HARD RESET

L’intelligence nationale ne s’externalise pas

HARD RESET : la chronique qui ne résout rien, mais tente quand même.

L’IA est en train de devenir la nouvelle infrastructure de souveraineté.

Elle n’est plus un simple outil, ni une innovation parmi d’autres. Elle s’impose comme la couche logique sur laquelle reposeront la justice, la fiscalité, la santé, l’éducation, la défense. Elle produit du langage, organise des interactions sociales, encode des préférences. Et à ce titre, elle est aussi politique que culturelle.

Or dans ce domaine, le plus grand piège serait de s’en remettre à d’autres.

Il est tentant, bien sûr, d’imaginer que quelques modèles généralistes pourraient suffire. Qu’un chatbot entraîné aux États-Unis ou en Chine puisse répondre à toutes les questions de tous les citoyens du monde. Mais cette illusion d’universalité est dangereuse. Ce que nous laissons aux autres, ce sont nos mots, nos règles, nos références, nos histoires. Autrement dit : notre intelligence.

L’IA n’est pas neutre

L’IA ne fonctionne pas sur des axiomes universels. Elle apprend de données, de normes implicites, de corpus culturels. Elle hérite des biais de ses créateurs, des priorités de ceux qui la financent, des usages pour lesquels elle est déployée. Elle reflète nécessairement des choix.

C’est pourquoi chaque État, chaque société, chaque secteur d’activité a le devoir de construire des modèles qui lui ressemblent. Des modèles capables de comprendre une langue, une jurisprudence, un contrat local. Des modèles alignés sur une constitution, un système scolaire, un tissu industriel. Ne pas le faire, c’est déléguer cette intelligence à d’autres.

Ce que l’on externalise aujourd’hui, on ne maîtrise plus demain

  • Personne ne s’occupera mieux de la langue suédoise que la Suède.
    Personne ne défendra la justice française mieux que la France.
    Personne ne formera des IA respectueuses du droit européen mieux que l’Europe elle-même.

Jensen Huang, CEO de NVIDIA, le résume parfaitement l’intelligence numérique constitue désormais une infrastructure nationale à part entière. Sa conception, son contrôle et son évolution relèvent directement de la responsabilité des États. C’est une question de résilience, mais aussi d’indépendance. Demain, nos décisions publiques dépendront d’agents intelligents. Nos citoyens interagiront avec des systèmes automatisés. Notre production industrielle s’appuiera sur des modèles adaptatifs. Sommes-nous prêts à confier cela à une poignée d’entreprises étrangères ?

Une stratégie claire : open source, spécialisation, talent local

Il ne s’agit pas de tout réinventer. Une stratégie souveraine d’IA repose sur un principe simple :

  • acquérir les briques générales (modèles open source, infrastructure GPU, frameworks),
  • et spécialiser localement ce qui relève de la culture, de la langue, du droit, des préférences.

Cela suppose d’avoir les compétences pour affiner les modèles, les datasets pour les adapter, les garde-fous pour les encadrer, les plateformes pour les intégrer.

Une IA qui parle français, ce n’est pas suffisant.
Il faut une IA qui parle le droit du travail français. Le langage médical français. Le langage administratif français.
Et demain, une IA qui comprend l’impact d’une politique fiscale sur les ménages français.

L’IA comme nouveau capital humain

Il faut changer de perspective : l’IA n’est pas un outil, c’est un collaborateur numérique.
Comme tout employé, il faut l’onboarder, le former, le superviser. Cela demande une nouvelle fonction publique, de nouvelles DSI, une nouvelle filière RH pour les agents intelligents. Cela demande une nouvelle gouvernance numérique.

Et cela demande aussi un acte politique : celui de considérer que l’intelligence, même artificielle, fait partie du domaine régalien.

Refuser la dépendance, c’est refuser l’impuissance

Face à la complexité géopolitique actuelle, les discours sur l’autonomie stratégique ne manquent pas. Encore faut-il les appliquer là où les infrastructures de demain se construisent.
L’IA n’est pas une innovation passagère. Elle redessine les contours du pouvoir, des institutions, du lien entre gouvernants et gouvernés.

Elle exige que nous cessions de la traiter comme une commodité, et que nous commencions à la considérer comme un enjeu de souveraineté fondamentale.

Car l’intelligence nationale ne s’externalise pas.

 

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