Le bitcoin, le pari du président Bukele qui ne parvient pas à convaincre les Salvadoriens
Par Oscar BATRES / AFP
« C’est du vol »: le pari du jeune président salvadorien Nayib Bukele d’adopter le bitcoin comme monnaie légale pour relancer l’économie du petit pays d’Amérique centrale ne parvient pas à convaincre les Salvadoriens deux ans après sa mise en place.
Malgré les mises en garde de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, en septembre 2021, le Salvador, dont la dette publique dépasse les 80% du PIB, est devenu le premier pays au monde à adopter, parallèlement au dollar, le bitcoin.
Le but de M. Bukele était de favoriser les transferts d’argent des trois millions d’émigrés, principalement aux Etats-Unis, vers leurs proches restés au pays, en leur permettant d’économiser les frais bancaires.
Un enjeu stratégique, puisque ces transferts pèsent 21% du PIB du Salvador. Il s’agissait aussi de rendre les services financiers plus accessibles à la population, quand 70% des Salvadoriens n’a pas de compte en banque.
Mais deux ans plus tard, dans les rues de la capitale San Salvador, le rejet de la monnaie virtuelle est palpable.
« Je ne vois aucun usage à cette monnaie, ce n’est que de la propagande. Où est le bénéfice ? Il n’y en a pas. C’est un mauvais investissement », témoigne auprès de l’AFP Juan Antonio Salgado, un vendeur de journaux de 65 ans. « C’est du vol », peste-t-il, en référence à son extrême volatilité.
Lors de son lancement dans le pays, le bitcoin valait environ 45.000 dollars. Quelques mois plus tard, il atteignait un record de 68.000 dollars, avant de chuter à un peu plus de 25.500 dollars aujourd’hui.
« Les objectifs poursuivis (…) n’ont pas été atteints, les gens l’utilisent à peine, ils n’ont pas vraiment confiance », résume l’ancien chef de la Banque centrale du Salvador, Carlos Acevedo.
Et la grande popularité dont jouit le président Bukele du fait de la guerre sans merci qu’il a déclaré aux « maras », ces bandes criminelles qui faisaient régner la terreur dans le pays, n’y a rien fait.
– « Pas vraiment confiance » –
Faute de chiffres sur le nombre de Salvadoriens à avoir adopté le bitcoin, une récente enquête de l’Université d’Amérique centrale (UCA) indique que 71% d’entre-eux considèrent qu’il « n’a en rien contribué à améliorer la situation économique familiale ».
Entre janvier et juillet, seulement 1% des 4,71 milliards de dollars d’envois de fonds depuis l’étranger sont entrés dans le pays via le « porte-monnaie » virtuel créé pour permettre les opérations en cryptomonnaie, selon la Banque centrale.
« Les gens n’ont pas vraiment confiance dans une cryptomonnaie dont la valeur change à tout moment », note l’économiste indépendante Julia Martinez. « Ils préfèrent utiliser de l’argent liquide », assure-t-elle.
Le bitcoin « n’existe pas dans l’économie locale », car au Salvador « tout » se paie en dollars : les salaires, les services et les achats, avance César Villalona, un autre économiste indépendant.
Pour l’instant, « on ne peut pas parler d’échec du gouvernement » avec le bitcoin, car « sa valeur peut augmenter à tout moment », estime cependant Carlos Acevedo, tandis que certains Salvadoriens voient dans le bitcoin un avenir.
Pour José Francisco Ayala, un youtuber de 38 ans, l’utilisation de la cryptomonnaie est une question d' »apprentissage ». « Au fur et à mesure que nous allons apprendre, nous allons nous immerger dans cet environnement », assure-t-il.
Reste à savoir ce que compte faire le gouvernement qui se montre désormais discret sur le sujet.
Aucune information n’a été dévoilée sur le projet annoncé en novembre 2021, dans l’euphorie de l’envolée du bitcoin, de construction ex-nihilo d’une « bitcoin-city » via l’émission de l’équivalent d’un milliard de dollars de bons d’Etat en bitcoin.
Rien non plus sur l’achat par le gouvernement d’un bitcoin par jour comme cela avait été annoncé en novembre dernier.
Le pays a déjà consacré 107 millions de dollars d’argent public à l’achat de bitcoin de septembre 2021 à octobre 2022.
- Gestion financière, quels sont les nouveaux outils qui s’imposent à tous dirigeants et CFO pour piloter leurs activités? - 25/10/2024
- Gestion de contrats d’entreprise: quelles sont les meilleures pratiques à adopter? - 21/09/2024
- NAVAN (ex-TripActions), un pionnier de la gestion des voyages d’affaires qui mise sur l’Europe - 14/09/2023