Les FinTech doivent-elles rester indépendantes des grands groupes?
Début avril, BNP Paribas annonçait le rachat du Compte Nickel. L’opération a fait couler beaucoup d’encre, même en dehors des médias spécialisés. Pour s’en rendre compte, il suffit de se rendre sur la page Facebook du Compte Nickel où certains clients n’ont pas de mots assez durs pour qualifier le rapprochement de la FinTech avec la première banque d’Europe. Pour ces utilisateurs comme pour certains commentateurs, le Compte Nickel est en train de trahir sa promesse, celle d’un service financier indépendant des grandes banques. C’est l’expression d’une vision un peu simple. En réalité, il n’y a jamais eu d’opposition entre les banques et les FinTech. Ces dernières flirtent depuis longtemps avec les grands groupes. Ces alliances sont stratégiques et nous devrions nous en réjouir car, pour l’instant, c’est le consommateur final qui sort gagnant.
Au début, une FinTech naît car il existe un besoin précis dans le marché auquel les acteurs traditionnels, les banques ou les assureurs, répondent mal. Le remboursement entre amis, par exemple, était compliqué à cause des RIB, des virements ou de la monnaie. Des start-up comme Lydia ou Pumpkin proposent aujourd’hui une solution simple et sécurisée. La réponse des banques à certains besoins est inadaptée car elles se sont généralement construites sur des modèles universels: elles répondaient à 1 001 besoins allant du financement de projet à la carte de retrait en passant par le crédit à la consommation et l’assurance auto. Elles ont pour cela bâtis des mille-feuilles technologiques qui sont difficiles à mettre à jour aujourd’hui. Cette architecture freine leur développement et les FinTech tentent alors de s’emparer du marché.
C’est la technologie qui permet aux FinTech de proposer une solution plus simple, plus rapide ou moins chère. Un autre exemple: la start-up Tacotax a créé un assistant fiscal virtuel pour aider les particuliers à gérer leurs impôts. Une FinTech réussit quand la technologie qu’elle propose fonctionne. Mais avant de se concentrer sur sa technologie, une FinTech doit bien souvent d’abord franchir les obstacles qui se placent entre elle et sa mission: se conformer à la régulation très forte imposée aux acteurs financiers, assurer la sécurité de ses données, garantir la protection des sommes qu’elle manipule… Dans un domaine où le time to market est prioritaire, les FinTech font alors le choix de s’associer aux banques pour entrer plus vite dans la course à l’innovation.
Car il y a certaines activités dont les banques se chargent très bien. Par exemple, dans le cas du Compte Nickel, le cantonnement des fonds des clients est assuré par le Crédit Mutuel Arkéa. Le «pacte avec le diable» avait été signé dès le début et c’est précisément grâce à cela que le Compte Nickel a pu proposer un compte «sans banque», c’est-à-dire sans agence, mais qu’on pouvait ouvrir dans n’importe quel bureau de tabac. L’association avec le Crédit Mutuel Arkéa a permis au Compte Nickel de se concentrer sur son offre. Les FinTech n’ont pas vocation à s’opposer aux banques. Ce sont des tech-enablers, des catalyseurs technologiques: elles s’appuient sur ce que les banques savent faire et y ajoutent un condensé de techno pour repenser un produit ou une offre.
Il y a des domaines que les banques maîtrisent bien: l’émission de crédit, la gestion actif-passif, la comptabilité. Il y en a d’autres où elles n’ont pas su suffisamment innover: la distribution, le service-client, l’expérience utilisateur. Si l’on veut voir émerger de nouveaux services comme le Compte Nickel, dont le succès témoigne d’un réel besoin chez les consommateurs, les banques doivent accepter de travailler avec les FinTech en fragmentant leur offre et en mettant à la disposition des start-up les briques qu’elles maîtrisent parfaitement.
C’est ce modèle qui émerge en ce moment aux Etats-Unis. Des start-up comme Digit, Qapital ou Zenbanx ont connu un succès fulgurant. Elles ont été en capacité d’innover car elles se sont associées à des banques qui leur ont ouvert leur infrastructure. Le plus intéressant ici, c’est la taille de ces banques: Wilmington Savings Fund Society (pour Zenbanx) et Lincoln Savings Bank (pour Qapital) sont des banques régionales qui n’ont rien à voir avec les JP Morgan Chase ou Bank of America. C’est de l’alliance des FinTech avec de petits acteurs bancaires que sont nés des produits innovants qui offrent une nouvelle expérience au consommateur.
Le marché bancaire en France, tout comme au Royaume-Uni, se concentre malheureusement autour de quelques grands acteurs. Il existe très peu de «petites banques» comme aux Etats-Unis ou en Allemagne. Gageons cependant que le rachat du Compte Nickel par BNP Paribas témoigne d’une réelle volonté de nos grandes banques de collaborer plus étroitement avec des FinTech. C’est à cette condition seulement que nous verrons émerger d’autres champions. Les consommateurs sont enthousiastes à l’idée d’utiliser des services innovants dans le domaine de la banque et de l’assurance. Il est temps de leur apporter cette innovation.
Florent Robert est le fondateur de Bruno, la solution qui permet de mettre simplement de l'argent de côté.
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