Les entreprises ne répondent pas aux candidats et harcèlent les clients
Par Bertrand Duperrin, expert FrenchWeb
Je lisais dernièrement cet excellent article du blog des étudiants RH du Celsa et nommé «Répondre à tous les candidats: Mission Impossible?» Effectivement et malgré certains progrès sensibles, les entreprises souffrent en effet d’importantes lacunes dans les réponses aux candidatures reçues.
Un constat qui je pense surprendra nombre d’entreprises qui diront «mais on répond à toutes les candidatures». En effet elles le font. Pour ceux qui ont connu l’ère pré-digitale, on pouvait comprendre le peu d’empressement qu’elles avaient à répondre à tout le monde. Pour les plus grandes d’entre elles cela faisait un budget papier-courrier conséquent, tout cela pour juste accuser réception d’une candidature. Et pour les plus petites c’était une charge administraive certaines. Pourtant l’absence de réponse était déjà mal vécue par le candidat. A l’heure digitale, par contre, plus d’excuse. La réponse est tellement facile, automatisable, que la question de répondre ou non ne se pose pas. Et d’ailleurs, à part la quantité non négligeable de PME qui n’ont pas investi dans une solution de recrutement digne de ce nom et traitent encore les demandes manuellement, l’accusé de réception automatique de réception est devenu la norme. Le problème est justement là.
Le candidat ne veut pas une réponse mais de l’attention
Il en va des candidatures comme des anniversaires après Facebook. Lorsque répondre demandait un minimum d’effort (taper une lettre, l’envoyer) le simple fait d’avoir une réponse était un gage d’attention. Lorsque les lettres sont sorties des imprimantes et envoyées automatiquement on sentait un peu moins de considération. Et lorsqu’il suffit d’envoyer un email type automatiquement sans aucune intervention humaine, celui-ci a une valeur administrative mais plus aucune valeur relationnelle.
C’est comme les souhaits d’anniversaire. Avant Facebook on était toujours touché que les autres se souviennent de la date et fassent l’effort de le souhaiter. Maintenant que Facebook vous rappelle tous les matins la liste des anniversaires à souhaiter et permet d’envoyer un message en un clic on reçoit beaucoup plus de messages d’anniversaire mais avec un doute certain sur la spontanéité de la plupart d’entre eux.
Là où l’entreprise voit donc un simple acte d’information à caractère administratif, le candidat voit le début d’une relation, d’un parcours, d’une expérience commune. Et si le candidat est vraiment motivé et a une préférence pour une entreprise donnée, la froideur du message peut largement doucher sa motivation. Envoyer une preuve d’amour et recevoir un seau d’eau glacé ne fait jamais plaisir. Personne n’oserait répondre ainsi à un client qui demande une information commerciale.
Le suivi de la candidature est une démarche relationnelle, pas administrative
Et c’est donc là le grand malentendu. Le candidat est dans une démarche relationnelle (qui d’ailleurs a débuté avant l’envoi de la candidature) alors que l’entreprise est dans une démarche administrative qui ne devient relationnelle (et encore) qu’à au moment du premier entretien s’il y a lieu.
Qu’attend le candidat comme réponse à sa candidature?
1°) Un accusé de réception, soit, mais personnalisé et porteur d’un engagement. A qui a été transmise la candidature, dans quels délais sera-t-elle traitée, promesse de revenir vers lui même si la réponse est négative. Et un ton un peu moins froid que ce qu’on a coutume de lire. Etre professionnel et en position de force (encore que cela reste à prouver aujourd’hui sur le très compétitif marché des talents) ne veut pas dire être méprisant.
1 bis°) Doubler cet email d’un email plus personnalisé, émanant d’une personne significative dans l’entreprise. Le directeur de la Business Unit, le PDG Fondateur pour une PME… un message qui dit qu’il est sensible à l’intérêt, que les personnes compétentes s’en chargent. Même automatisé ça a un impact. Et comme toujours, la perception que le candidat a des choses devient la réalité dans sa tête.
2°) Donner, donc, une réponse quelle que soit l’issue. Positive ou négative.
3°) Que toute correspondance soit signée, qu’on ait l’impression qu’on est entre les mains d’une personne, pas d’une machine.
4°) Maintenir le lien. Entre la candidature et la réponse, tout au long du processus de recrutement si l’entreprise donne suite voire après que le candidat ait décliné une offre, être dans une logique de «Candidate Relationship Management». Par exemple envoyer des actualités sur l’entreprise, ses succès, ses grandes annonces. Si par malheur le candidat finit par décliner une offre, rester en contact, lui envoyer des offres qui pourraient lui convenir dans le futur. Et si c’est l’entreprise qui met un terme au processus de recrutement y mettre les formes et rester dans une logique relationnelle. Ceux qui ont un jour refusé une approche d’une entreprise parce que 10 ans avant leur candidature avait été traitée par dessus la jambe verront très bien de quoi je parle. Que les entreprises aient bien en tête que le candidat qui n’est qu’un CV parmi d’autres un jour sera peut être le cadre qu’on rêvera de débaucher 15 ans plus tard. Autant faire bonne première impression du premier coup.
Le disconnect entre expérience candidat et expérience client
Une situation d’autant plus préoccupante qu’à côté de cela la même entreprise peut harceler le candidat d’emails en tant que client. Double peine : même entreprise, spam commercial non sollicité d’un côté et absence de réponse à une candidature de l’autre. Remarquez que vu que l’emailing précise toujours «ne pas répondre» on comprend bien qu’on est pas dans une culture du dialogue.
A l’inverse lorsqu’il est client d’une entreprise beaucoup plus «fine» et expérientielle sur la relation client, il peut se demander si un jour le marketing a partagé certaines pratiques relationnelles avec les RH.
En tant que fervent adepte du concept de la symétrie des attentions dont je rappelle qu’elle doit in fine donner lieu à une symétrie des expériences, n’oubliez pas que vos candidats traiteront leurs clients comme vous les avez traité. Le premier message que vous leur envoyez est que distance, condescendance, froideur et hautaineté sont votre marque de fabrique relationnelle. Ne vous étonnez pas si par la suite ils traitent les prospects comme ils ont été traités en tant que candidat.
Les basiques d’une expérience candidat relationnelle
Il y a un mix d’humain et d’automatisation à trouver, on peut largement comprendre et concevoir que tant qu’on n’a pas décidé de donner une suite positive on sera surtout dans l’automatisation, mais cela ne dispense pas de:
1°) Personnaliser
2°) Montrer de l’attention
3°) Etre dans une logique relationnelle
4°) Penser long-terme.
Une récente étude Accenture Strategy montre que seuls 25% des jeunes diplômés désirent intégrer une grande entreprise. Ca n’est pas en traitant candidatures de la sorte et négligeant l’expérience candidat que celles-ci vont inverser la tendance.
L’expert:
Bertrand Duperrin est Head of Employee and client expérience chez Emakina. Il a été précédemment directeur conseil chez Nextmodernity, un cabinet dans le domaine de la transformation des entreprises et du management au travers du social business et de l’utilisation des technologies sociales.
Il traite régulièrement de l’actualité social media sur son blog.
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Bravo Bertrand, en pratique si l’on prend le temps pour répondre à une « mauvaise » candidature en expliquant les points faibles en vue d’une amélioration long terme du profil (profil IT) cela n’a absolument aucun effet positif. Que faire ?
Ce serait aussi très intéressant d’évoquer l’ensemble de soucis avec les candidats potentiels, à savoir :
– un très grand nombre de ceux qui n’arrivent pas à souvenir à quel poste ils ont postulé;
– de ceux qui ne prennent pas la peine de visiter le site Internet de l’entreprise avant l’entretien;
– de ceux qui ne viennent pas à l’entretient et ne préviennent pas en disparaissant dans la nature;
– de ceux qui ne répondent plus aux appels après l’entretien;
– de ceux qui ne viennent pas le premier jour du travail malgré avoir accepté l’offre d’embauche…
Ainsi qu’estimer le cout de temps perdu par les employeurs pour le traitement des dossiers de tous ces « candidats ». Cela explique peut-être le fait qu’à un moment on commence à automatiser les embauches et à ne plus y mettre le coeur.
Bonjour
Je vous remercie pour cet article très intéressant, pertinent.
Savoir se démarquer et bien suivre chacun des candidat-e-s est essentiel pour garantir le bon relationnel.
De plus, quand il s’agit vraiment de valeurs incluses dans la culture d’entreprise, on y voit un vrai changement.
Et puis, même si cela ne porte pas toujours ses fruits, l’intégrité est essentielle !
Automatiser oui, mais peu, il faut garder un vrai bon relationnel avec les candidats.
Et oui, je suis bien d’accord, le suivi de candidature est le même process que le suivi client : de la prospection jusqu’au SAV.
A nous de savoir ce que l’on veut dans l’entreprise : des personnes impliquées qui se sentent reconnues, avant même d’entrer dans l’entreprise ? Ou bien des robots venus pour justifier leur salaire ?
Au plaisir
Evan