Le recrutement, c’est du marketing et de l’expérience candidat
Les RH et, dans ce cas précis, le recrutement, vont comme toute l’entreprise se retrouver confrontés à ce que je j’appelle la consumérisation de l’environnement de travail. Par là j’entends que les pratiques, dispositifs et outils orientés collaborateur, vont ressembler de plus en plus à ce qu’on met en place coté client. Cela participe à plusieurs approches qui relèvent autant de l’expérience employé que de la nécessité de considérer le collaborateur comme un client interne.
C’est le candidat qui mène la danse dans le recrutement
Bien sûr cela ne tombe pas du ciel et ne relève pas du vœu pieux mais est la conséquence de deux choses. D’un coté une évolution des attentes du collaborateur/candidat qui ne comprend plus comment une entreprise peut déployer d’incroyables efforts lorsqu’il est client et faire de son parcours un enfer lorsqu’il postule ou travaille pour elle. Et de l’autre coté des enjeux d’engagement et de productivité qui se combine à une rareté des talents qu’on désire désormais développer et fidéliser plus que jamais.
Bref et comme le montre une récente étude, c’est désormais le candidat qui mène la danse sur le marché de l’emploi.
Ce qui justifie qu’on se soucie désormais autant des candidats qu’on se soucie des clients, reconnaissant que l’entreprise n’est plus en position de force face à eux.
Désormais on commence à parler d’expérience candidat. Un candidat qui a une mauvaise expérience sur un site carrière a de plus en plus tendance à ne pas candidater. De plus en plus d’entre eux veulent être capables de facilement candidater sur mobile.
Pour en lire davantage sur l’impact du mobile sur le recrutement c’est ici.
On sait proposer des contenus ou des produits ciblés à un client en fonction des données que l’on a sur lui. On doit pouvoir le faire de la même manière avec un candidat, d’autant plus que lorsque celui-ci se connecte à un site carrière avec son compte linkedin il n’est pas concevable de ne pas lui «pousser» les offres d’emploi les plus pertinentes. Car comme le client, le candidat est en recherche de pertinence et plus l’employeur sera proactif à lui proposer la bonne offre moins celui-ci aura l’impression de perdre son temps à fouiller dans les offres. On doit être en mesure de personnaliser la home-page du site carrière et d’évaluer les meilleurs offres, les contenus voire la meilleure formulation d’une offre par de l’A/B Testing.
Il est aujourd’hui inconcevable de construire une relation avec un candidat, d’investir dans cette relation et tout jeter à la poubelle si le recrutement ne se fait pas. De la même manière que les entreprises ont un «pipeline» client, elles doivent avoir un pipeline de candidats qui permet d’activer le bon candidat au bon moment, voire maintenir la relation dans le temps: aller réactiver un candidat déjà connu sans avoir à recommencer tout le processus d’identification. Le candidat est sensible à l’attention qu’on lui montre dans le temps et s’il a refusé une fois, rien ne dit qu’il n’acceptera pas une offre future si on continue à lui témoigner de l’attention, à montrer qu’on s’occupe de lui, qu’on pense à lui.
Un candidat a exactement les mêmes attentes qu’un client
Il y a pleins de manières de créer de l’engagement avec un candidat et de lui proposer une expérience personnalisée. Cela concerne les contenus (être intéressant et pertinent en tant qu’employeur), les offres, les possibilités d’interactions. Pour cela on sait très bien proposer au client des contenus, un «univers de marque» cohérent et de qualité, on sait le suivre sur différents canaux pour se rappeler à lui, pour l’informer, on sait lui proposer des interactions qui vont renforcer son intérêt et son engagement. Il n’y a aucune raison de ne pas proposer la même chose à un candidat que l’on veut attirer.
Enfin, comme le client, le candidat est en attente de transparence sur l’état d’avancement du processus de recrutement et s’attend à ce que l’entreprise face preuve de transparence et mette ces indicateurs à sa disposition.
En deux mots, il n’y a aucune raison que l’expérience client, comme l’expérience candidat/employé et le Candidate Relationship Management ne devienne pas une discipline RH majeure.
A ce stade je pense que, dans leur très grande majorité, les professionnels du recrutement:
- perçoivent les enjeux de la consumérisation de leur métier mais de manière encore diffuse
- adhèrent à l’idée de la Candidate Expérience mais n’ont pas encore la dimension «marketing» en tête
- la plupart ne dispose pas de la technologie nécessaire donc ces cas d’usage ne leur ont pas encore été suggérés.
- ils sont séduits mais ne savent pas encore «comment y aller», ne savent même pas qu’il est possible d’y aller d’ailleurs.
Pour ceux qui désirent avancer sur le sujet, j’aurais été tenté de leur dire «allez taper à la porte de votre direction marketing…ils ont les outils».
Vers la «marketingisation des outils RH»
En questionnant certains exposants à HRTech World Congress en octobre dernier, je me suis rendu compte de deux choses. La première est que la plupart des start-up qui exposaient avaient clairement cette orientation client en tête. Beaucoup de leurs produits destinés aux HR auraient pu très bien finir au marketing en changeant le nom de l’offre.
Plus intéressant, certains acteurs installés ont d’ores et déjà entrepris la mutation de leurs offres. J’ai pu longuement discuter avec les équipe Smarter Workforce d’IBM et Dave Millner et constater que ce mouvement se traduisait depuis peu concrètement dans leurs produits. L’équation recrutement = marketing est d’ores et déjà la ligne directrice de leur roadmap produit.
Pratiquement parlant, IBM a été «piocher» dans ses solutions «commerce» pour commencer à en intégrer certaines fonctionnalités dans son offre RH.
- un outil de «Candidate Relationship Management» pour créer des expériences personnalisées pour les candidats en fonction de la connaissance que l’on a d’eux, de leurs comportements de recherche et bien sur de modèles prédictifs basés sur les données. La dimension «lead management» permet de trouver les meilleurs moyens et canaux pour engager proactivement la relation avec un candidat et mesurer le succès de telle ou telle approche.
- des web analytics permettant d’analyser l’expérience et l’engagement des candidats, savoir où, quand et pourquoi ils abandonnent le processus de candidature et ainsi accroitre l’efficacité du recrutement. Ce qui inclue de l’A/B Testing.
- la dimension mobile qui permet une expérience unifiée cohérente de bout en bout. Peu importe l’écran ou le périphérique, tout doit fonctionner de la même manière, être aussi simple.
Une approche marketing du recrutement : révolution culturelle pour les RH?
L’idée derrière tout cela est elle aussi «volée» au marketing : il s’agit du concept de «Next Best Action». A chaque moment l’utilisation des données, de la connaissances des candidats, des postes, de la réaction des candidats à telle approche doit permettre de prendre la meilleur décision à la fois à un profil donné et aux besoins en termes de recrutement, de proposer les bonnes actions, en fonction des objectifs poursuivis et de la réaction prévue du candidat.
Ca n’est surement que le début et je suis curieux de voir à quel point et à quelle vitesse les HR vont changer leurs approches et pratiques de recrutement en fonction de ce paradigme et de ces outils nouveaux. En effet, comme souvent lorsqu’on parle de la transformation des métiers sous l’impact du digital, l’enjeu n’est pas la technologie (elle est là, disponible) mais la révolution culturelle nécessaire à sa pleine appropriation.
Et de votre coté, vers quoi voyez-vous le recrutement évoluer? Cette tendance vous semble-t-elle durable? Souhaitable?
Bertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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