La Silicon Valley au cœur des semi-conducteurs et des puces dans le monde
FrenchWeb publie un extrait du livre David Fayon («Made in Silicon Valley, du numérique en Amérique», Pearson, 2017).
En 1971, le journaliste Don Hoefler, constatant la forte concentration d’entreprises de semi-conducteurs dans la vallée de Santa Clara, employa pour la première fois l’expression de «Silicon Valley» (le silicium, silicon en anglais, étant le matériau de base des puces électroniques). Dans de nombreux cas, il s’agit de start-up fondées dans des garages souvent par des étudiants ou de jeunes diplômés – le premier en date étant celui d’Hewlett et Packard en 1939 puis Intel et Apple suivirent.
Les entreprises présentes dans les semi-conducteurs (Intel, Samsung, etc.) ont besoin de programmation et s’appuient sur des équipementiers.
Tout un écosystème s’est créé. Le marché des mémoires à semi-conducteurs (Dram et Flash) est dominé par les Coréens Samsung Semiconductor et SK Hynix, le Japonais Toshiba et les Américains Micron Technology, Intel et Western Digital.
Historiquement, toutes les entreprises qui concevaient des puces (Motorola, Texas Instruments, Philips, STMicroelectronics, etc.) avaient leurs propres unités de production. Texas Instruments misa sur Morris Cheng, Sud-Coréen prometteur qui obtint un PhD à Stanford en 1964. Il devint par la suite VP de la branche semi-conducteurs de Texas Instruments. Il lança l’idée d’établissement de vente des semi-conducteurs à un prix inférieur aux coûts. L’objectif était de sacrifier les bénéfices escomptés afin de gagner des parts de marché dans le but d’obtenir des rendements de fabrication pour ensuite dégager des profits à long terme. Il créa ensuite Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) en 1987, entreprise pionnière et actuelle première fonderie de semi-conducteurs au monde. C’est de là qu’est partie la place prépondérante de Taïwan dans la fabrication des puces. À Sunnyvale se trouve GlobalFoundries, deuxième fonderie de semi-conducteurs au monde. Elle produit des circuits intégrés pour des entreprises de semi-conducteurs comme AMD, Broadcom, Qualcomm et STMicroelectronics. Sont apparues des entreprises dites fabless, c’est-à-dire que sans usine et sans unité de fabrication, elles n’assurent que le design de puces. La première de ce type est Nvidia. Ceci offre l’avantage d’une économie d’échelle pour les achats effectués par technologies. Il existe des modèles de fabrication qui évaluent le coût du silicium au cm2 pondéré par la taille de la pièce. Ils ont été adaptés pour l’industrie, IBM les ayant adoptés. IBM produit encore des serveurs hautes performances pour les banques et les assurances, pour lesquelles une très haute fiabilité et une sécurité forte sont nécessaires. IBM détient environ 80 % de parts de marché dans les architectures de processeurs de ce type.
Applied Materials est un des acteurs majeurs en tant qu’équipementier pour les fabricants de semi-conducteurs (microprocesseurs et autres puces). Le centre de recherche d’Applied Materials est conçu comme une start-up, l’une des évolutions récentes est l’arrivée de la technologie OLED pour les écrans des smartphones, Samsung et Apple notamment. Toutes les innovations disruptives se font selon trois axes: nouveaux designs, nouveaux matériaux, nouveaux procédés. Cadence Design Systems produit des logiciels et des matériels utilisés pour la conception des puces, des circuits intégrés et des cartes de circuit imprimé. Comme Silicon Graphics dans le passé, leur business model est à réinventer du fait de l’évolution technologique car les stations de travail sont concurrencées par les PC et les smartphones de plus en plus performants. Nvidia fournit pour sa part des processeurs graphiques et des cartes graphiques pour les PC et consoles de jeux.
Le géant Intel a des résultats qui stagnent et cherche des relais de croissance (par exemple datacenters, voiture autonome), ce qui explique aussi des rachats tous azimuts dans des domaines au-delà de son positionnement d’origine comme Movidius pour l’analyse d’image en temps réel ou Nervana Systems dans le deep learning. Arnaud Pierres souligne que « Intel peut arrêter des projets voire licencier du jour au lendemain et embaucher dans des secteurs jugés plus stratégiques ». Avec la connectivité, des petits micro-processeurs, on peut avoir des produits Intel partout. Replay Technologies a été acquis parce que le replay en 3D dans les événements sportifs est synonyme de beaucoup de données et de processeurs. Par exemple dans les stades de baseball ou pour les matchs de basket, il est possible de diffuser des vidéos intéressantes avec des ralentis qui donnent l’impression d’avoir une caméra qui tourne autour du joueur. Dans un stade, entre 30 et 100 caméras peuvent être placées, chaque caméra étant associée à un PC. Les transferts de données se mesurent en térabytes et sont transmises à un serveur avec un logiciel qui tourne pour créer l’image, etc. Nicolas Breil souligne que le slogan «Intel inside» qui raisonne dans les esprits est un «formidable coup marketing» car «Intel est un acteur B2B et la campagne a été faite au niveau du consommateur pour un coût modique».
Intel possède ses plus grosses fabriques aux États-Unis à Phoenix, Portland et Austin. Il s’agit d’endroits où la fiscalité est avantageuse. Les Fab dans les semi-conducteurs sont très automatisés. Et dans des pays où le coût de travail est plus important, cela peut être contrebalancé en partie par l’automatisation et à un degré moindre la proximité avec les clients.
Une autre tendance, outre l’évolution de la performance des puces selon la loi de Moore, est l’utilisation d’architectures moins coûteuses en énergie qui peuvent s’avérer plus efficaces. ARM, entreprise anglaise, à présent filiale de la société japonaise Softbank, a développé des machines avec des processeurs RISC avancés.
Selon Todd Morimoto, «le débat entre un seul micro-processeur très rapide et architecture multicœur tourne plutôt à l’avantage du multicœur étant donné les limites physiques à repousser pour la plupart des biens courants de consommation.»
Le marché du disque dur est dominé par Western Digital et Seagate Technology qui ont leurs sièges respectivement à Irvine, au Sud de Los Angeles, et à Cupertino. Le premier a racheté le Japonais Hitachi Global Storage Technologies en 2011 et le second, qui a inventé le premier disque dur 5"¼ pour ordinateur, a racheté Maxtor en 2005 puis la division de disques durs de Samsung en 2011 et le Français LaCie en 2012. Suivent ensuite les Japonais Toshiba et Fujitsu. On assiste à une concentration du secteur. Globalement la question est de savoir où le stockage des données sera à terme, dans le cloud, sur les disques durs ou dans les mémoires Flash (typiquement les clés USB). Une tendance est d’avoir des baies de stockage hybrides avec des étages Flash pour les données récentes auxquelles on veut accéder plus fréquemment et également des disques durs rotatifs pour l’intérêt de leur grande capacité. Jeff Fochtmann souligne le besoin massif d’exabytes pour le stockage. Les entreprises vont créer des big data analytics avec un processus où les données créent des données. Des plateformes comme Snapchat ont des données massives qui sont créées en temps réel et dont seule une fraction est stockée. Pour avoir de meilleures performances en temps réel, un mix de technologie entre Flash et stockage est à rechercher. A contrario, Facebook a des exigences différentes même si des outils comme Facebook Live sont de nature à remettre en question le rapport aux données et le stockage de Facebook. Les drones avec les caméras embarquées sont également de nature à demander beaucoup d’infrastructures de stockage. Jeff Fochtmann conclut: «Il existe une innovation dans le matériel (disque dur, microprocesseur) – les couches basses non visibles – laquelle multiplie le champ des possibles innovations de nature à changer le monde.»
Made in Silicon Valley, du numérique en Amérique
David Fayon
Pearson, 2017
256 pages
David Fayon est consultant en transformation digitale et Web depuis la Silicon Valley pour des entreprises françaises et conférencier. Administrateur des postes télécommunications, il est parallèlement doctorant à Télécom ParisTech, où ses travaux portent sur la transformation digitale des banques. Il anime le blog davidfayon.fr.