Les bons recruteurs font-ils de bons sourceurs?
Alors que la France organisait son premier événement dédié au sourcing, #TruSourcing le 15 septembre dernier, et que de nombreuses start-up du recrutement présentaient leurs applications pour sourcer des talents au 1er salon HR Tech Paris le 28 octobre, un petit point s’impose sur ce nouveau métier de « sourceur » !
Le sourcing a émergé il y a plusieurs années aux Etats-Unis et en Europe, et plus spécifiquement en Angleterre et aux Pays-Bas où il est aujourd’hui encore bien ancré dans les dispositifs de recrutement des entreprises et cabinets de conseil. De nombreux événements et salons professionnels y ont lieu, alors même qu’en France le sourcing fait encore relativement peu parler de lui.
Le problème est pourtant bien réel : les recruteurs doivent non seulement trouver la perle rare, c’est-à-dire la personne qui va parfaitement « matcher » avec un poste, mais ils doivent en plus s’assurer de l’intéresser et de l’engager suffisamment pour lui donner envie de rejoindre l’entreprise. Et ce, principalement sur un marché pénurique en développeurs informatiques, responsables commerciaux, data scientists, pour ne citer qu’eux.
Alors, pourquoi ce retard en France ? Quels sont les fondamentaux du métier de sourceur ? Pourquoi s’insère-t-il pleinement dans la mue digitale que les entreprises essaient – difficilement – d’opérer ?
Le sourcing : de nouveaux codes pour le recrutement
Les années 2000 ont vu apparaitre les premiers jobboards et les ATS (Applicant Tracking System) permettant aux entreprises de publier simultanément sur plusieurs supports leurs offres d’emploi, puis de gérer facilement les candidatures reçues. L’utilité des ATS n’est plus à prouver pour les entreprises ayant des volumes de recrutement conséquents, mais face à la forte pénurie de talents observée sur certains profils, publier une annonce et attendre de recevoir des CV ne suffit plus : c’est la fin de l’ère du « Post & Pray » !
Partir à la quête de ces talents rares, clés, pénuriques, est devenu une obligation plus qu’un choix pour les entreprises qui ne souhaitent pas laisser le profil parfait leur échapper, ou pire, partir chez un concurrent ! Le problème est que face au sourcing, beaucoup de recruteurs sont totalement perdus et se demandent par quel bout commencer. Le job de « processeur de candidatures » n’a en effet pas grand-chose à voir avec celui de chasseur de talents, alors quelle approche doit-on adopter ?
Les recruteurs peuvent bien sûr toujours faire appel à des cabinets de recrutement ou des chasseurs de tête (comme le cabinet Altaïde) qui vont activer leur réseau pour dénicher des profils pertinents. L’avantage est que ces professionnels du sourcing disposent non seulement d’un imposant réseau mais savent également comment l’activer à bon escient.
Mais comme dans tout secteur d’activité, certains d’entre eux ne prennent pas ou plus la peine de créer des interactions de qualité avec les profils susceptibles d’être pertinents. Un simple « Votre profil m’intéresse, souhaiteriez-vous que l’on se rencontre ? » lancé à un développeur informatique a à peu près autant de chances d’aboutir qu’un « Vous êtes joli(e), ça vous dirait un café ? » lancé à un(e) inconnu(e) croisé(e) dans la rue !
Le fait que chacun d’entre nous dispose d’un réseau plus important que jamais depuis l’avènement des médias sociaux (LinkedIn, Twitter, Facebook, …), permet aux recruteurs de plonger dans le grand bain et d’essayer de sourcer eux-mêmes, en se faisant la main sur quelques profils plus accessibles que des tigres du Bengale. Et ce après avoir suivi une formation dédiée, dispensée par des professionnels du sourcing comme celle organisée par Link Humans ou Social Talent.
L’avantage est que cela permet au recruteur d’étoffer son rôle, de développer une relation personnalisée avec ses prospects (que sont les candidats passifs ou actifs) sur des plateformes digitales par nature conversationnelles et de garantir la bonne adéquation entre la personne (avec ses aptitudes, sa personnalité, ses aspirations, …) et l’entreprise (avec sa culture, son organisation, ses projets, …). Encore faut-il disposer d’un certain nombre de compétences.
Quelles sont les compétences clés d’un sourceur ?
Le recruteur doit savoir tirer profit de tous les atouts du Web, notamment les moteurs de recherche et les réseaux sociaux, afin de se transformer en véritable sourceur. Il lui faut au moins développer les quatre compétences suivantes :
Défricheur –
De toute évidence, un sourceur doit arriver à trouver l’aiguille dans l’immense botte de foin du Web ! Il lui faut maîtriser les outils (moteurs de recherches, réseaux sociaux, …), l’art délicat des recherches booléennes, mais aussi identifier le champ médiatique du secteur (détecter les bons influenceurs…) qui rassemblerait les profils recherchés au bon endroit.
Casteur –
Une fois que les profils recherchés sont rassemblés au bon endroit, il faut déceler les « bonnes » personnes pour le poste à pourvoir. La notion de « bonne » est toute relative, car il s’agit en fait de la capacité de quelqu’un à révéler son talent ou potentiel dans l’environnement professionnel qui sera le sien. Clairement, même si les outils à disposition actuellement peuvent aider (tests en ligne, entretiens vidéo, big data, …), l’instinct du sourceur basé sur son expérience des relations interpersonnelles reste une valeur refuge. Il faut en quelque sorte devenir le Dominique Besnehard du recrutement.
Séducteur –
Comment réussir à intéresser et engager quelqu’un en très peu de temps ? Aujourd’hui, vous avez 30 secondes pour faire bonne impression, il faut donc accrocher votre candidat tout de suite, et pour cela, savoir quel job/société/localisation/autre intéressera le talent (et s’être renseigné avant de le contacter). Il faut personnaliser votre approche (certains profils pénuriques reçoivent des dizaines d’e-mails par jour, vous devez faire la différence, sortir du lot), faire preuve d’empathie et tâcher de comprendre ses envies, ses points de vue….
Entremetteur –
Il est indispensable de créer un climat de confiance avec un candidat et d’entreprendre un processus d’écoute active. Pour cela, il peut être nécessaire de passer par d’autres personnes susceptibles de susciter leur intérêt, de trouver un ambassadeur qui parle le même « langage ». Par exemple sur des profils de développeurs, le cabinet Hubistaff fait appel à des ambassadeurs composés de référents, des personnes qui comprennent le métier du candidat et sauront communiquer de façon pertinente avec lui.
Plus qu’une tendance, le sourcing s’installe !
Le sourcing n’est pas qu’une tendance, le métier s’installe au point que l’on parle aujourd’hui de « candidate sourcing management ». Dans une période où le rôle du DRH retrouve de la valeur et a toute sa place au cœur du développement de l’entreprise, son rôle d’expertise est crucial.
Les outils spécialisés, par conséquent, se développent aussi. Au-delà des réseaux sociaux, il existe désormais de véritables outils digitaux pour sourcer les talents (comme avec Hello Talent développé par les équipes Talentsoft), et qui suscitent de plus en plus l’intérêt des entreprises, start-up ou grands groupes, qui ont en commun la problématique de trouver des profils rares.
Dans un contexte de guerre des talents, un bon sourceur peut être un avantage concurrentiel majeur pour une organisation. Avec leurs compétences tant commerciales que RH, ces sourceurs sont emblématiques de la mutation des métiers RH, métiers qui s’inspirent dans leurs pratiques d’autres fonctions de l’entreprise, qu’elles soient marketing, commerciales, ou liées à la gestion de la relation clients. Toutes ces fonctions ont en commun d’embrasser pleinement les possibilités offertes par le digital. L’apparition du sourceur au sein des équipes de recrutement est d’ailleurs le reflet concret de la transformation digitale en cours des RH !
Titulaire d’un Master en Sciences Cognitives et en Intelligence Artificielle, Alexandre Pachulski, 37 ans, est également Docteur en Informatique après avoir mené une thèse sur l’identification des compétences clés en entreprise.
Passionné par la combinaison des dimensions organisationnelle, humaine et technologique de l’entreprise, Alexandre Pachulski co-fonde en 2001 O2 Consulting, société de conseil spécialisée dans le coaching, le team building et le conseil en organisation. Il développe par ailleurs une méthodologie pour la conception de systèmes d’information dédiés à la gestion des connaissances chez Salustro-Reydel Management, dans le cadre d’un grand projet européen.
Fort d’une double expertise RH et informatique depuis plus de douze ans, Alexandre Pachulski est aujourd’hui directeur général produits chez Talentsoft. Il est également l’auteur de deux ouvrages :
- « Le repérage des connaissances cruciales pour l’entreprise : concepts, méthodes et outils » – Editions universitaires européennes ;
- « Les nouveaux horizons RH » – Edition Diateino
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Merci Alexandre pour ce beau plaidoyer pour le sourcing qui est véritablement stratégique !!
Merci Alexandre pour cet article. Je forme les sourceurs et cet article vient comme une bonne introduction que je pourais utiliser pour fonder une base de discussion.