Dans le match qui oppose les médias (sites, blogs… ) aux régies publicitaires (Google, Yahoo!, Facebook…), la première manche a été remportée par ces dernières. Là où ces intermédiaires claironnent des revenus en milliards de dollars, les producteurs luttent, souffrent, s’amenuisent ou disparaissent.
Sans entrer dans les causes, constatons que la quasi-impossibilité de faire payer aux internautes l’information a rendu les médias d’autant plus dépendants de la publicité. Or celle-ci s’est avérée de moins en moins capable de les faire vivre.
Cela a poussé nombre de médias au bord du gouffre, et le désespoir a conduit jusqu’au plus respectables d’entre eux à bourrer leur site de publicité comme un vulgaire site pornographique. Qui n’a fait l’expérience, sur les sites du Monde, de Libération ou du Figaro, pour ne citer qu’eux, de ces publicités s’interposant entre vous et la page que vous avez demandée, de celles qui envahissent votre espace de lecture, des vidéos qui se lancent automatiquement, etc. ? Quoi de plus révélateur, par exemple, que cette banale page de Libération où l’information est restreinte à un quart d’écran ?
Ce phénomène est patent depuis plus de dix ans, et n’a fait que s’aggraver. Mais que les médias aient ainsi compromis leur raison d’être : informer, et la raison d’être de la visite de leurs lecteurs : s’informer, ne pouvait pas ne pas entraîner de contre-réaction.
Elle est venue, comme souvent sur Internet, des développeurs. Ce sont des programmes tels qu’Addblock, Cooliris, Joli Print ou ireader. Toutefois, malgré leur intérêt, il n’ont guère pris au-delà du cercle des internautes avertis. La majorité s’est rebellée silencieusement : machinalement négliger les publicités, non plus lire mais parcourir ou bien imprimer.
Bref, un problème majeur s’est progressivement posé : celui de lire sur un écran. Et qui dit problème majeur dit opportunité majeure.
La première entreprise à se saisir avec succès de cette opportunité fut Amazon. Le 19 novembre 2007, sur le modèle de l’iPod relié à iTunes, la firme de Jeff Bezos lança le Kindle : tablette électronique reliée par Internet à une librairie de documents numériques. Il était désormais possible d’acheter en un clic des livres, des journaux et des magazines pour les lire sur sa tablette avec un confort de lecture inédit.
Le succès fut immédiat. Les milliers d’exemplaires en stock sont partis en quelques heures. Aujourd’hui, ce sont des millions de clients qui possèdent un Kindle et achètent des ouvrages numériques, et un analyste prédit à cette activité un chiffre d’affaires de 3,6 milliards de dollars en 2011.
Des chiffres de cet ordre ne pouvaient que difficilement laisser insensibles des mastodontes du high-tech.
Quand Steve Jobs lança en avril dernier l’Apple » href= »http://fr.wikipedia.org/wiki/IPad » target= »_blank »>iPad, il ne dissimula guère que le succès du Kindle l’avait inspiré, mais qu’il souhaitait faire beaucoup mieux. Et mieux il fit : l’élégance de l’appareil, son ergonomie, sa bibliothèque en ligne de millions de logiciels (l’app store) et un marketing hors du commun en firent un succès sans précédent : trois millions d’iPad vendus en 90 jours – probablement autant qu’Amazon à ce jour ! – et des prévisions de plus de 20 millions en 2011. À au moins 500$ la machine, et compte non même fait des ventes de logiciels, c’est un marché considérable qui est ouvert.
Amazon a tiré les tablettes du néant commercial ; Apple les a tirées de la (prospère) niche des lecteurs pour les lancer sur le marché du grand public.
Mais tout le monde ne peut pas débourser 500$ pour une tablette, et c’est un marché bien vaste pour un seul acteur. De fait, plusieurs constructeurs s’engouffrent dans la brèche et des tablettes à très bas prix ne devraient pas non plus tarder à apparaître. Au total, près de 20 millions de tablettes devraient être vendues dans le monde dès cette année et 55 millions en 2011.
Les tablettes vont être un des axes majeurs du développement du numérique.
Mais qu’ont-elles de si attirant ? Les tablettes proposent une combinaison unique de mobilité, de simplicité et de confort de lecture. Il n’est dès lors pas étonnant qu’un de leurs premiers usages soit la consommation de contenu : livres, vidéo, journaux, magazines…
Ces derniers sont particulièrement appréciés : les possesseurs de tablettes passeraient 50% de temps en plus à lire des magazines.
C’est aussi que, de façon remarquable, les premiers éditeurs de contenu à s’engouffrer dans la brèche furent des éditeurs de magazine. On ne compte plus leurs initiatives : Esquire, GQ, Popular Science, Sports Illustrated, Time, Vanity Fair, Wired…
Les acteurs traditionnels permettant de réaliser des magazines pour tablettes se bousculent : Adobe, Quark, Woodwing, Vjoon, Zinio, etc. Les technologies Web se mettent à la page, comme HTML5 ou Javascript. De jeunes entreprises exploitent également le format magazine : Flipboard, Flud, Madmagz, Paper.li, Printcasting, Pulse…
Grâce au Web et aux tablettes, le magazine vit une deuxième jeunesse, et l’on ne peut que s’étonner de sa versatilité. Il incorpore toujours textes et photos, mais aussi désormais diaporamas, vidéos, liens, commerce, réalité augmentée, fonctions de partage… ; et le plaisir de lire est renouvelé, qui prend sa source dans le confort visuel, le toucher ainsi que le choix du lieu, du mode et du moment de la lecture.
Mais quid du business ?
Les éditeurs traditionnels y voient une opportunité inespérée de régénérer leur antique modèle économique : vendre leur magazine à leurs lecteurs et récupérer les annonceurs qui avaient délaissé leur édition papier pour ne récupérer sur Internet qu’une fraction de leur budget. Et non sans raison. D’après The Economist, les magazines sont vendus sur iPad à un prix proche de l’édition papier et la publicité coûte 0,10$ par lecteur.
Aussi ne faut-il pas s’étonner que Steve Jobs leur ouvre les bras avec Apple » href= »http://www.igeneration.fr/app-store/de-nouveaux-details-sur-le-kiosque-numerique-d-apple-16291″ target= »_blank »>un projet de kiosque magazines et une plate-forme publicitaire nommée iAd. Plusieurs autres acteurs voudraient de ce rôle de chevalier blanc, en particulier Google. Celui-ci fait avec succès la promotion de son système d’exploitation Android (concurrent de Apple) » target= »_blank »>celui d’Apple), et a déjà racheté plusieurs entreprises dans le secteur de la publicité dont DoubleClick et surtout AdMob.
Bref, c’est la foire d’empoigne autour de ce gâteau de plusieurs dizaines de milliards de dollars. Qui en emportera la plus grande part ? Les producteurs de contenu ? Les intermédiaires ? Les constructeurs ? De nouveaux acteurs ? L’avenir dira, mais le magazine se dessine comme le média élu pour une consommation de qualité de tous les contenus.
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La qualité d'un homme se reconnaît dans la valeur de son ouvrage. Autrement dit, on juge le mérite d'un homme aux vertus de son œuvre.