Macron sur le numérique: la connivence fixera-t-elle les règles ?
J'ai déjà eu l'occasion de réagir au programme marqué comme «libéral» de François Fillon, à l'occasion des Primaires de la droite. Aussi parait-il juste de décortiquer des propositions faites, plus particulièrement pour le numérique, par le candidat Emmanuel Macron, lui aussi taxé de « libéralisme ». Je réagirai ici à la liste des mesures proposées par le candidat Macron sur son site.
Concernant l’objectif 1 de «lutte contre les inégalités d’accès au numérique» avec la couverture en très haut débit de l’ensemble du territoire et d’élimination des zones blanches, elle avait été négociée en 2015 par le ministre de l’Économie qui était… Emmanuel Macron et qui reprenait déjà des mesures de… la «Loi Macron». Il est vrai que l’accord prévoyait la 3G pas la 4G comme dans le programme, cependant cette mesure n’a rien d’une nouveauté. En revanche on connaît justement la proximité du candidat avec certains opérateurs : ce mélange ne peut-il constituer un risque de connivence, et de fermeture à des concurrents émergents demain ?
Sur l’objectif d’aider «les TPE et les PME à réussir leur transformation numérique», toutes les entreprises ont-elles réellement besoin de «transformation numérique» ? On pense ici à certains secteurs artisanaux qui peuvent avoir des besoins limités en la matière. Si des entreprises éprouvent le besoin de cette «transformation» elles devraient pouvoir le faire de leur propre chef. Le meilleur moyen est alors de baisser le fardeau fiscal et social qui les empêche de le faire, et non subventionner des formations etc.
Sur l’objectif 3, «100% des démarches administratives pourront être effectuées depuis Internet en 2022 », on a envie de dire : «enfin !». Pour autant, la création d’«un compte citoyen en ligne (site et application), qui rassemblera sur une même interface tous les droits, notamment ceux liés à la santé, à la trajectoire professionnelle, à la formation, à la situation fiscale, aux droits civiques» , cette mesure pose deux questions. D’abord celle de la sécurité absolue des données et deuxièmement la possibilité pour un citoyen de refuser un tel compte qui regroupe toutes les informations dont il pourrait être fait un usage problématique dans la configuration d’un État qui deviendrait de moins en moins « démocratique » dans un futur proche.
Le risque de la mentalité «Minitel»
À propos de l’objectif 4 de développer «le droit à l’expérimentation dans le respect des impératifs de sécurité, de protection du consommateur et de loyauté de la concurrence», la mesure semble plus que bienvenue. On a en tête la situation ubuesque de Franky Zapata et son FlyBoard.
Concernant l’objectif 5 de «marché unique du numérique en Europe, qui permettra aux entreprises innovantes de disposer des mêmes règles partout dans l’Union européenne» attention aux désirs d’harmonisation, qui se feront toujours davantage, Brexit oblige, selon la force d’attraction des desiderata de la France, avec le risque que la mentalité «Minitel» ne l’emporte. L’harmonisation peut tuer la concurrence et l’évolution.
Enfin sur la mise en place d’un «Fonds européen de financement en capital-risque pour accompagner la croissance des start-up européennes du numérique, doté d’au moins 5 milliards d'euros», pourquoi ce fonds n’émerge-t-il pas de lui même ? Ne vaut-il pas mieux réfléchir aux raisons fiscales qui conduisent, notamment en France, à un manque d’investissement dans les start-up et dans les gazelles. Plutôt que de faire les choses à la place de la société civile, pourquoi ne pas s’attaquer à ce qui l’empêche de le faire ? Ca serait en tout cas la position d’un candidat réellement libéral…
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