Le digital permet de se réapproprier ce qui a longtemps été considéré comme «réservé à»
Parce qu’ils ne sont ni connaisseurs, ni fortunés, des milliers de personnes n’osent pas pousser la porte d’une galerie d’art, des salles d’enchères ou des foires d’art ou, quand ils osent, sont souvent intimidés. Le grand public catégorise lui même l’art contemporain de marché réservé aux élites financières ou aux Parisiens. Pourtant, depuis quelques années on observe une évolution des mœurs autour de l’achat d’art, portée par une digitalisation du marché.
Cette tendance nous l’observons ces dernières années avec le fleurissement de nouveaux business models permis par le digital, comme la marketplace. À l’instar d’Etsy, Discogs, Collector Square, les marketplaces font découvrir ou re-découvrir des secteurs, et acquérir des biens qui, jusque là, semblaient inaccessibles. Etsy, par exemple, met en lumière de jeunes créateurs dans le monde entier, quand Collector Square se positionne sur le luxe avec la vente d’occasion d’accessoires de mode de grandes marques (montres, sacs à main et bijoux). Discogs, quant à lui, permet à tout à chacun de vendre CD, cassettes ou vinyls. Ce dernier compte d’ailleurs près de 280 000 contributeurs. Plus globalement, les plateformes e-commerce, et notamment les plus sélectives comme Collector Square, facilitent l’accès à des secteurs de niche.
Cette digitalisation touche désormais aussi le secteur de l’art. Le marché de l’art en ligne, estimé à
3,3 milliards de dollars en 2015, devrait tripler d’ici 2020, pour avoisiner les 10 milliards, selon une étude Hiscox. Le digital facilite la découverte et l’acquisition d’oeuvres d’art, auprès d’un public plus large. Il donne aussi une image en temps réel, et accessible en quelques clics, des dernières tendances en matière d’art contemporain. Vous pouvez suivre depuis chez vous l’actualité des foires, des ventes aux enchères, des galeries, et des artistes à travers le monde.
Dans le cas plus précis des marketplaces d’art, celles-ci offrent un accès plus large à la création artistique, à travers le monde. Chaque jour elles s’étoffent des dernières oeuvres d’artistes reconnus ou à fort potentiel. En outre, elles facilitent les attentes des clients plus rapidement, les accompagnent dans leur démarche d’achat par le biais de contenus spécifiques comme des sélections d’oeuvres par thème, ou de services personnalisés, comme la mise en relation avec des conseillers en art. Les sites de ventes d’oeuvres en ligne offrent à chacun la possibilité d’enrichir leurs connaissances, d’apprendre à mieux connaître les artistes et leurs oeuvres, et de découvrir les rouages de ce marché, somme toute de mieux appréhender l’art pour l’acheter. Les marketplaces d’art sont de véritables bibles sur les artistes, les oeuvres, l’état du marché.
Pour autant, il est important de comprendre que les marketplaces d’art ne se substituent pas aux acteurs historiques de ce marché: les galeries, les commissaires, les curateurs… Elles rendent justement plus visibles leur travail et leur expertise. Car, c’est justement l’expérience multicanale qui rend l’art davantage accessible. Par exemple, si nous n’osons pas, ou n’avons pas le temps d’explorer les galeries, elles viennent à nous, grâce au digital. Il n’y a plus de freins physiques. Cette complémentarité tend à toucher un public plus large d’amateurs d’art, pour l’encourager à passer ensuite du virtuel au réel.
Qu’ils soient novices ou aguerris, les collectionneurs sont de plus en plus nombreux à adopter ce nouveau canal de distribution, pour sa rapidité et sa simplicité. Les amateurs eux, ne sont plus retenus par la crainte de ne pas se sentir à leur place. Derrière les écrans, ils osent l’art.
Les nouvelles technologies contribuent à accompagner, voire développer l’engouement des particuliers pour l’art. À côté des marketplaces, d’autres nouveaux business models se sont développés. Par exemple, la start-up Bright diffuse des oeuvres numériques sur les écrans des espaces publics pour de grandes marques, comme Nike et Twitter. Elle offre ainsi un nouveau mode de communication à travers l’art pour les entreprises. Il y a aussi l’exemple d’Artips, qui propose à ses lecteurs une newsletter décalée sur les artistes et leurs oeuvres, envoyée trois fois par semaine.
Bien que le marché de l’art soit réputé fermé et réfractaire au digital, tous ces exemples prouvent qu’une révolution est en marche avec des technologies qui contribuent à désacraliser ce secteur. Qui aurait pensé, il y a encore cinq ou six ans que les oeuvres d’art allaient se vendre en ligne, à des prix allant d’une centaine d’euros et plusieurs milliers d’euros?
François-Xavier Trancart est le co-fondateur et le directeur général d’Artsper, le site de vente d'art contemporain. Diplômé de l’EDHEC, il se destinait d’abord à une carrière dans le marketing, après des expériences au sein de Bacardi-Martini et Unilever. Mais c'est sa passion pour l'art contemporain qui l'amène à rejoindre l'aventure entrepreneuriale Artsper, initié par Hugo Mulliez, dès ses débuts.
François-Xavier Trancart a notamment mené le développement du web magazine Artsper. Il se concentre aujourd’hui sur la stratégie, le développement à l’international, la construction de l'équipe marketing et communication mais plus largement son objectif est de transmettre à l'ensemble des équipes d'Artsper la vision du projet. Il intervient régulièrement dans des conférences sur des sujets comme l’entrepreneuriat, les places de marché ou encore la digitalisation de l’art.
Lire aussi:
- Interview de Jon Kolko: «Le design thinking devrait être un art libéral»
- 5 entreprises françaises qui innovent sur le marché de l’art