La question à 100 millions que doivent se poser toutes les start-up
La stratégie de commercialisation est de loin l’élément, bien que délicat, le plus déterminant dans le lancement d’une start-up. En effet, le but est de prendre conscience du potentiel de son marché tout en étant rationnel afin d’établir une parfaite adéquation des paramètres de l’offre et de la demande. C’est à partir de celle-ci qu’une entreprise va optimiser au mieux son chiffre d’affaires. Il faut donc se poser une question primordiale, je l’appelle la question à 100 millions d’euros : quand vous aurez finalement atteint un chiffre d'affaires de 100 millions d’euros, quelle sera votre base de clientèle?
1 client qui vous paiera 100 millions d’euros par an
10 clients qui vous paieront 10 millions d’euros par an
100 clients qui vous paieront 1 million d’euros par an
1 000 clients qui vous paieront 100 000 euros par an
10 000 clients qui vous paieront 10 000 euros par an
100 000 clients qui vous paieront 1 000 euros par an
1 000 000 de clients qui vous paieront 100 euros par an
10 000 000 de clients qui vous paieront 10 euros par an
100 000 000 de clients qui vous paieront 1 euro par an
La question à…
C'est une question capitale, dans la mesure où une multitude de décisions corrélatives en dépendent: type de force de vente, modèle de distribution, investissements respectifs en marketing et ventes, pertinence de la proposition de valeur par rapport au niveau de prix visé, etc.
Dans ma carrière, je n'ai eu l'occasion de répondre à la question à 100 millions d’euros qu'à deux reprises ; pour des réponses et des résultats bien différents. Chez Salesforce lorsque nous avons atteint un chiffre d'affaires de 100 millions d’euros, nous comptions approximativement 10 000 clients nous versant 10 000 euros par an. A contrario, chez Workday, les chiffres étaient plus proches de 100 clients payant un million d’euros par an.
Quand j'ai créé ma propre entreprise, Zuora, nous nous sommes positionnés sur le même modèle économique que Salesforce. Qui s'est avéré faux… Puisque nous nous situons plutôt dans la tranche des 1 000 clients avec lesquelles nous réalisons un chiffre d'affaires de 100 000 euros par an car notre modèle nécessite un engagement important dans l’accompagnement des clients.
Cela ne signifie pas pour autant que nous ne réalisons que des contrats à 100 000 euros… Il s'agit bien sûr d'une moyenne. Il n'en demeure pas moins important de se positionner sur la grille précédemment évoquée. Il existe deux types d’entreprises bien distincts: Les entreprises B2C telles que Dropbox ou Evernote qui se situeront naturellement dans la partie inférieure et les entreprises B2B comme Palantir se situeront tout en haut de l'échelle.
Comment définir son potentiel de marché?
Il est important pour chaque entreprise de définir son potentiel de marché. Pour cela, il faut évaluer le nombre de clients potentiels en fonction d’un prix de vente unitaire, définit dans le but d’établir un modèle commercial suffisamment extensible pour atteindre son objectif financier.
Il est encore trop fréquent que des entreprises ciblent un chiffre d'affaires de 5, 10 ou 15 millions d’euros avant de se rendre compte que leurs niveaux de prix sont incohérents avec de tels objectifs. Elles sont alors vouées à l’échec … incapable d'atteindre l'extensibilité requise. La réponse apportée à la question à cent millions d’euros n’en est que plus importante puisqu’elle permet de clarifier une série capitale de questions:
Quel type de force de vente ou de modèle de distribution choisir? Faut-il opter pour un système en libre-service entièrement automatisé ou pour une équipe de commerciaux de haut-vol?
Le marché comporte-t-il le nombre requis de clients potentiels? Il est possible dès ce stade que le modèle prévu soulève des alertes précoces en révélant des perspectives de croissance inférieures aux prévisions.
Est-ce que votre proposition de valeur justifie les niveaux de prix prévus? Vous pouvez dès lors vous comparer à des concurrents de référence et concentrer les recherches de votre équipe sur la création d'un produit idéalement positionné pour votre fourchette de prix.
Comment répartirez-vous vos dépenses entre marketing et ventes? Devrez-vous disposer de commerciaux aguérris pour signer des contrats annuels de plusieurs millions de dollars ou investir dans un marketing de masse, une stratégie «freemium», ou rechercher des abonnements mensuels de type Evernote…
Je vous conseille donc de répondre le plus vite possible à la question à cent millions d’euros.
Tien Tzuo est le fondateur et le PDG de Zuora, entreprise qui édite des solutions de commercialisation, de facturation et de comptabilité pour l’économie de l’abonnement récemment classée 11e sur la liste annuelle des sociétés introduisant des technologies de rupture CNBC Disruptor 50. Tien Tzuo a passé plus de six ans à collaborer avec les meilleures entreprises au monde afin de créer une plateforme primée, suffisamment puissante et flexible pour alimenter le secteur des abonnements.
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Très bon article et en effet, c’est LA question à se poser.
Beaucoup de startups se lancent aujourd’hui avec le rêve de vendre de la data (de la big hein !) une fois qu’ils auront atteints une masse d’utilisateurs. Un peu comme…Twitter qui cherche (toujours) son modèle économique. Bien souvent les startups ne se posent pas cette question sur la stratégie de commercialisation… car elles n’ont pas de business model.