ManoMano, miroir de l’ascension de la French Tech
4ème et dernier épisode de la saga ManoMano
Quand ManoMano a été officiellement mis sur orbite en 2013, la Tech française ne ressemblait en rien à ce qu’elle est aujourd’hui. Créer une start-up n’était pas aussi courant et valorisé qu’à l’heure actuelle, mais la dynamique n’allait pas tarder à être engagée, puisque c’est en 2013 que la French Tech, un label de mobilisation et de promotion des écosystèmes numériques français, a vu le jour sous l’impulsion de la ministre déléguée à l’Économie numérique de l’époque, Fleur Pellerin, sous la présidence de François Hollande. Depuis, les start-up ont bien grandi et les montants des levées de fonds n’ont cessé de grossir. Et ManoMano est la parfaite illustration de cette accélération de la French Tech au cours des huit dernières années.
Lors des débuts de ManoMano, ses fondateurs, Christian Raisson et Philippe de Chanville, se sont tournés vers les business angels pour faire décoller leur projet. Et bien loin des montants qui s’élèvent à plusieurs millions d’euros en amorçage aujourd’hui, la société, quand elle s’appelait encore monEchelle.fr, a d’abord bouclé à l’été 2012 ManoMano une première levée de fonds de 150 000 euros pour soutenir le lancement de sa marketplace en France.
Cette levée inaugurale sera suivie par une deuxième au printemps 2013 de 300 000 euros, toujours auprès de business angels, et d’une troisième début 2014 de 150 000 euros. Au début des années 2010, l’écosystème de financement des start-up n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui et il valait mieux avoir un bon réseau pour pouvoir lever des fonds. C’est avec sa levée de 2 millions d’euros auprès du fonds CM-CIC Capital Privé en septembre 2014 que la start-up prend définitivement son envol. Ce dernier financement s’avérera particulièrement précieux pour permettre à ManoMano de lancer sa marketplace sur le marché européen, en commençant par l’Espagne et l’Italie à l’été 2015.
Un vent de folie à partir de 2016
Après cette première phase de développement, vient le temps de l’accélération pour ManoMano, mais aussi pour l’ensemble de l’écosystème français. Car en janvier 2016, c’est un vent de folie qui gagne la French Tech avec la visite très remarquée d’Emmanuel Macron au CES de Las Vegas. Avec un discours très libéral, celui qui n’est encore que ministre de l’Économie sous la présidence de François Hollande livre un véritable plaidoyer en faveur des start-up. Les entrepreneurs sont séduits.
Le futur président de la République plante les bases de la «Startup Nation» à la française. Et profitant de cet engouement pour l’écosystème numérique, ManoMano boucle en mars 2016 sa première levée à deux chiffres, de 13 millions d’euros, auprès de Partech, Piton Capital, CM-CIC Capital Privé et Bpifrance pour passer la vitesse supérieure en Europe. Alors en hypercroissance, la start-up tricolore voit ses revenus exploser cette année-là, passant de 32 millions d’euros à 90 millions d’euros en l’espace d’un an.
L’euphorie se confirme l’année suivante avec une levée de fonds de 60 millions d’euros dirigée par l’Américain General Atlantic. Pour ManoMano, l’objectif n’est plus de déployer sa plateforme dans de nouveaux pays mais de se concentrer sur l’expérience client. Dans le même temps, l’écosystème français décolle pour de bon à l’international avec l’ouverture de sa vitrine mondiale à Paris, à savoir Station F, le campus XXL de start-up initié par Xavier Niel. Dans la French Tech, les tickets investis dans les start-up sont de plus en plus conséquents. ManoMano n’échappe pas au phénomène et boucle une série D de 110 millions d’euros en avril 2019. La société et la French Tech ont définitivement changé de dimension.
LES GRANDES ÉTAPES DE FINANCEMENT DE MANOMANO
Série A : 2 millions d’euros en septembre 2014
Série B : 13 millions d’euros en mars 2016
Série C : 60 millions d’euros en septembre 2017
Série D : 110 millions d’euros en avril 2019
Série E : 125 millions d’euros en janvier 2020
Série F : 299 millions d’euros en juillet 2021
L’entrée en Bourse, prochaine étape pour ManoMano et la French Tech
Mais alors que l’argent coule à flot et que les licornes commencent à émerger en France, les limites de la chaîne de financement se font sentir. Car si l’Hexagone est en pointe sur l’investissement early-stage, cela coince au niveau du growth et du financement late-stage. Et face à l’incapacité des fonds français à pouvoir offrir les capacités de financement suffisantes pour répondre aux besoins des scale-up, ce sont les investisseurs américains et asiatiques qui en profitent.
Il n’est ainsi pas surprenant de voir ManoMano boucler en janvier 2020 un tour de table de 125 millions d’euros mené par le fonds souverain singapourien Temasek, qui illustre alors une nouvelle fois les ambitions d’acteurs asiatiques comme Tencent, auteur d’investissements dans Qonto et Lydia dans les semaines précédentes. «C’est un paysage français qui est bien pauvre comparé à l’écosystème anglo-saxon où les fonds de growth sont bien plus présents», fait remarquer à cette occasion Philippe de Chanville, co-fondateur et CEO de ManoMano, à notre micro.
Écoutez notre entretien avec Philippe de Chanville réalisé en janvier 2020 :
Pour autant, si les fonds français ne sont pas encore performants sur le late-stage, les choses évoluent dans la bonne direction dans l’écosystème. Et après une année 2020 placée sous le signe de la résilience face à la pandémie de Covid-19, l’année 2021 est celle d’une pluie de licornes. Comme depuis son lancement en 2013, ManoMano est le reflet de l’évolution de la French Tech puisque c’est en juillet 2021 que la société a officialisé son entrée dans le cercle des licornes avec une valorisation de 2,6 milliards de dollars acquise à la faveur d’une série F de 355 millions de dollars (299 millions d’euros) menée par Dragoneer Investment Group. Elle aura ainsi levé 725 millions de dollars en 8 ans. L’entreprise, membre du Next40, fait bel et bien partie des fers de lance de l’écosystème. Prochain défi : entrer en Bourse. Cela tombe bien, c’est aussi celui de la French Tech qui sait qu’il s’agit de la prochaine étape pour finaliser sa mutation.
MANOMANO : LES 5 CHIFFRES A RETENIR 50 millions de visiteurs par mois 7 millions de clients 3 600 marchands partenaires 10 millions de références sur le catalogue 725 millions de dollars levés depuis 2012
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