Le Crédit Impôt Recherche a-t-il toujours la cote auprès des entreprises?
Créé par la loi de finances de 1983, et pérennisé en 2004, le CIR (Crédit Impôt Recherche) est-il en train de vivre une nouvelle mutation? Critiqué par les professionnels pour sa complexité et les retours de bâtons des redressements fiscaux (qui peuvent avoir lieu après le versement de l'aide), le dispositif n'a pas toujours fait l'unanimité.
Le Conseil national du numérique l'avait vivement critiqué en juin dernier, au moment de la présentationdu projet de République Numérique. Dans la foulée, le Syntec lançait son programme d’appui aux PME du numérique françaises, avec comme objectif affiché de les aider à utiliser le CIR, et de leur éviter un contrôle fiscal.
Une pratique «vertueuse»
En 2015, les entreprises de la Tech ont perçu en moyenne 40 000 euros de moins par projet déclaré, soit une diminution de 45% en un an, d'après le Syntec. Signe d’une désaffection pour le dispositif, ou simple recentrage du crédit? A priori, il semble que l’institution ait décidé d’accorder le CIR à moins de projets (4,3 projets en moyenne par entreprise en 2015, contre 8 en 2014).
Publié cette semaine, le baromètre «Le CIR dans le numérique», réalisé par le Syntec Numérique, en partenariat avec F.Iniciativas confirme donc la tendance qui se dessinait en décembre dernier: le CIR concerne désormais un plus petit nombre d'entreprises. On notera que ce ne sont plus uniquement les grands groupes, capables de constituer des bataillons d'experts sur les aides publiques. Les entreprises «ont une pratique vertueuse du crédit d’impôt recherche», note le Syntec.
Sans surprise, ce sont les éditeurs de logiciels qui ont le plus bénéficié de ce dispositif, touchant 59 897 euros en moyenne par projet déclarés (vs. 75 582 euros en 2014).
On remarquera enfin que seules 16% des entreprises interrogées dans le cadre du baromètre bénéficient d’un agrément CIR; elles sont en revanche 73% à déclarer leurs dépenses au titre de prestations de R&D externalisées.
Les TPE, grandes gagnantes du CIR
Si l’on compare l'évolution des données fournies par le baromètre entre 2014 et 2015, on constate qu’au-delà de la diminution des montants perçus, c'est la politique d’attribution qui semble avoir changé.
Les TPE (c'est-à-dire des entreprises embauchant moins de 10 salariés) ont été les plus grands bénéficiaires du dispositif en 2015 (avec un montant moyen par projet en hausse de 13%). Les ETI-Grandes Entreprises (plus de 250 salariés) en revanche, ont vu leurs enveloppes moyennes plus que divisées par deux (-59%).
Au-delà de la hausse du nombre de projets déclarés au sein des TPE, on notera que le nombre moyen d'ingénieurs employés est en baisse, quelle que soit la taille de l'entreprise considérée.
Des contrôles quasi-systématiques malgré l'accompagnement
83% des entreprises déclarent se faire accompagner dans leurs démarches («pour sécuriser leurs déclarations, et par manque de connaissance du dispositif»). Elles sont pourtant 72% à ne pas avoir fait appel à la procédure du rescrit, qui permet d'interroger l'administration fiscale sur son cas particulier (la réponse qu'elle formule est juridiquement engageante), et donc de limiter les risques de redressement.
On apprend dans le baromètre que 60% des déclarations ont fait l’objet d’un contrôle sur les cinq dernières années, et que ces contrôles proviennent majoritairement de l’administration fiscale. Dans 70% des cas, c’est toute la comptabilité de l'entreprise qui est contrôlée.
On notera que seules 3% des entreprises interrogées ont eu une pénalité pour manquement délibéré.
La peur du contrôle fiscal
82% des entreprises interrogées estiment que le CIR a eu un impact «important» voire «très important» sur leur stratégie de R&D. Il a permis à 31% des entreprises interrogées d’augmenter leurs investissements en R&D, et à 27% d’entre elles de recruter du personnel qualifié en 2015.
Elles sont 36% à déclarer qu'elles réduiraient leurs investissements en R&D si le CIR disparaissait; 25% réduiraient leur personnel de R&D. On notera enfin que le CIR a permis à un quart des TPE interrogées de se développer vers de nouveaux marchés.
Si les entreprises bénéficiant du CIR semblent convaincues de son intérêt, des freins subsistent. Un tiers des entreprises craignent un contrôle fiscal (en hausse de 15 points de pourcentage par rapport à 2014), et 16% déclarent manquer de temps (+10 points cette année).
Pour rassurer les entreprises, la Médiation Inter-entreprises a d'ailleurs publié en juin dernier une liste de cabinets «compétents» et «reconnus par le ministère de l’Economie».
L’avis de F.Iniciativas
«Financièrement, le dispositif du CIR est très attractif pour les entreprises françaises: elles peuvent déclarer jusqu'à 30% de leurs dépenses de recherche sous forme d'économie d'impôts. C'est même l'un des dispositifs d'aide publique les plus attractifs» confient à Frenchweb Téoman Atamyan et Bastien Caillaut, respectivement directeur technique et directeur marketing et partenariat chez F.Iniciativas, à l'initiative du baromètre. «Des entreprises comme IBM ou Facebook ont implanté des centres de développement en France, et ont publiquement communiqué sur le fait que le CIR a été l'un des critères dans le choix du pays» ajoutent-ils.
«Contrairement à ce qu'on peut entendre, on est rarement dans des situations d'effets d'aubaine. Le CIR entre comme un élément à part entière d'analyse de financement de projet dès le démarrage, surtout pour les projets les plus à risque sur le plan technologique». Le fait de bénéficier ou non du CIR peut donc être déterminant dans le fait de décider de lancer un projet ou non.
**Méthodologie: un questionnaire en ligne a été envoyé aux membres du Syntec Numérique et aux clients de F. Iniciativas appartenant au secteur du numérique, entre le 15 octobre 2015 et le 22 janvier 2016. 164 entreprises y ont répondu (68% de TPE, 19% de PME et 13% d’ETI- Grandes Entreprises). A noter: 55% des répondants sont des éditeurs de logiciels, 33% des Entreprises de Services du Numérique, et 12% des sociétés de Conseils en technologies. 93% des répondants réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros.
LIRE aussi: Un CIR mieux utilisé, mais un CII encore méconnu des PME
VOIR le baromètre complet:
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