L’e-réputation d’un candidat est-elle importante dans le processus de recrutement?
Depuis presque 10 ans, je m’intéresse à l’impact d’internet, des réseaux sociaux sur les ressources humaines et plus particulièrement au sujet de l’e-reputation des entreprises et des candidats. Sur ce dernier point, j’ai pu dialoguer avec de nombreux candidats, experts du recrutement, RH et manager d’entreprise. Il apparait que la crainte des candidats concernant leur image sur les réseaux sociaux est que les recruteurs fouillent partout sur Internet pour chercher si telle ou telle personne a fait des erreurs dans sa vie, a publié des photos compromettantes…
Nous sommes à l’ère du selfie, de l’égo, de la célébrité «virtuelle», de la télé réalité… et petit à petit, dans l’inconscience collective, beaucoup pense que cela va se propager (si ce n’est pas déjà fait) dans les techniques de recrutement. Certes, l’e-réputation candidat, ou autrement dit, la promotion de son image, de ses compétences et expériences, repose sur une certaine forme d’égo mais pour réussir à se faire embaucher, il faut savoir parler de soi. Ce n’est pas de l’égocentrisme, ni de la vantardise, mais tout simplement un échange nécessaire pour que le candidat explique au recruteur et au manager qui il est, ce qu’il a fait et ce qu’il peut apporter à l’entreprise.
J’ai trop souvent entendu que seules les personnes ayant du «bagou» arrivent à «se mettre en avant» de la sorte. C’est une erreur majeure, car tout le monde se connait, tout le monde est en capacité de dire ce qu’elle sait faire, ce qu’elle a fait… Pas la peine de «survendre», de faire «juste» du marketing. Il faut parler vrai! Tout comme une entreprise doit promouvoir à l’extérieur ce qu’elle est en capacité de prouver en interne, un candidat doit être en capacité de mettre en avant ce qu’il est capable d’expliquer et de démontrer en entretien, puis dans son quotidien de collaborateur.
Avant de poursuivre, je me dois de rappeler des principes qui me tiennent particulièrement à coeur. Un recruteur recherche:
– des personnalités pouvant s’adapter au mieux à la culture de l’entreprise ou bien pouvant faire évoluer la culture de l’entreprise,
– des personnes pouvant s’intégrer dans les équipes déjà en place,
– des potentiels.
Un recruteur est là pour expliquer au manager que le «mouton à 5 pattes» n’existent pas et qu’il faut trouver les candidats correspondant à un maximum des critères mais pas à tous. Il ne recherche pas:
– des informations sur la vie privée des candidats,
– des candidats superficiels,
– des selfies.
Il faut également rappeler un point primordial. Si un recruteur tombe sur une vidéo d’un candidat le montrant en train de faire un acte répréhensible par la loi, il y a toutes les chances du monde pour que ce candidat ne soit jamais appeler pour parler de ses compétences. Logique?
Rappelons maintenant les enjeux et problématiques que rencontrent les candidats et les entreprises dans leurs démarches de recrutement et d’embauche.
Pour le candidat, il s’agit de:
– faire en sorte que son CV, son profil, ses compétences soient lus, repérés par les entreprises qui recrutent,
– réussir à obtenir un entretien d’embauche,
– réussir à se faire embaucher dans une entreprise répondant à ses critères de qualité de vie au travail, d’évolution professionnelle…,
– réussir à obtenir une rémunération lui permettant de construire sa vie.
Pour l’entreprise, il s’agit de:
– faire en sorte que les opportunités de poste, de stage, d’apprentissage soient lues, repérées par les candidats ayant les compétences requises,
– réussir à faire venir le candidat à un entretien,
– réussir à embaucher le candidat répondant aux critères culturels de l’entreprise, aux besoins d’évolution de celle-ci…,
– réussir à négocier la rémunération qui convient au marché interne de l’entreprise (principe d’équité interne à l’entreprise) et aux exigences de gestion des coûts.
Les enjeux/problématiques sont les mêmes des deux côtés. Candidats et entreprises ont des objectifs communs: se faire connaitre, être attractif, trouver un emploi ou un collaborateur, poursuivre son évolution professionnelle ou sa croissance…
Le marché du travail est très complexe car il y a de nombreux demandeurs d’emploi et de nombreuses opportunités. Le problème? Les attentes et compétences des uns ne correspondent pas aux attentes et compétences des autres. Un vrai casse-tête.
De ce fait, l’e-reputation est primordiale car c’est un outil de plus que le candidat possède pour se faire embaucher. Au delà de faire une étude de marché sur les secteurs intéressants (intérêt du candidat pour l’objet de l’entreprise, l’entreprise est elle dans un secteur porteur, l’entreprise peut elle répondre aux attentes du candidat…), sur les secteurs qui recrutent, d’identifier les postes qui correspondent à ses attentes, d’envoyer des centaines de CV aux entreprises, le candidat a désormais la possibilité de construire son image et de pouvoir la partager pour attirer les recruteurs potentiels. Les réseaux sociaux ont permis d’étendre le champ des possibles en la matière. Le candidat a désormais plusieurs outils l’aidant à construire son image, à la véhiculer et la proposer auprès de son réseau professionnel.
Même lorsqu’il est en poste et qu’il n’a pas forcément envie de changer d’entreprise, le candidat peut mettre en avant ses expériences, présenter les projets clés réalisés… et ainsi faire vivre son profil. Avant, les CV étaient statiques. Désormais, les profils des réseaux sociaux professionnels sont agiles, modulables. Ils peuvent être enrichis par des vidéos, des blogs ou tout autre support permettant de promouvoir son savoir, ses réalisations. Il est possible que des collègues, des anciens managers ou partenaires recommandent le candidat, mettent en avant ses compétences… L’e-reputation est donc un atout majeur pour se faire remarquer. Et se faire remarquer est le premier pas vers le recrutement.
Par ailleurs, il faut rappeler que le recruteur est une personne qui doit réussir à trouver rapidement le candidat qui va correspondre au mieux aux attentes de ses clients internes (si celui-ci évolue dans une entreprise) ou de ses clients externes (si celui-ci évolue dans un cabinet de recrutement). De ce fait, toutes les astuces qui vont lui permettre de trouver rapidement, de faciliter sa recherche sont les bienvenues. Souvent, j’entend dire que, de ce fait, les recruteurs ne prennent pas le temps de regarder toutes les nuances des CV, des candidatures, de lire entre les lignes… Cela tient au fait que certains candidats réussissent à attirer directement le recruteur, alors pourquoi chercher plus loin lorsque nous avons la solution sous les yeux?
Je tenais également à rappeler que l’e-reputation sert de plus en plus au processus d’intégration. Il n’est pas rare d’entendre lors de son embauche: «j’ai regardé tes profils Linkedin, Viadeo, j’ai regardé les vidéos Youtube que tu as postées…». Les futurs collègues se servent de l’e-réputation du candidat pour se faire une idée de qui vient d’être recruté. Il ne faut donc pas penser son e-reputation que pour l’acte de recrutement mais bien pour l’ensemble du processus qui se termine après les phases d’intégration dans l’entreprise.
Donc, candidats, soignez votre e-reputation pour mettre un atout de plus de votre côté
Julien Cotte est responsable du développement des talents et des organisations à l'Institut Pasteur.
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