Macron présente un plan de 1,8 milliard d’euros pour faire de la France un leader mondial dans le quantique
Après avoir dévoilé il y a deux ans la feuille de route de la France dans le secteur de l’intelligence artificielle, Emmanuel Macron dévoile son plan pour un autre secteur, plus révolutionnaire encore, à savoir celui du quantique. Dans ce cadre, le président de la République présente ce matin à l’université Paris-Saclay sa stratégie pour placer la France parmi les premiers pays à atteindre une souveraineté technologique dans ce domaine. Pour y parvenir, le gouvernement prévoit d’y allouer une enveloppe de 1,8 milliard d’euros pour réaliser des investissements qui s’étaleront sur 5 ans.
Cette stratégie sera portée par le ministère de la Recherche, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance et le secrétariat d’État au Numérique, et le ministère des Armées. Par ailleurs, un coordinateur, un Monsieur «Quantique», doit être nommé dans les prochains jours pour «mettre un peu d’huile dans les rouages», selon les termes de l’Élysée. Ce plan s’appuie sur les recommandations formulées dans le rapport «Quantique, le virage technologique que la France ne ratera pas», présenté il y a un an par la députée Paula Forteza. Dans ce document de 68 pages qui comprenait 37 propositions, elle appelait notamment à investir 1,4 milliard d’euros sur cinq ans dans le domaine. Un montant finalement revu à la hausse par le gouvernement avec l’aide de Bruxelles et des acteurs industriels français.
Sur les 1,8 milliard d’euros prévus, un milliard d’euros provient de l’État seul. Les 800 millions restants proviennent d’engagements pris par des acteurs industriels (500 millions), de financements européens (200 millions) et d’investisseurs qui gravitent autour de l’écosystème français de start-up (100 millions). Concernant la répartition des 1,8 milliard d’euros pour financer les différents niveaux de la stratégie quantique de la France, 430 millions d’euros seront dédiés aux travaux concernant l’ordinateur quantique universel, «qui est un peu le Graal de tout ce domaine» selon l’Élysée, tandis que 350 millions d’euros seront alloués aux projets sur des simulateurs quantiques. Par ailleurs, 320 millions d’euros seront consacrés aux systèmes de communication quantique, 250 millions d’euros aux capteurs quantiques et 150 millions d’euros à la cryptographie post-quantique. Enfin, 290 millions d’euros seront investis dans les technologies connexes autour du quantique (lasers, cryogénie…).
La recherche au centre de la stratégie du gouvernement
Pour amener les technologies quantiques à maturité, les acteurs de la recherche seront largement mis à contribution. Pour le seul domaine de la recherche, c’est plus du tiers de l’enveloppe totale, soit 700 millions d’euros, qui y sera dédié. Parmi les initiatives dans les tuyaux, un programme prioritaire de recherche avec une enveloppe de 150 millions d’euros va être confié au CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et à l’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique). Ces trois organismes auront pour mission de mettre en place un plan d’action pour aboutir à des avancées concrètes autour des technologies quantiques avec l’ensemble des universités travaillant sur le sujet. Pour rappel, 80% de l’écosystème français du quantique est réparti entre Paris, Saclay et Grenoble. Indissociable de la recherche, la formation est logiquement mise en avant dans le plan du gouvernement. Dans ce cadre, 70 millions d’euros seront alloués à des programmes et crédits de formation, ainsi qu’à des bourses de thèse.
Dernier maillon de la chaîne, l’entrepreneuriat se verra octroyer la somme de 390 millions d’euros pour épauler les groupes industriels et les start-up dans leurs projets dans le quantique. Certains acteurs n’ont d’ailleurs pas attendu ce plan pour se mettre en ordre de bataille, à l’image de la jeune pousse technologique Pasqal qui a noué un partenariat fin 2020 avec Atos pour développer un accélérateur quantique s’appuyant sur la technologie des atomes froids de la start-up. Avec Atos, Pasqal ambitionne de placer la France en tête des technologies quantiques d’ici 2022, ce qui ne devrait pas manquer de plaire à Emmanuel Macron. Autre acteur ambitieux, la start-up Alice&Bob travaille en collaboration avec six laboratoires académiques, à savoir l’Inria, l’ENS-PSL, les Mines ParisTech, l’ENS-Lyon, le CNRS et le CEA. Cette mutualisation des forces vise à développer le qubit de chat de Schrödinger, étape décisive pour créer un ordinateur quantique universel sans erreur. Pour propulser davantage de projets d’entrepreneuriat dans le quantique, l’État compte notamment sur Bpifrance, acteur très actif qui a contribué à l’essor de la French Tech ces dernières années en mobilisant plusieurs centaines de millions d’euros à destination des start-up.
Derrière le terme de quantique, se cache un univers vaste et complexe qui doit permettre d’atteindre une puissance de calcul inédite. Et pour cause, la brique de base de cette technologie ne repose pas sur les bits, mais les qubits (bits quantiques). Contrairement aux bits des ordinateurs classiques qui ne peuvent se trouver que dans deux états, 0 ou 1, les qubits peuvent se trouver dans plusieurs états à la fois. De ce fait, avec cette superposition des états, il est possible d’effectuer plusieurs calculs à la fois, et ainsi de parvenir à des algorithmes capables de résoudre les problèmes les plus complexes. A terme, le but est de créer l’ordinateur quantique universel, qui pourrait traiter des masses de données gigantesques et réaliser des opérations allant bien au-delà de notre imagination. Cette technologie serait notamment très utile dans le cadre d’une crise sanitaire comme l’épidémie de Covid-19, avec un développement de vaccins et de médicaments qui serait bien plus rapide qu’à l’heure actuelle.
De 60 à 200 millions d’euros par an dans le quantique
Avec ce plan de 1,8 milliard d’euros, l’objectif est d’injecter 140 millions d’euros supplémentaires par an dans le quantique, contre 60 millions d’euros actuellement. Sur les cinq prochaines années, ce sont donc 200 millions d’euros par an qui seront consacrés aux investissement dans le secteur. «Cela devrait nous faire passer en termes d’investissement à la troisième place mondiale, c’est-à-dire juste derrière les États-Unis et la Chine, qui sont évidemment sur des détails difficilement comparables. Donc c’est un effort absolument majeur, mais qui doit mobiliser tout l’écosystème qui devra s’étendre au niveau européen», indique l’Élysée.
L’exécutif précise aussi que cette stratégie de la France dans le quantique s’inscrit dans la continuité de la politique menée par le gouvernement dans le numérique et la recherche. «C’est ce que l’on a vu à travers la loi de Programmation pour la recherche qui vient d’être votée et qui va apporter 25 milliards sur 10 ans aux écosystèmes de recherche. C’est également ce qu’on porte à travers le plan France Relance, qui vise à la fois à redémarrer l’économie et relancer l’économie, mais aussi à préparer la France de 2030. Puis, c’est également ce qu’on fait à travers le programme d’investissements d’avenir qui, lui, est doté de 20 milliards d’euros sur les 5 prochaines années et qui va permettre d’apporter les financements à tous ces écosystèmes.»
Le défi s’annonce pour autant difficile pour la France, pour ne pas dire impossible, face à des géants comme les États-Unis et la Chine qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour prendre plusieurs longueurs d’avance dans le quantique. Le Congrès américain s’est saisi du sujet dès 2018 avec le National Quantum Initiative Act, une loi prévoyant d’injecter 1,2 milliard de dollars sur 5 ans dans le quantique. Si ce montant est plus faible que celui du plan français, les États-Unis peuvent compter sur leurs géants technologiques, et notamment les GAFAM, pour s’imposer dans ce secteur florissant. Selon le cabinet McKinsey, l’informatique quantique représentera un marché pesant 1 000 milliards de dollars en 2035.
La quête vers l’ordinateur quantique de référence a d’ailleurs connu une accélération spectaculaire outre-Atlantique en 2019 sous l’impulsion de Google qui a annoncé avoir expérimenté la «suprématie quantique» avec un processeur capable de faire un calcul en trois minutes, là où un supercalculateur «classique» aurait mis près de 10 000 ans. Une suprématie quantique contestée par IBM, autre poids lourd du secteur, qui développe également une machine quantique de 53 qubits, soit l’équivalent en puissance de celle de Google. L’an passé, le groupe industriel américain Honeywell est également entré dans la course en lançant «l’ordinateur quantique le plus puissant au monde», avec un volume quantique atteignant 64, soit le double de la puissance du super-ordinateur d’IBM.
La Chine mobilise 10 milliards de dollars pour un laboratoire quantique
Très actifs en France, ces géants américains pourraient-ils bénéficier de la stratégie quantique de la France ? L’exécutif se veut rassurant sur le sujet : «Dans les cas les plus agressifs ou sur les technologies les plus confidentielles ou importantes, on a les outils habituels de gestion du risque, comme le décret IEF (NDLR : le contrôle des investissements étrangers en France) qui permet de bloquer les investissements, notamment dans le domaine du quantique. Donc là, évidemment, sur tous les cas de rachat qui pourraient intervenir, on sera amené à se prononcer. Mais le premier enjeu à court terme, c’est vraiment de rendre la France attractive aux yeux du monde entier sur le sujet du quantique.»
De son côté, la Chine s’est distinguée en 2017 en débloquant une enveloppe de 10 milliards de dollars pour construire un laboratoire national dédié aux sciences de l’information quantique tandis qu’Alibaba avait pris le sujet à bras le corps dès 2015 avec son propre laboratoire consacré aux technologies quantiques pour développer un prototype d’ordinateur quantique à usage général doté de 50 à 100 qubits à l’horizon 2030. La firme de Jack Ma, qui est actuellement dans le viseur de Pékin depuis les critiques publiques de son fondateur à l’encontre des autorités de régulation financière, a prévu de mobiliser pas moins de 15 milliards de dollars dans l’intelligence artificielle, la FinTech et la recherche quantique. D’autres géants chinois, Tencent et Baidu, s’intéressent également au quantique.
Si les États-Unis et la Chine ont déjà pris les devants dans le secteur, c’est aussi le cas de plusieurs pays européens. Pour rappel, le Royaume-Uni a été l’un des premiers pays du Vieux Continent à se doter d’une stratégie quantique en 2013, qui s’est traduite par plus d’un milliard d’euros d’investissements prévus entre 2014 et 2024. Quelques années plus tard, l’Allemagne s’est également lancée dans la course avec un plan de 650 millions d’euros en 2018. A l’échelle continentale, l’Union européenne a lancé un programme Flagship Quantique doté théoriquement de 1 milliard d’euros sur 10 ans. Une première tranche de 135 millions d’euros a été allouée à une vingtaine de projets en 2018.
Il était donc temps pour la France de se doter d’une feuille de route dans le quantique, un secteur sensible qui devrait rebattre les cartes au niveau mondial dans des domaines comme l’économie, la santé et l’industrie. Dans cette course dans le quantique, la France espère ainsi finir aux avant-postes avec une souveraineté technologique renforcée. Après la révolution de l’intelligence artificielle gagnée par les Américains (GAFAM) et les Chinois (BATX), Français et Européens ne veulent pas rater celle du quantique, sous peine de voir leur puissance considérablement affaiblie dans les prochaines décennies.
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