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Les défis à venir de la DGSE, navire amiral du renseignement français

Par Didier LAURAS / AFP

Les renseignements extérieurs français, dont le préfet Nicolas Lerner va prendre la tête, vont devoir accélérer leur mutation technologique dans un monde en plein bouleversement géopolitique dans lequel l’Occident, et la France en particulier, sont en perte de vitesse.

Le préfet, jusqu’à présent à la tête de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), se voit désormais confier la sécurité extérieure (DGSE), forte de quelque 7.000 personnes. Aperçu des enjeux de la décennie à venir du navire amiral du renseignement français.

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– Géopolitique illisible –

Guerre en Ukraine, tensions entre Chine et Taïwan, guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, crise entre l’Occident et l’Iran… Les multiples conflits et points chauds mettent à mal les équilibres géopolitiques.

Les armées françaises avaient identifié il y a quelques années le risque de retour d’affrontements militaires d’ampleur, meurtriers, coûteux et longs. Les deux dernières années l’ont confirmé.

Mais la DGSE n’a pas anticipé la guerre en Ukraine en février 2022 et cela lui a été reproché. « Il y a une nécessité de regarder avec plus d’acuité ce qui n’a pu être anticipé et essayer d’analyser les soubresauts d’un monde compliqué à lire », résume Alexandre Papaemmanuel, professeur à Sciences-Po.

– Déclassement stratégique –

Chine, Russie, Iran et d’autres puissances remettent ouvertement en cause le droit international hérité de l’après-guerre. Dans le même temps, le Sahel, ancien pré carré post-colonial, est devenu un trou noir pour la France, chassée du Mali, du Burkina Faso et du Niger par des coups d’Etats militaires successifs sur fond de sentiment anti-français.

Un déclassement stratégique dont la DGSE devra s’accommoder.

« Comment faire pour compenser la perte quasi-totale d’influence et de crédibilité de la France dans le monde ? », s’interroge Alain Chouet, ex-haut responsable de la DGSE. « Les gens qui me recevaient avec tapis rouge il y a 15 ans, je ne pourrais pas les voir aujourd’hui ».

– L’antiterrorisme, malgré tout –

Obsession absolue du renseignement français après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, et plus encore après ceux qui ont frappé la France en 2015-16 (Charlie Hebdo, le 13 novembre à Paris, Nice), la lutte anti-terroriste a désormais baissé dans l’ordre des priorités.

Or les centrales jihadistes d’Al-Qaïda et du groupe Etat islamique n’ont plus la force de frappe du passé mais demeurent une menace réelle.

Il faut aujourd’hui anticiper les nouveaux dangers « sans créer d’angles morts », souligne Alexandre Papaemmanuel.

 

– Achever la réforme –

 

Entamée fin 2022, la réforme de la DGSE initiée par Bernard Emié, le directeur sortant, a restructuré les services.

Nicolas Lerner devra l’inscrire dans la culture d’un « paquebot dont il est toujours difficile de modifier la route » mais qui sait « continuer à bosser » en s’adaptant aux réformes, selon Alain Chouet.

Popularisée par la série télévisée « Le bureau des légendes », la DGSE quittera en 2028 ses mythiques locaux du XXe arrondissement de Paris. Elle s’installera au Fort Neuf de Vincennes, sur une surface de 20 hectares, le double des capacités de son siège actuel.

 

 

– Investir –

 

La DGSE, qui reste à des années-lumières des capacités techniques de la NSA américaine, devra continuer à investir lourdement.

La possible constitution d’une agence technique autonome, incluant cybersécurité et éventuellement cyberguerre, sur le modèle américain, est débattue sans faire consensus.

Par ailleurs, l’intelligence artificielle révolutionne le secteur, avec en première ligne les grands acteurs privés américains (GAFA) ou chinois (BATX), aux moyens considérables.

« Il faut fixer des règles cohérentes avec l’Etat de droit mais qui prennent en compte un monde en compétition dans lequel on veille à ne pas désarmer les démocraties », prévient le député Thomas Gassilloud, membre de la délégation parlementaire au renseignement.

– Sous contrôle –

Les activités des espions français ont longtemps été protégées par un épais rideau de fumée et une avalanche de tabous jusqu’à ce que les politiques s’emparent du sujet.

Ils sont depuis 2007 placés sous le contrôle de la délégation parlementaire au renseignement, avec une Coordination nationale au renseignement (CNRLT) et une surveillance de ses activités via la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).

La future DGSE devra à cet égard coopérer plus encore avec les autres agences, notamment le renseignement militaire (DRM) ou la DGSI, que le nouveau directeur connait parfaitement.

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