Les utilisateurs de TikTok désemparés face à la faible rémunération de leurs contenus
AFP
0,4 centime d’euro les 1 000 vues, 20 euros le million de vues… ? Le mystère plane autour des seuils de rémunération du réseau social TikTok, laissant la porte grande ouverte à l’imaginaire des utilisateurs qui pensent pouvoir atteindre l’eldorado financier. Mais «c’est la désillusion totale», confie à l’AFP Tomy (c.tmy sur TikTok) qui fait des vidéos dans lesquelles il caricature différents corps de métiers. «Pour le mois d’avril, j’ai touché 52,89 euros, pour quasiment 20 vidéos», déplore-t-il.
Pour prétendre à la rémunération sur TikTok, il faut postuler au fonds de créateurs, créé en septembre 2020 et doté de 254 millions d’euros. Les critères : résider dans un pays européen inclus dans le fonds, avoir plus de 18 ans, un minimum de 10 000 abonnés et un cumul d’au moins 100 000 vues sur ses vidéos au cours des 30 derniers jours. Ensuite, la rémunération est calculée en fonction d’un croisement de plusieurs critères (nombre de vues, visuel, son, description), déterminés par l’algorithme de façon opaque pour les influenceurs.
Les revenus varient donc d’une personne à l’autre. «Gagner sa vie en étant TikTokeur, c’est plus une exception qu’une règle. C’est compliqué d’être bien rémunéré uniquement à l’aide des ressources de la monétisation», relève Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur en sciences de l’information à l’université de Nantes. «Le fonds est divisé entre des milliers de personnes dans 5 ou 6 pays en Europe et au Royaume-Uni. Il y a une très forte dilution», explique Stéphanie Laporte, directrice de l’agence de social media et d’influence Otta. Cette dilution, «Monsieur Thomas», l’expérimente au quotidien. «Mes abonnés pensent que je suis riche», s’étonne ce jeune homme de 28 ans, directeur de magasin, qui fait des vidéos dans lesquelles il raconte son quotidien en déjeunant. «Mais heureusement que j’ai un travail à côté !»
«Un vivier de visibilité»
Bien que la plateforme en elle-même paie peu ses utilisateurs, c’est néanmoins un bon moyen pour se faire repérer par les marques qui proposent des collaborations rémunératrices, qui elles sont bien plus intéressantes financièrement. «J’ai eu plusieurs propositions de partenariat. On m’offre quelque chose, je fais une vidéo avec un code promo et quand quelqu’un achète le produit avec le code, je récupère 10% des bénéfices», illustre «JukieDuLove», créatrice de vidéos «body positive» (militantisme en faveur de l’appréciation de tous les types de corps). De fait, le réseau est «un vivier de visibilité», affirme Amélie Ebongué, auteure de «Génération TikTok : Un nouvel eldorado pour les marques».
Ces contrats sont souvent passés via des agences qui s’occupent de la mise en relation entre marques et créateurs ou qui produisent des influenceurs et prennent un pourcentage sur les cachets perçus. Et pour certains experts de l’influence, TikTok est surprenant à plusieurs égards. «Le mode de rémunération privilégié sur TikTok, c’est celui du fonds de créateurs d’abord, puis des collaborations ensuite. Sur YouTube, c’est principalement une monétisation par la publicité. Sur Instagram, ce sont des placements de produits, des liens sponsorisés», résume Olivier Ertzscheid, enseignant chercheur à l’Université de Nantes.
TikTok, un paradis pour les marques
Même si l’influence sur TikTok est moins chère que sur Instagram ou YouTube, notamment parce que les utilisateurs sont jeunes et qu’ils ne sont pas professionnalisés, mais aussi parce que les placements de produits et services des marques nécessitent plus de créativité, TikTok reste un paradis pour les marques, examine de son côté Olivier Billon, PDG de l’agence Ykone qui travaille pour le compte des marques à la recherche d’influenceurs. «Ils peuvent obtenir jusqu’à 5 000 euros pour une vidéo», assure-t-il.
Enfin, il est plus facile de se constituer une grande communauté sur TikTok qu’ailleurs, analyse Lionel Kaplan, fondateur de Mediatrium, une agence de social media. «Grâce à TikTok, j’ai parlé à plein de gens qui sont beaucoup plus connus que moi et ça m’a fait gagner en notoriété», admet Maxence dit «Max la menace». Cette visibilité a aussi permis à Manon Pasquier, 21 ans, et Vincent Nadal, 20 ans, tous deux étudiants, de passer du statut «d’auto-entrepreneurs» à «société». «Cela a rendu la chose plus professionnelle. Être influenceur maintenant en France, c’est un métier reconnu», assure Vincent.
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