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Le SIRH ne sert plus seulement les RH mais les collaborateurs

Il fut un temps où assister à un événement sur le SIRH était ennuyeux à souhait. Non pas que le sujet n’était pas intéressant (à partir du moment où il est vital il ne peut être ennuyeux) mais parce qu’il se renouvelait peu et ne donnait pas matière à innover et s’extasier.

Rien de plus normal. A l’heure où l’on parle beaucoup du futur de la fonction RH, de ses pratiques et outils (un serpent de mer qui commence à faire son âge mais qui prend de plus en plus corps), touchant au cœur d’une fonction plutôt conservatrice par nature et par obligation, il ne faut pas non plus sombrer dans l’excès inverse de tout ce qu’on a connu jusqu’à présent. Oui le corps social change, oui le collaborateur change, oui les attentes changent, oui la société change, oui la fonction RH de 2020 ne ressemblera certainement que de très loin à celle que l’on connaît aujourd’hui (et peut être même portera-t-elle un nom différent) mais pour autant les fondamentaux (core-hr, paie, compliance, relations sociales…) sont là et resteront vitaux. Une entreprise peut innover (voire échouer) sur certains sujets émergents aujourd’hui qui seront la norme demain mais jamais elle ne pourra se permettre la moindre défaillance sur les sujets «legacy».

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Refuser de voir les évolutions à venir est dangereux mais faire table rase du passé l’est tout autant. La transformation digitale n’est pas une affaire de «OU» mais une affaire de «ET». Ce qui n’est pas sans poser des questions à une fonction que l’on voit davantage comme un coût, souvent sous staffée et à qui on demande d’en faire encore plus: comment faire tourner l’existant à la perfection tout en innovant sur le futur?

Petit état des lieux opéré à l’occasion d’HRTechWorld 2016 Paris en octobre dernier.

Les éditeurs de solutions RH parlent à l’utilisateur final

Pour essayer de cerner les grandes tendances j’ai d’abord fait un tour rapide des différents exposants. Comme certains je suis convaincu que les logiques de consumérisation de la fonction RH et de frontalisation du SIRH que j’évoquais ici étaient inéluctables. Restait à voir si cela commençait à arriver.

Logiquement je commence par les start-up car si le marché doit bouger c’est de là que viendra l’impulsion, le temps que les paquebots «legacy» prennent ou non le virage.

Il était tôt le matin et j’ai cru m’être trompé d’endroit. Trois expressos plus tard j’ai du me rendre à l’évidence: j’étais à HRTech et pas au salon des solutions marketing. Pourtant en termes de discours et de slogan les ressorts utilisés sont les mêmes. On ne parle plus aux utilisateurs RH de leur métier mais du fait qu’on allait apporter directement des services aux collaborateurs. Le back office devient un front office, le collaborateur devient un client et on vend du bénéfice utilisateur qui devient un bénéfice par ricochet pour la fonction RH. Le message est «on donne un service à vos collaborateurs, ils vont adorer, et vous aller en tirer les bénéfices». Ou vu sous un autre angle «cessez d’être l’interface entre vos clients internes et vos systèmes, gardez votre temps pour ce pour quoi vous êtes irremplaçables». On ne parle plus de gérer les ressources humaines mais d’apporter des services aux humains (l’un ne dispensant pas de l’autre, rappelons le).

De gérer les ressources humaines à apporter des services aux humains

Allons donc voir ensuite ce qui se passe chez les «legacy». Eux n’ont pas la chance de se positionner sur des services nouveaux uniquement en laissant aux autres la dimension historique des RH. Ils doivent exceller sur le second point et ne pas se faire distancer sur le premier.

Et on retrouve chez eux la même logique que chez les jeunes pousses. Que l’on parle des fonctions historiques ou des nouveaux services, tout est orienté vers l’expérience de l’utilisateur final qui n’est plus uniquement un utilisateur RH. Et avec un vrai travail fait sur les interfaces: on semble avoir compris qu’on pouvait être sérieux sans être ennuyeux ou repoussant.

Bref en résumé:

  • consumérisation: l’utilisateur est un client qui demande des pratiques, outils et services similaires à ce qu’il a en tant que client dans sa vie privée.
  • frontalisation: beaucoup d’outils mis dans les mains des RH jusqu’à présent sont proposés directement au collaborateur.
  • empowerment: logique d’outils self-service, on demand.
  • expérience: on est dans une logique de service, de satisfaction, voire de plaisir, plus d’utilisation contrainte d’un système peu adapté.

 

A titre d’exemple, chez Talentsoft, Hello Talent, permet à chacun de gérer son propre écosystème et vivier de candidat. L’ubérisation du recrutement? Chez Oracle le portail RH est digne d’une solution ecommerce du marché: tout est conçu pour l’expérience du collaborateur en terme d’interface et de services. On voit des applications «well being» et «santé» arriver dans le portefeuille applicatif (les salariés peuvent se comparer et organiser des concours par rapport aux données de leurs montres et bracelets connectés pour créer une dynamique vertueuse). Et, toujours chez Oracle, on a parlé des HRbots qui deviennent une réalité (ce qui fera l’objet d’un billet spécifique). Chez IBM c’est le «cognitif» et Watson qui vient à l’aide des process HR (l’an dernier on y parlait de l’implémentation d’outils auparavant utilisés pour l’expérience client dans l’expérience candidat). Au milieu des «gros» s’est installé Benify: ici on parle de paie, d’avantages sociaux, le tout encore une fois avec une perspective orientée employé, individualisée. L’optimisation du «comp & ben» avec une approche centrée sur l’employé.

De manière générale la tendance, confirmée par le DRH d’un grand groupe avec qui j’en parlais est: «on a construit des process HR pour faciliter la vie des RH en compliquant celle des collaborateurs et on va vers un recentrage: des process RH conçus pour le collaborateur et qui vont indirectement soulager les RH». Et donc les outils qui les supportent.

Les RH ont longtemps était un métier de technicien et vont le rester, peu importe ce qu’on peut lire ça et là. Par contre leur champs va s’élargir bien au delà et d’autres profils, loin des spécialistes traditionnels de la fonction RH vont également y trouver leur place.

La liste est longue mais voici un bon aperçu des tendances globales. Pour synthétiser tout cela, allons voir l’expert des grandes tendances RH et SIRH: Josh Bersin.

Le marché du SIRH se réinvente

Bersin nous a livré les conclusions de l’étude qu’il vient de publier chez Deloitte.

Le constat est simple: la manière dont on travaille change, les collaborateurs changent et peu à peu l’entreprise prend cette réalité en compte. Et on ne peut plus piloter et mettre en place cette réalité nouvelle d’un point de vue RH avec les approches et outils qu’on a utilisé jusqu’à présent.

Ce qui change, de mon point de vue, est que jusqu’à présent les outils étaient un frein à cette transformation (ou une excuse facile pour ne pas se transformer) alors qu’aujourd’hui ils sont là, mettant les RH face à leurs responsabilités et leur capacité à se les approprier ou non. Quand le besoin est là et la solution également, si rien ne se passe le coupable est à chercher ailleurs.

Bersin identifie 9 grandes tendances dont je ne détaillerai que certaines.

1°) Mesure de la performance: davantage basée sur les réalisations, le travail d’équipe, avec une part croissante de qualitatif, en favorisant le temps réel et la variété des sources d’évaluation (managers, pairs…).

2°) Mesure en temps réel de l’engagement: les entreprises veulent connaitre en temps réel le pouls de leur organisation. Derrière des formes diverses (questionnaires, simple question «comment s’est passée votre semaine?») il s’agit de capter aussi souvent que possible le ressenti des collaborateurs, obtenir leur feedback, tant pour les aider que pour aider l’entreprise. Et bien sur cela complète les dispositifs de mesure de performance.

3°) L’explosion des «people analytics»: cela a pris du temps mais les RH commencent à se doter de data analysts. L’idée n’est plus seulement de faire du reporting mais dans un premier temps à vraiment disposer d’outils permettant de résoudre des problèmes au lieu d’avoir un état de l’existant, avant d’arriver dans un second temps à des modèles prédictifs qui permettront d’anticiper, monter les bons process et «policies», mettre en place les incitations et indicateurs qui auront du sens.

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Les objectifs de la Start-up poursuivis: meilleur recrutement et gestion des carrières, réduction du turnover, construire des équipes au lieu d’ajouter des individus, favoriser innovation et collaboration etc.

4°) La révolution du learning: avec la flexibilité du travail, le learning est une des plus grande préoccupations des jeunes générations qui savent qu’elles vont devoir apprendre en permanence pour rester employables. L’apprentissage va devenir plus personnel, granulaire, autonome, ce qui demande des plateformes et formats nouveaux. Le caractère «consommable» de la formation devient essentiel et les LMS «Learning Management Systems» vont devenir des «Learning Experience Platforms».

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5°) Le nouveau paysage du recrutement: meilleur sourcing (notamment par la donnée), développement de vraies pratiques de marketing RH, expérience candidat.

6°) Le management de la force de travail: il ne s’agit plus que de gérer des collaborateurs en CDI à temps complet. Il faut désormais inclure des formes de travail variées qu’il s’agisse de collaborateurs en travail flexible ou d’externes dans la fameuse économie à la demande ou «gig economy».

7°) Fusion des outils RH et de management d’équipes: les collaborateurs sont dotés d’outils leur permettant de collaborer et organiser eux même leur travail en équipe de manière fluide, le travail. Les talents s’expriment et s’auto-gèrent hors des systèmes de talent management et si les systèmes RH ne réintègrent pas le flux du travail leur valeur ajoutée va décroître jusqu’à devenir optionnelle.

8°) Wellness and fitness: la contribution d’une bonne santé physique et mentale du collaborateur à la performance de l’entreprise est connue depuis des lustres. Après s’être peu à peu intégrée à la vie et aux pratiques RH (encore que cela dépende des pays), la dimension fitness/wellness s’intègre comme je le disais plus haut aux systèmes RH.

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Il ne s’agit pas de mesurer leur santé et leur comportement de manière «policière» mais simplement de créer dans l’entreprise les mêmes environnements collectifs incitatifs que ceux qu’ils utilisent dans leur vie privée, permettre de s’auto-évaluer et de se challenger entre collègues, au sein d’une équipe, entre équipes.

Un dispositif de plus à intégrer dans les systèmes de performance et d’engagement.

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9°) Vers les RH Digitales: la nouvelle génération de système RH est en point de mire. Mettant les robots et l’intelligence artificielle à contribution, elle sera «self-service», directement mobilisable par le collaborateur pour ses besoins et son développement.

Le SIRH pour une meilleure vie au travail

Tout montre donc que l’on va vers des SIRH centrés sur le «collaborateur client», des systèmes autant pensés pour les besoins du collaborateur que pour ceux des RH, quitte à frontaliser la relation et redistribuer une partie du rôle frontal des RH sur d’autres missions.

J’aime beaucoup la manière dont Bersin formalise la chose. «Apps that make work life better». «Des outils qui améliorent la vie au travail».

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Ici je pense qu’il y a un contresens à ne pas faire. Que ce soit à ce sujet ou au sujet de l’expérience employé on a tendance à toujours dissocier deux sujets qui sont le contenu du travail et l’environnement de travail.

Autrement dit la réalité du travail (travail quotidien ou dans la durée, incluant la dimension RH, learning, gestion de carrière) et l’environnement de travail étaient traditionnellement deux choses totalement différentes. Les efforts faits visaient à faire du second la pilule qui faisait passer le premier. Le job était dur, difficile, compliqué par nature ou rendu compliqué par l’organisation et, à côté, on faisait des choses «sympas» pour rendre le tout acceptable.

Vers la confusion entre le contenu du travail et son environnement

Ce que l’on veut dire par «Work life» c’est la vie dans le cadre du travail, dans sa globalité. Cela inclue le travail quotidien, l’opérationnel, les process qui relient l’entreprise au collaborateur, des choses qui bénéficient directement au collaborateur et indirectement à l’entreprise également.

Et c’est sûrement là le plus grand changement.

bertrand-duperrinBertrand Duperrin est Digital Transformation Practice Leader chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.

Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.

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