L’IA qui va tout changer, nouveau Graal des investisseurs
Par Julie JAMMOT / AFP
Passé l’instant de surprise face au succès phénoménal de ChatGPT il y a un an, les investisseurs de la Silicon Valley ont mis les bouchées doubles dans l’intelligence artificielle (IA), cherchant les pépites dans la masse de promesses révolutionnaires.
« Chez certains grands fonds, en comité d’investissement, on leur a dit +Si ce n’est pas de l’IA, ce n’est pas la peine+ », note Denis Barrier, cofondateur du fonds Cathay Innovation.
Les investisseurs « cherchent à faire des gros coups, (…) et c’est assez peu probable en-dehors de l’IA dans les prochaines années », détaille-t-il.
Les start-up du secteur ont levé près de 50 milliards de dollars en 2023, d’après Crunchbase, dans un contexte économique pourtant morose, marqué par les licenciements dans les grands groupes technologiques.
Cathay Innovation vient de participer au financement de la jeune pousse française Bioptimus, qui veut mettre au point un modèle d’IA dédié à la biologie, pour aider à créer de nouveaux médicaments, notamment. Elle a reçu 35 millions de dollars.
Ingénieurs expérimentés, maîtrise des coûts, accès aux données, et surtout ambition de « transformer » en profondeur un domaine…. elle répondait aux critères du fonds implanté sur trois continents, explique Denis Barrier, dans son bureau donnant sur la baie de San Francisco.
« Il faut un peu avoir la foi », constate-t-il. « Avant, on avait plus de temps. Aujourd’hui une application qui marche peut prendre comme un feu de forêt. Il faut être là avant! »
– « Résoudre des problèmes » –
Avec ChatGPT, OpenAI a sorti des laboratoires l’IA dite générative, et conquis la planète avec cette nouvelle vague informatique qui permet de produire textes, images, sons et lignes de codes sur simple requête en langage courant.
En 2023, les investissements pour mettre au point les modèles de fondation, nécessaires à cette IA, ont prédominé.
Un « montant record » de 29 milliards de dollars a été investi dans l’IA générative en 2023, d’après PitchBook, notamment en faveur des nouvelles stars OpenAI et Anthropic.
Mais étant donné le niveau de perfectionnement des principaux acteurs (OpenAI, Microsoft, Google, Meta…), la concurrence féroce entre eux et les énormes ressources nécessaires pour entraîner ces modèles, les investisseurs se concentrent désormais sur les applications de l’IA dans certains secteurs comme les banques ou la santé.
Loora, une start-up israélienne qui se sert de l’IA générative pour enseigner l’anglais, a levé 12 millions de dollars la semaine dernière.
Son application mobile a conquis plus de 15.000 clients grâce à l’apprentissage par la conversation avec des agents d’IA qui ne se lassent jamais, pour le prix d’un abonnement à Netflix.
« Cela ne suffit pas de faire de l’IA » pour convaincre les investisseurs, note Roy Mor, cofondateur de Loora.
« Je crois que les cas d’usage de l’IA où elle apporte véritablement de la valeur, où elle résoud des problèmes, ne sont pas encore très répandus », continue-t-il depuis Tel-Aviv, évoquant aussi l’accès aux données.
Loora est basée sur des modèles de langage et sur les conversations avec les utilisateurs. « Plus nous avons de données, plus l’appli s’améliore (…) et je crois que ça leur a plu ».
– « Forme de meurtre » –
Décuplé par les progrès récents, le potentiel de l’IA suscite de vives inquiétudes (risques en matière d’emploi, de propriété intellectuelle, de fraude…), des tentatives de régulation, et des déclarations d’amour passionnées dans la Silicon Valley.
« De nombreuses causes de décès peuvent être résolues par l’IA, des accidents de voiture aux pandémies (…). Nous pensons que tout ralentissement de l’IA coûtera des vies », a écrit en octobre Marc Andreessen, investisseur réputé.
« Les décès qui auraient pu être évités par une IA dont on a empêché la création constituent une forme de meurtre », assène-t-il encore dans son « Manifeste du techno-optimiste ».
Pour l’instant, l’IA transforme le monde des affaires.
Alembic, un spécialiste de l’analyse de données à grande échelle – le cœur de l’IA – vient de lever 14 millions de dollars.
Son logiciel – mis au point pendant la pandémie pour faire sens de montagnes de données sanitaires disparates (traitements, décès, mesures de prévention…) – mesure désormais le retour sur investissement d’une campagne marketing sur chaque canal de diffusion (télévision, réseaux sociaux, etc).
« Savoir précisément quelle dépense a donné quel résultat, au lieu de faire confiance à des approximations ou à son instinct, constitue une innovation majeure », estime Jeffrey Katzenberg, ancien président de Walt Disney Studios, cofondateur de Dreamworks et, plus récemment, de WndrCo, un des fonds impliqués dans ce tour de table.
« L’IA, c’est pour de vrai », assure l’homme d’affaires.
« Ce n’est pas une évolution, mais bien une révolution, une révolution positive. »
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