, et le fait que le seul résultat net de fin d’année soit la mesure de ma performance m’exaspère fondamentalement.
Nous ne créons pas des entreprises pour engraisser des traders, mais pour être toujours le meilleur sur notre marché et assumer notre passion. Et ces deux critères ne sont pas toujours les meilleurs amis des résultats annuels toujours en croissance. Raison pour laquelle j’admire Jeff Bezos. Il fait ce qu’il veut, pas ce qu’on attend de lui à Wall Street. Les grandes entreprises, pourtant magnifiques en tant qu’acteurs économiques, ne sont donc en aucun cas l’avenir de la jeunesse, ni française, ni ailleurs. Les USA l’ont bien compris, où près de 40% des salariés sont maintenant indépendants. Ils seront sûrement plus de 60% dans moins de 10 ans. Cela démarre en France aussi.
Le sens pour un jeune, se trouvera dans sa façon de pouvoir utiliser son talent quel qu’il soit. Pour lui d’abord. Pour les autres ensuite. Sans cette indépendance il sera un esclave du système. Qu’il soit manuel ou intellectuel. L’homme n’est pas fait pour les grandes organisations. La planète en est la preuve, un peu plus chaque jour. La taille tue. La responsabilité des jeunes est donc d’inventer un nouveau système, pas de d’intégrer l’actuel.
Enfin, focaliser sur la jeunesse est un non sens. Une société ne se bâtit par sur une classe d’âge, mais sur une cohérence de sa pyramide. Les seniors sont aussi importants que les jeunes, et la condition pour que chacun trouve sa voie et assure sa place dans la société. A vouloir focaliser sur les jeunes pendant 30 ans, les politiques nous ont légué un taux de chômage des jeunes à plus de 25%. Une réussite indéniable ! Les acteurs actuels n’ont pas compris que, comme la tribu primitive, une société est un ensemble et non des cases à remplir séparément. Dans une tribu chacun trouve sa place. On sait que la cohérence du groupe est la clé de sa survie et de son développement. Personne n’a plus d’importance que l’autre.
La société française a été traitée comme un cul de jatte. On lui a donné une jambe, comme la mendicité, alors que le cul de jatte, il en veut deux. Le cul de jatte c’est la société, et elle aura plus de facilité à faire une course à l’innovation sur deux jambes que sur une seule.
Face aux anti-UberPOP, anti-disruption
Aussi le meilleur service à rendre aux jeunes, c’est que ces organisations syndicales, salariées ou patronales, l’Etat, les politiques, leur «foutent la paix». Une fois qu’ils auront compris que les solutions ne viendront pas de ces acteurs là, alors, les jeunes feront ce qu’ils font de mieux. Ils innoveront, s’adapteront, trouveront les solutions pour résoudre leurs problèmes. Encore faudra t-il que cette génération anti-UberPOP, anti-disruption, keynésienne par paresse intellectuelle, qui se réfère sans cesse aux modèles à l’heure où les modèles ne sont plus applicables, le leur permette. Ce qui est loin d’être gagné en France.
Le meilleur service à rendre aux jeunes c’est de les rapprocher des seniors. Ces plus de 45 ans, que la société française chasse avec dédain et cruauté depuis 30 ans, et qui permet à notre pays d’avoir à la fois le pire score d’emploi chez les jeunes et chez les plus de 50, et surtout 55 ans. Seule existe encore une vie entre 30 et 45 ans. Comme une trace d’eau sur la planète Mars.
L’enjeu est simple. Montons une alliance entre les délaissés. Les moins de 25 et les plus de 50. Faisons en sorte, y compris dans les start-up, que ceux qui ont l’expérience, le réseau, le financement, viennent travailler avec ceux qui bâtissent la société de demain. Ensemble. Uni. Fiers d’écrire ensemble une évolution du passé, un retour vers le futur. Vers un temps où l’union des deux générations garantissaient la réussite de la société. Ou le jeune et le seniors, loin de se bloquer, se moquer, se méfier l’un de l’autre se savaient les pièces d’un ensemble incapable de fonctionner sans cette union et cette confiance. Les sociétés dans le monde qui ont le plus d’attention aux seniors, ont le plus faible taux de chômage des jeunes. A méditer…
Soyons la génération du «tous ensemble» contre celle de «l’opposition des mondes». Le débat est là. Dans une société de pays développés, dont plus de 35% de la population aura plus de 60 ans en 2030, la question n’est pas la jeunesse, mais ce que ces deux classes d’âges pourront faire ensemble. Les seniors doivent accepter d’être des acteurs facilitateurs et non des donneurs de leçon castrateurs. Les jeunes doivent accepter leurs lacunes et considérer les seniors comme le levier magique à la révolution sociétale, digitale. La liberté qui leur sera donnée de faire directement ensemble sera une dynamique bien plus forte que toutes les incantations institutionnelles sur la jeunesse. Aux armes mes amis.
Denis Jacquet. Entrepreneur du Net depuis 2000, fondateur de Parrainer la Croissance, devenue en 4 ans la plus grande association au service des entrepreneurs avec 3 600 membres avec un objectif national de 5000 dans 2 ans.
Il a fondé le premier incubateur intergénérationnel, en France, qui met les seniors des grands groupes au service de la croissance des PME et start-up.
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