
« La plus grande guerre technologique de l’histoire du journalisme est déclarée » pour Laurent Guimier
L’intelligence artificielle générative bouleverse l’équilibre fragile du paysage médiatique. Dans une tribune publiée dans Le Figaro, le journaliste Laurent Guimier met en garde contre l’inertie des médias traditionnels face à cette révolution technologique. À ses yeux, l’IA est un instrument à double tranchant : une opportunité pour réinventer le journalisme, mais aussi une menace existentielle si elle reste l’apanage des acteurs de la désinformation. « La plus grande guerre technologique de l’histoire du journalisme est déclarée », prévient-il.
Un basculement historique de l’information
Avec l’essor des intelligences artificielles génératives, la désinformation change d’échelle et de nature. Des contenus falsifiés, portés par des algorithmes toujours plus sophistiqués, brouillent la frontière entre le vrai et le faux. Pour Laurent Guimier, ce phénomène constitue une rupture majeure : « Le temps presse et les cavaliers de la désinformation progressent au grand galop. » Il compare cette révolution à une mutation d’ordre nucléaire, où l’IA devient à la fois un moteur de progrès et une arme redoutable contre la démocratie.
La transformation de l’espace médiatique s’accompagne d’une crise de confiance sans précédent. « Nos fils d’actualité sont des Far West et nos pouces des colts : je te like ou je te bloque… donc je te tue », constate-t-il, dénonçant la polarisation du débat public et l’ascension des médias partisans au détriment du journalisme d’intérêt général.
L’urgence d’une appropriation technologique
Pour Laurent Guimier, les rédactions doivent abandonner leur posture défensive et s’approprier ces nouvelles technologies. « Il est encore temps pour les médias démocratiques de dompter l’intelligence artificielle », plaide-t-il, appelant à un rapprochement entre journalistes et experts technologiques. L’IA pourrait ainsi augmenter les capacités des rédactions en matière d’enquête, d’analyse et d’archivage, à condition d’être maîtrisée et non subie.
Cette souveraineté passe également par un sursaut stratégique à l’échelle européenne. « Au lieu de frissonner chaque jour devant le dernier LLM, l’Europe du journalisme doit investir dès maintenant », exhorte-t-il, regrettant la dépendance croissante des médias européens aux innovations américaines et chinoises.
Un impératif d’éducation et de mobilisation
Au-delà des médias, Laurent Guimier appelle à une coalition plus vaste, associant journalistes, enseignants et chercheurs pour mener un combat structuré contre la désinformation. « Pendant des siècles, le laboratoire, la salle de classe et la rédaction furent les trois sanctuaires inviolables de la vérité et du progrès. Ces trois lieux sont aujourd’hui la cible prioritaire des fondamentalistes du mensonge dopés aux IA débridées », alerte-t-il.