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L’algorithme a parlé, Trump a gagné!

«Chaque Américain pourra désormais accomplir son potentiel. Ces hommes et ces femmes oubliés de notre pays… Eh bien, ils ne seront plus oubliés». C’est ainsi que Donald Trump a gagné l’élection américaine. Dans notre course effrénée pour innover, pour construire un monde meilleur (sic), obnubilés par la disruption et égarés dans le court terme, nous les démocrates avons laissé la moitié de la population sur le carreau. Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe les barrières cèdent, 50% des citoyens refusent cette modernité que nous portons. L’exaltation fait place au désenchantement.

Coincés entre deux impasses

De Trump au Brexit à la montée des droites extrêmes, tous les clignotants sont au rouge et nous sommes coincés en France entre deux impasses: la première, un modèle «montant» qui idéalise le futur en privilégiant le narcissisme plutôt que l’empirique. Un mélange confus de sociale démocratie et d’hyper libéralisme, l’innovation sans vision, le règne des barbares, la Silicon Valley comme religion et qui penche (sans le dire) vers la financiérisation à outrance de l’économie… Un modèle qui n’a pas encore de représentation politique clairement affichée (Macron?) et qui est plutôt incarné par le milieu entrepreneurial, France Digital, les Pigeons, The Family… La seconde est le miroir inversé et tout aussi narcissique de la première: le retour au passé, la nostalgie des Trente Glorieuses, l’état vertical et centralisateur, la technophobie, la recherche impossible d’une identité et qui s’incarne politiquement en France à travers Marine Le Pen, Sarkozy ou Mélenchon. Tout ce qui navigue entre ces deux modèles sera bientôt (un an, cinq ans?) en situation de mort clinique, et en particulier le Parti socialiste et l’aile modérée des Républicains.

Prenons cette élection comme une leçon de l’histoire pour aborder l’après-Trump

Aucun de ces deux modèles n’est à la hauteur pour répondre au train lancé à grande vitesse de la nouvelle révolution industrielle. Personne n’est en capacité d’élaborer des réponses aux enjeux que nous posent le développement implacable et fulgurant des sciences et des nouvelles technologies qui balayent tous les repères connus et enflamment les populismes. L’enjeu est autrement plus ambitieux que ce fameux encouragement à «accomplir son potentiel» qui revient comme un leitmotiv aussi bien chez Trump que chez les nouveaux entrepreneurs, alors qu’il s’agit de réinventer la société en élaborant de nouveaux savoirs. Cette révolution ne fait que commencer et loin de nous désespérer, prenons cette élection comme une leçon de l’histoire pour aborder «l’après-Trump» avec plus d’humilité et de réalisme. Un coup de semonce qui pourrait nous donner à nous Européens l’opportunité de reconstruire une pensée critique, développer une vision qui redonne des perspectives et repense la fracture sociale, de rebondir en ouvrant une troisième voie, repenser la révolution numérique au regard des bouleversements que nous avons vécu ces vingt dernières années et dont le résultat est aujourd’hui Trump et le Brexit et demain Le Pen ou Sarkozy.

La première étape est de faire émerger de nouveaux acteurs

Pour ce faire, nous devons d’abord acter que notre logiciel est usé, qu’il a perdu tout contact avec la réalité. C’est la première étape, la plus délicate car elle remet en cause des logiques de pouvoir et d’intérêt. C’est inacceptable pour les deux camps! La deuxième est de le changer! Et la clé de ce changement n’est rien d’autre que de faire émerger de nouveaux acteurs… Se rendre à l’évidence qu’enfermés dans leur «neutralité» technologique, une culture linéaire axée sur l’ingénieur et les solutions techniques centralisées (un héritage du XIXème siècle), les dirigeants français, des grands groupes aux start-up, sont dépassés, qu’ils n’ont pas la culture ni la formation ni l’imagination pour initier cette révolution. Et c’est en dehors des actuelles filières de recrutement «raisonnables» qu’il faut trouver les nouveaux entrepreneurs capables d’inventer ces nouveaux modèles de business qui vont peser sur l’histoire. Pour «faire tomber les GAFA» et construire un numérique européen qui permette de se reconstruire au-delà de Trump ou du transhmanisme. Nous proposons deux pistes pour «mettre en mouvement» le système, le déclencher. Deux pistes qui ne que font tirer des enseignements du passé en s’inspirant de ces écosystèmes qui dans la Silicon Valley il y a trente ans, nous ont fait faire le premier pas dans la modernité.

La première piste est de valoriser notre capacité de révolte

Comme les pionniers du numérique se sont nourris de la contre-culture. Convaincre les jeunes scientifiques, philosophes, sociologues, littéraires… sensibles aux mouvements de fond qui animent notre environnement, que l’entreprise dans ce nouveau contexte d’hyper complexité est devenue un formidable terrain d’expérimentation et un acteur politique à part entière. Que le nouveau rôle du dirigeant est de sortir de la neutralité et de porter des projets de société sur le long terme. S’engager, générer des idées et des actions créatives, construire des fictions. Développer sa capacité d’anticipation au service d’une action. A l’image des leaders de la Silicon Valley qui ont compris depuis longtemps que l’avenir n’est pas le produit d’actions raisonnables mais qu’il répond à d’autres motifs beaucoup plus complexes. Peter Thiel et Alex Karp ont fait de la philosophie; Steve Jobs, une école d’art; Susan Wojcicki, la CEO de YouTube a étudié la littérature et l’histoire; Tim O’Reilly, le grand maître à penser de la Silicon Valley, a fait des études de lettres classiques. « The ‘Useless’ Liberal Arts Degree Has Become Tech’s Hottest Ticket », argumente McAfee dans son dernier ouvrage, The second machine age.

La deuxième piste est l’immigration

50% des licornes dans la Silicon Valley ont été créées par des immigrés de la première ou deuxième génération. L’enjeu est de faire évoluer notre regard sur l’immigration. Faire émerger de nouveaux leaders multiculturels pour leur force motrice et leur énergie farouche à vouloir réinventer le monde. Leur capacité de prendre du recul face à nos schémas trop lisses. Sortir de notre consanguinité par la diversité, l’inclusion et le pluralisme. Si la créativité «is just connecting things», les immigrés qui traversent la méditerranée ont sans aucun doute une multitude de points de vue à relier, un autre regard sur le monde pour construire avec nous les écosystèmes de demain. Allons les chercher, proposons leur des deals, sans naïveté, sans faux-semblants…

A nous d’en prendre acte

Si l’Histoire avec un grand H est souvent sans pitié, elle est cependant toujours cohérente. Une sorte d’algorithme caché qui fait jaillir sa sentence après avoir analysé les milliards de données qui résultent de nos comportements quotidiens. L’algorithme a parlé, Trump a gagné. A nous d’en prendre acte et d’alimenter l’algorithme avec de nouvelles données.

 

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François Némo est conseiller en stratégie de ruptures et en construction de plateformes.

 

 

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