[Made in Italie] L’Italie, une start-up nation ? Les raisons d’y croire
Par Philippe Tandeau de Marsac, correspondant FrenchWeb
«L’Italie ne réussit pas à exprimer ses potentialités». Un air de déjà vu si l’on tient compte des derniers rapports sur les perspectives économiques des pays européens. Un refrain qui s’applique également sur le thème des start-up comme le reprend la très sérieuse étude du fond de venture capital Atomico (State of European Tech) dont le jugement est implacable sur l’Italie. En termes d’investissements dans les entreprises innovantes, l’Italie ne décolle pas. Elle recule même. En 2017, l’Europe aura investi presque 20 milliard d’euros. L’Italie reste figée à 180-200 millions d’euros. Un écart abyssal dont les causes sont à puiser non seulement dans la faible présence d’opérateurs de capital-risque et de capitaux disponible mais également dans l’existence d’un écosystème de l’innovation à la recherche d’une propre identité.
L’Italie n’est pas pour autant condamnée à jouer un rôle mineur. Loin s’en faut. Outre le levier fiscal qui reste une des pièces maîtresses de la législation récemment mise en place pour favoriser les investissements dans les start-up, l’émergence de nouvelles initiatives publiques est à souligner. Avec pour objectif de renforcer la force de frappe du capital-risque en Italie et de tenter de la porter à des standards internationaux. Au niveau national, le fonds d’Invitalia Ventures, doté de 87 millions d’euros, est ainsi né il y a deux ans avec pour objectif d’investir dans les start-up en phase early-stage, avec le soutien précieux du Ministère du Développement économique, de la Banque Européenne pour les investissements et le groupe américain Cisco.
La Caisse des dépôts italienne joue également un rôle primordial dans la relance du venture capital avec la naissance du fonds ITAtech (150 millions d’euros) qui investit, en partenariat avec le Fonds Européen pour les Investissements, sur des projets de transfert technologiques, ou encore du Fonds Tech Growth (200 millions d’euros) qui investit sur des opérations late stage. Les Régions ne sont pas en reste avec des initiatives locales qui fleurissent. Le Latium s’est récemment doté d’un fonds FARE Venture (80 million d’euros), géré par Lazio Innova, l’agence de développement économique de la Région. Un projet ambitieux avec en ligne de mire la volonté de concurrencer Milan comme tech hub de l’innovation. Au total ce sont de près de 500 millions d’euros mobilisables pour consentir à l’écosystème italien de faire le saut de qualité décisif.
Si le volet financier reste l’un des piliers fondamentaux pour soutenir la croissance de start-up de succès, le développement d’un écosystème structurée et connectée est tout aussi important. L’Italie a entrepris des efforts considérables en la matière même si il reste des erreurs à corriger. L’émergence d’incubateurs et d’accélérateurs de grande qualité en Régions, souvent reliée au monde des grandes entreprises, est un élément de contamination sain et stimulant pour l’écosystème. Comment ne pas citer le plus grand accélérateur italien, Luiss Enlabs, doté de 5000 mètres carrés au cœur de Rome, ou les structures hybrides accélérateur-fonds d’investissements comme PI Campus, H-Farm, la start-up studio toscane, Nana Bianca ainsi que Cariplo Factory, qui se veut le pôle d’open innovation connectant les start-up aux grandes entreprises.
Dans ce contexte, il est intéressant de penser au modèle français et en particulier au label French Tech Hub dont Milan fait partie depuis novembre 2016. Une initiative qui vise certes à renforcer des liens entre les écosystèmes français et italien de l’innovation mais qui peut également être un stimulant pour contribuer à transformer l’écosystème italien en un réservoir de talents et de projets prêt à rayonner sur la péninsule et l’Europe. Et devenir enfin une start-up nation.
Il reste à transformer l’essai. 2018 sera l’année décisive.
Le correspondant :
Philippe Tandeau de Marsac est le responsable du développement d’Invitalia Ventures SGR, le Mentor French Tech et membre du comité de pilotage French Tech Hub Milan.